Chapitre 68
Alexis
- A vendredi soir, mon amour.
Layla sourit à mes mots alors que je la tiens tendrement contre moi. Je suis prêt à repartir pour Antraigues, en ce milieu de matinée. Elle, elle demeure pour quelques jours chez ses parents, et profitera de l'occasion pour se rendre à l'usine de Libourne. Elle a rapidement évoqué devant moi le programme de ces journées et le moins que je puisse dire, c'est que ce sera chargé. De mon côté, la semaine ayant été raccourcie par le férié, mes rendez-vous sont quasiment tous pris, et d'autant plus que j'ai prévu du temps demain après-midi pour me rendre à la maison de retraite et compenser ainsi la visite que je n'ai pas faite lundi.
C'est une très courte séparation qui nous attend, pour cette fois. Juste quelques jours. Et la semaine prochaine, Layla sera vraiment en vacances. Elle n'aura pas à se rendre aux usines, à travailler avec Maïwenn sur le projet de relance, comme elle l'avait fait au cours de ses derniers déplacements. Quant à moi, je ne travaillerai pas les jours fériés, nous aurons donc du temps pour nous et pour randonner. Nous avons d'ailleurs profité du week-end pour évoquer plusieurs belles balades à faire, notamment une nous permettant de nous rendre jusqu'au château de Boulogne - et non, ce n'est pas en région parisienne ! Nous projetons aussi de passer une journée dans les gorges, même si on ne randonnera pas, pour les faire ensemble, pour admirer les différentes vues offertes par les belvédères, visiter la grotte de la Madeleine et la grotte Chauvet. J'ai déjà parcouru cette dernière l'an passé, sur les conseils de Layla, mais j'ai envie de la revoir avec elle. Et comme elle ne l'a pas visitée depuis plusieurs années, elle est enthousiaste à l'idée d'y retourner.
Le programme s'annonce donc réjouissant et d'autant plus que Layla a l'intention de revenir quelques jours avec Maïwenn au mois de juin. Pas pour une semaine complète, mais cela nous permettra de nous revoir au moins une fois avant le mois d'août.
J'ai déjà salué ses parents, les remerciant de leur accueil. Maxime et Jacob se sont accrochés à moi, un peu tristes de me voir déjà partir. Et Maxime semble tenir à venir en Ardèche durant des vacances. Il lui restera à décider ses parents... Or je n'ai pas l'impression que ce soit au programme des prochaines vacances d'été de Margot et de Gabin. Je ne dis rien cependant, pour ne pas attrister plus le petit garçon.
Layla resserre son étreinte autour de ma taille. Son visage levé vers moi est éclairé de son doux sourire et son regard brille de ce bleu marine profond, au point de tirer sur le mauve. Je me penche pour l'embrasser une dernière fois, puis elle s'écarte afin de me laisser monter dans la voiture.
- Fais bonne route. Tu as les adresses de Serge !
- Bien sûr ! Je compte bien en utiliser une ce midi pour ma pause déjeuner !
Je me penche par la fenêtre ouverte, cueille un dernier baiser sur ses lèvres, puis je mets le moteur en route et m'engage vers le portail. De Montussan, il est très aisé de récupérer l'autoroute et j'engrange les premiers kilomètres sans rencontrer de difficultés particulières. Je m'arrête pour déjeuner à Brive-la-Gaillarde, dans un restaurant conseillé par Serge, puis je repars. C'est au péage de Clermont-Ferrand que je rencontre un peu plus de circulation, comme bien souvent.
J'arrive en début de soirée, un peu fatigué par cette journée de route, mais bien content du week-end. La famille de Layla, et ses parents notamment, se montrent accueillants avec moi, et j'apprécie. Je développe une chouette complicité avec Maxime et Jacob, ce qui n'est pas sans me rappeler celle que je peux avoir avec Jules ou même Aglaé, quand bien même c'est une petite fille et qu'elle est un peu plus âgée.
Layla
Les deux journées et demie qui me séparent de mon arrivée à Aizac passent vite. Il faut dire que j'ai prévu un programme assez chargé à l'usine de Libourne, sans oublier que l'équipe de journalistes sera présente. Ils m'ont demandé la possibilité de s'entretenir aussi avec la direction sur place, ainsi qu'avec les représentants syndicaux, ce que j'ai accepté.
J'entame mon habituelle visite de l'usine, cette fois avec eux. J'y passe un peu plus de temps que prévu, pour répondre à quelques questions, expliquer aussi les travaux engagés pour améliorer les performances énergétiques de l'usine, sans oublier de signaler que nous en profitons pour aménager certains postes de travail. L'après-midi, l'équipe tourne de son côté pendant que je suis en réunion de direction. Je n'aborde pas encore avec eux le projet ardéchois : quelques représentants de la direction libournaise seront présents à Paris en juin, lorsque Maïwenn et moi-même annoncerons le projet et en présenterons les grandes lignes.
Nous réglons plusieurs questions liées à l'usine elle-même, à l'avancée des travaux. Et le lendemain, je participe à la réunion du comité d'entreprise, avec syndicats et direction. Là aussi de nombreux points sont abordés, parfois les mêmes que la veille, mais cette fois sous l'angle des conditions de travail, de l'aménagement des postes. En fin d'après-midi se déroule une autre réunion, toujours avec les représentants syndicaux, la responsable RH et le médecin du travail, cette fois pour aborder le cas particulier de quelques employés. Mise en retraite progressive, aménagement de postes liés à un risque de TMS, temps partiels demandés pour des situations familiales délicates.
