Chapitre 20
Alexis
Deux jours après notre randonnée à Craux et l'accident du gamin, Layla me propose d'aller à Balazuc. Elle m'avait mentionné ce village au mois de mai, mais j'avoue qu'après les Gorges et les villages autour d'Alba-la-Romaine, je n'avais plus trop le courage de retourner encore au sud d'Aubenas. J'estimais avoir déjà fait pas mal de route comme ça et une bonne idée des paysages de cette partie de l'Ardèche, d'autant que je m'étais aventuré sur les pentes du plateau du Coiron et que j'étais, un jour, revenu de Vallon en passant par la vallée de l'Ibie.
Je ne regrette pas notre sortie. Balazuc affiche fièrement sa distinction de "plus beau village de France", au même titre que Saint-Cirq-Lapopie ou Collonges la Rouge. Situé en bordure de l'Ardèche, dans un site exceptionnel, protégé, le village est typiquement ardéchois : petite église, maisons de pierres, ruelles étroites et quelques boutiques artisanales.
Layla m'a fait partir tôt, comme bien souvent, pour profiter de la toute relative fraîcheur du matin pour faire une première balade dans le village, puis pour trouver un endroit agréable, près de la rivière, pour pique-niquer. Nous nous offrons là aussi une bonne baignade.
Bien vite, les familles, les groupes d'amis arrivent et la plage comme les grands rochers plats se couvrent de monde. Le village est un des sites touristiques importants de la région et l'accès à la rivière étant très facile, beaucoup y viennent pour passer une journée. Quelques enfants s'ébattent devant nous, riant aux éclats. Je frissonne en pensant à un jeune garçon, couché dans un lit d'hôpital, qui par bêtise est désormais privé de ces jeux.
La main de Layla passant doucement sur mon bras me ramène à la réalité. Je tourne lentement la tête vers elle. Son regard est profond et grave. Je suis certain qu'elle a perçu mes pensées et cela me fait comme une onde chaude au fond du cœur. Nous demeurons quelques secondes ainsi, les yeux dans les yeux, oubliant tout ce qui s'agite autour de nous, puis je me penche vers elle pour l'embrasser tendrement.
Lorsque nous rompons notre baiser, elle me sourit, un petit éclat malicieux au bord de ses prunelles marines. Puis elle se lève et dit :
- Je vais me baigner à nouveau, avant d'avoir trop chaud.
Je la suis du regard, admirant ses jambes musclées, ses fesses rondes cachées par le joli maillot qu'elle porte, ses cheveux blonds soulevés par un vent léger, ses bras fins. Je ne suis pas le seul à profiter du spectacle et je vois au moins deux ou trois types la mater allègrement, quand bien même ils sont accompagnés. Je reconnais que Layla doit être une des plus jolies filles à se trouver sur la plage ce jour-là, du moins dans nos âges, car il y a aussi quelques belles demoiselles qui doivent avoir entre dix-huit et vingt ans.
Sans doute que certains se disent que je suis chanceux. Ma foi... C'est vrai.
Layla
Quand Alexis m'a dit l'autre jour qu'il n'était jamais allé à Balazuc, j'ai aussitôt fait figurer une excursion dans ce joli village au programme. Comme nous sommes au mois d'août, quel que soit le jour choisi, il y aura du monde. Nous arrivons donc de bonne heure et faisons d'abord le tour du village, profitant que ce soit encore calme. Comme à Antraigues, j'aime ces petites ruelles, ces vieux escaliers de pierre, ces belles maisons dont on se demande quel peut être leur âge, ces grandes portes de bois.
Nous nous promenons tranquillement, main dans la main. J'aime ces moments où nous avançons d'un même pas, profitant de la même façon de ce qui s'offre à nous, goûtant tout autant le calme que la beauté des lieux, profitant des derniers moments de fraîcheur de la journée, comme des parfums de la garrigue toute proche.
Alexis remarque des détails que j'aime aussi : petite fenêtre, belle porte cochère d'un bleu passé, fleurs apportant une jolie touche de couleur dans une jardinière, odeurs de figues, de thym, de lavande.
Etant arrivés assez tôt sur la plage, nous pouvons profiter de l'ombre d'un des piliers du pont. Nous pique-niquons là, après un premier bain. A Balazuc, le lit de l'Ardèche est profond et étroit et offre de beaux endroits de baignade. Les grandes pierres plates sont tout aussi agréables que le sable pour s'installer, même si, en pleine chaleur, il faut se méfier car elles peuvent être brûlantes.
Après le pique-nique, nous demeurons tranquilles un moment, à discuter tout en admirant les lieux. Les familles se font de plus en plus nombreuses, les enfants jouent. Puis je retourne me baigner pour me rafraîchir. Je nage un bon moment, puis je jette un regard vers la plage : Alexis est demeuré près de nos affaires. Il est un peu songeur, j'espère que l'accident du jeune garçon ne le préoccupe pas trop. Et que cela l'aidera surtout à envisager son avenir professionnel. Je suis certaine qu'il pourra exercer comme généraliste. Il a de l'empathie, de l'expérience en milieu difficile. Aux urgences, il a vu de tout. Certes, il me dit qu'il n'a jamais travaillé seul et je peux comprendre que ce point le fasse hésiter.
