Si l’homme crée le monde
Si l’homme crée le monde, fabrique le paysage à la manière d’un énoncé performatif qui, disant la chose l’installe - (« Je déclare la session ouverte », et l’événement a lieu à l’aune du verbe qui le produit) -, « Je regarde la mer » et voici la mer devant moi avec la certitude qu’elle n’est nullement une invention, une fiction, une simple hallucination - (car, ne la regardant plus, pour moi, elle devient, à proprement parler « in-existante », privée de lieu et de temps) -, si, donc nous créons ce que nous voyons (entendons, touchons…), c’est tout simplement en raison du fait que nous sommes un monde nous-mêmes, un bref cosmos avec ses coordonnées polaires, ses trajets de comètes, ses portes de communication, ses passerelles, ses lois, ses propres règlements, ses levers de soleil et ses couchers de lune, c’est que nous sommes un univers en miniature avec son origine et sa fin, sa course au milieu de l’éther, ses résolutions immédiates et ses atermoiements infinis, avec sa morale et son inclination à la faute, avec son inextinguible laideur et son incroyable beauté. Et si solipsisme il y a, si l’égoïté fonde notre nature c’est eu égard à cette belle autonomie par laquelle nous nous donnons assise à nous-mêmes en même temps que nous élevons le tremplin par lequel rencontrer les choses du monde. Mais revenons un instant à la belle photographie de Gines Belmonte, à la peinture de Friedrich et installons-nous dans la peau de ces personnages en méditation qui nous fascinent parce que méditant, parce qu’ils sont NOUS face au mystère du paysage. Face à celui-ci, le paysage, nous avons fait, jusqu’ici, l’économie du prédicat essentiel qui, nécessairement, doit lui être appliqué comme sa nature la plus propre : SUBLIME. Oui, c’est de ce sentiment du sublime dont nous sommes atteints dans notre chair puisque, aussi bien, nous sommes ce Contemplateur de l’image face à la trace ouvrante du soleil, cette silhouette en redingote se détachant sur la mer de nuages. Nous n’avons d’autre ressource que d’être ces énigmatiques personnages.
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