Après cette ultime réunion, j'accorde une petite heure à l'équipe journalistique. C'est presque un moment de détente pour moi. Ils sont très contents de leurs conditions de tournage, de ce qu'ils ont pu voir dans la journée. Je leur ai accordé le libre accès à toute l'usine, sauf les parties en travaux pour des raisons de sécurité, mais ils ont pu réaliser des plans en extérieur et montrer déjà certaines avancées du chantier.
A la fin de l'entretien, la journaliste me demande cependant quels sont les axes de développement que j'envisage, une fois le chantier achevé. Je lui réponds que j'ai un projet à l'étude, mais que je ne peux en parler pour le moment, du moins tant que le comité central d'entreprise n'en est pas informé. Je lui précise que cela se fera en juin et elle me demande alors s'il leur sera possible d'en apprendre plus. Je ne m'engage pas encore sur ce point, ce qu'elle comprend.
Je rentre chez mes parents bien fatiguée de cette journée, mais bien contente aussi : nous avons bien avancé, les réunions à Libourne sont toujours denses, mais fructueuses. Je suis contente d'avoir pu trouver des solutions pour la plupart des personnes qui demandaient un aménagement de poste ou d'horaires et d'avoir pu valider la deuxième phase du plan de formation, pour la fin de l'année.
Même si maman veille, papa ne peut s'empêcher de me poser quelques questions sur le déroulement de ma journée. Nous en parlons durant une partie du repas, puis maman met le hola. La discussion se passait bien, mais elle rappelle à mon père que j'ai aussi besoin de souffler, de parler d'autre chose. Elle se réjouit que je prenne un peu de vacances et que je retrouve très vite Alexis. Si elle apprécie Luc, le petit ami de Justine, je sais déjà qu'Alexis occupe une place de choix. Quand elle me parle de lui, elle n'a que des compliments à en faire. Cela m'amuse et me réjouit à la fois. Je suis heureuse que mes parents - car papa apprécie aussi Alexis, même s'il est beaucoup plus discret dans l'expression de son opinion -, l'aient accepté et bien accueilli. C'est important pour moi, pour nous tous.
**
Le vendredi matin, je retourne à l'usine pour un dernier entretien, cette fois plus factuel, avec la direction et l'encadrement. Puis vers 11h, je quitte l'usine avec Serge et nous prenons directement la route pour Aizac. J'ai dit au revoir à mes parents ce matin, en quittant la maison. Je ne les reverrai sans doute pas avant cet été.
Nous déjeunons en route, un peu après Périgueux. Je relaie Serge pour la conduite après le péage de Clermont-Ferrand et déjà, mon cœur se réjouit de voir se profiler les montagnes. Pour un peu, j'aurai continué à conduire une fois sortis de l'autoroute. Mais Serge me rappelle que cela fait déjà un bon moment que je tiens le volant et qu'il vaut mieux que je reste comme simple passagère, à apprécier le paysage.
Je n'étais pas repassée par ici depuis Noël, depuis le voyage en sens inverse avec Alexis, puisqu'en février, j'étais venue et remontée sur Paris en passant par Montélimar. Comme toujours, je ressens le profond sentiment que je reviens chez moi, au fur et à mesure que je vois se dessiner les sucs dans le lointain, que je devine la forme bien particulière du Mont Mézenc. Le plateau de la Haute-Loire nous offre ses verts tendres de printemps, ses bouquets de fleurs des champs, ses vaches tranquilles qui paissent à travers les prairies.
Nous enchaînons la traversée des petits villages et nous nous arrêtons à Lanarce où je fais quelques provisions.
- Je suis sûr que Monsieur Alexis a prévu, Mademoiselle, s'amuse Serge.
- J'en suis certaine aussi. Mais c'est difficile de résister... Cette petite tomme de chèvre me paraissait onctueuse à point et ce jambon fumé est incomparable. Il est encore différent de celui qu'on trouve à Sainte-Eulalie ou à la boucherie de Vals.
- A propos de boucherie, avez-vous eu des nouvelles de votre ami Julien ?
- Oui. Alexis l'a croisé à Antraigues un dimanche matin. Il va démarrer son activité ce mois-ci. Certes, avec les jours fériés, ce n'est pas évident, mais il a décidé de ne pas en tenir compte : après tout, il est seul et peut travailler ces jours-là.
- Et donc, il va pouvoir commencer.
- Oui. Il en était très content, m'a dit Alexis. Je n'en suis pas surprise. Ca va lui convenir bien mieux que le supermarché et il sera directement en contact avec la clientèle, et pour beaucoup, des gens qu'il connaît et qui le connaissent.
- Et qui savaient que c'était un boucher sérieux, de même que son père.
- Tout à fait. Sa réputation va le précéder et je ne peux que souhaiter qu'il s'en sorte financièrement parlant. Je ne connais pas encore les détails de sa "tournée", mais je sais qu'il viendra une demi-journée par semaine à Aizac et qu'il sera à Labastide le même jour. Il ira aussi à Asperjoc et Thieuré, à Genestelle, à Laviolle. Et bien sûr, à Antraigues. En été, il compte y être deux fois, en même temps que le petit marché estival et un autre matin.
- Je lui souhaite de réussir, ajoute Serge. Vous lui passerez tous mes encouragements.
- Je n'y manquerai pas, merci pour lui, Serge, souris-je.
Puis nous demeurons silencieux car nous abordons la descente de la Chavade : Serge doit rester bien concentré sur la route et moi... Moi je m'emplis les yeux et le cœur de tout ce que je vois. Et comme à chaque fois que je prends cette route, j'ouvre un moment la fenêtre pour respirer tous les parfums et prendre mes premières goulées d'air ardéchois.
Et si je me réjouis de ce voyage, plus encore que l'année précédente, c'est parce que je vais retrouver Alexis.
Alexis qui m'attend aux Auches.
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