Je ne peux me cacher aussi que je serais très heureuse qu'il s'installe ici. Je suis sûre qu'il retrouverait les patients de notre précédent médecin, que les gens seraient contents de l'avoir. Et pas seulement d'avoir un remplaçant. Et je suis certaine qu'il se plairait à exercer à Antraigues. Le rythme de travail serait moins soutenu qu'à Créteil, il pourrait prendre le temps de s'occuper des patients, de bien les suivre. Ce serait beaucoup plus valorisant pour lui.
Je sais que cela signifie aussi qu'on ne se verrait presque pas. C'est la contrepartie. Ce n'est pas quelque chose de facile à envisager, car je sens bien que je m'attache de plus en plus à lui, qu'avec lui, j'oublie mon propre quotidien, mes propres responsabilités. Que je retrouve aussi un naturel, une spontanéité que je suis obligée de brimer, de cacher dans ma vie trépidante de femme d'affaires.
Alors que je m'approche du rivage, il quitte notre petit coin avec ma serviette. Il est trop mignon ! J'en fondrais si j'étais en sucre. Je commence à sortir de l'eau alors qu'il s'avance vers moi et je note bien quelques regards féminins appréciateurs. Tant pis pour vous, les minettes ! C'est mon mec !
**
Non mais, je n'en reviens pas de penser cela ! C'est vraiment n'importe quoi. A croire que le soleil est en train de me taper sérieusement sur la tête. Alexis n'est pas à moi et il est encore moins "mon mec". Enfin, c'est quand même flatteur de voir comment certaines le regardent. Et lui, il a l'air de s'en fiche totalement. Cela m'amuse beaucoup. De mon côté, je sais bien que je fais facilement tourner les têtes, que les hommes me regardent souvent d'une façon qui n'est d'ailleurs pas toujours très respectueuse. Oui, je suis blonde, oui, je suis jeune, et oui je suis jolie. Mais si vous pensez que je suis une ravissante idiote, tenez-vous le pour dit !
Je souris à Alexis et récupère ma serviette, l'enroule autour de mes épaules.
- Veux-tu te baigner à nouveau ?
- Non, ça va. Tu veux rester encore un moment sur la plage ?
- Pas forcément. Et toi ?
- Il commence à y avoir du monde et il fait chaud, fait-il remarquer.
- Oui. On peut s'en aller si tu veux. Et remonter au frais, à Antraigues.
- Ca me va.
Nous regagnons notre petit coin et nous rhabillons rapidement, rangeons nos affaires. Je suis certaine que notre place à l'ombre ne va pas rester abandonnée bien longtemps. Puis nous remontons au parking. Je prends à nouveau le volant et nous traversons par le pont. Nous étions arrivés par le haut du village et je veux faire découvrir l'autre route d'accès à Alexis. Le paysage y est étonnant : garrigue, pierres sèches, végétation rabougrie, lit à sec d'un petit ruisseau. Nous nous retrouvons bien vite sur la route menant à Aubenas et trois quarts d'heure plus tard à peine, nous sommes installés sur la terrasse des Auches, à l'ombre de la vigne avec une bière à la main.
La balade, la baignade, le soleil, l'ombre agréable, la fraîcheur de nos bières ont bien vite raison de nous et nous nous retrouvons dans ma chambre, debout face à face, à nous dévêtir lentement tout en nous goûtant l'un l'autre. La peau d'Alexis est comme un bonbon sucré que je déguste sans fin, que ce soit dans son cou, sur ses clavicules, son torse, ses épaules. Je me sens comme affamée et ne laisse pas échapper le moindre petit centimètre de peau. Mes mains ne sont pas en reste, parcourant son dos, provoquant ses frissons quand mes doigts glissent de sa nuque à ses reins.
Mes petits jeux semblent l'amuser et s'il me laisse faire un moment, il s'emploie aussi à me retirer t-shirt, short et dessous. J'adore quand ses doigts se faufilent sous mes dentelles, que ce soit pour chercher un de mes tétons ou pour s'aventurer dans ma toison. Alors que mon slip glisse le long de mes jambes et que j'oublie aussitôt son existence, j'attrape la nuque d'Alexis pour plaquer mes lèvres sur les siennes et l'embrasser avec passion.
J'ai envie de lui, oh oui, j'ai envie de lui !
Il m'étend sur le lit et si jusqu'à présent, l'affamée, c'était moi, maintenant, c'est lui qui me dévore, faisant grimper mon désir en flèche. Oh mon Dieu, je le veux !
Et je l'ai.
Sa bouche soudée à la mienne, ses mains cramponnées à mes hanches, son sexe qui va et vient en moi... J'en frissonne, j'en frémis, je me perds et je m'oublie... C'est tellement fort et puissant que je crois que je vais défaillir.
C'est peut-être ça, mourir de plaisir.
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