2. Une rentrée mouvementée
Le matin même, dans sa chambre, Ken se préparait pour sa première journée dans sa nouvelle école. Il enfila son blazer noir avec une bordure dorée par-dessus sa chemise blanche. Devant le miroir de sa commode, il ajusta une dernière fois la cravate jaune rayée noire de son uniforme scolaire et croisa son propre regard. Ses cheveux brun foncé ébouriffés tombèrent légèrement sur ses yeux pers reflétant une tristesse profonde. Malgré les années passées, Ken a grandi avec cette mélancolie et des souvenirs qui le hantent toujours aujourd'hui. Il soupira sans joie de vivre face à cette nouvelle rentrée scolaire dans un nouvel environnement. Il déposa son sac sur ses épaules, puis quitta sa chambre pour descendre les escaliers. À peine franchi la porte d'entrée, sa tante Elena l’intercepta et lui dit d'un ton autoritaire :
– Ken, tu ne penses tout de même pas sortir sans avoir déjeuner ?
– Je n'ai pas faim... lui répondit Ken d'un ton dissimulé sans détourner son regard de la porte.
– Ken, s'il te plaît, regarde-moi quand tu me parles. Je me demande juste quand tu seras plus coopératif avec moi.
Ken se tourna lentement vers celle-ci. D'un ton offusqué, il lui lança :
– Je le serai, le jour où tu vas enfin décider de m'expliquer la raison pour laquelle nous avons déménagé à l’improviste et quitté le village où j’ai vécu toute mon enfance. J'adorais la forêt ...et j'aimais le fait que ton ancienne maison soit proche de celle où j'ai grandi...C'est tout ce qui me restait comme souvenir de mes parents... Et maintenant, tu m'empêches d'y retourner... Je déteste la ville ! Pourquoi ne m’expliques-tu rien ?
– Ken, écoute-moi … je ne peux pas …je tiens juste à ta protection ...
Ken s'impatienta et ajouta d'un ton froid :
– Pourquoi pas ? En me cachant la vérité, tu penses me protéger et me rendre heureux ? Que…cela effacerait ce qui s’est passé ?
Elena ressentit une certaine peine remontée à ses yeux, un sentiment d'impuissance face à la frustration de Ken.
– Je suis désolée Ken...
Frustré, Ken roula le regard et claqua la porte derrière lui. Sa tante fixa la porte et relâcha un grand soupir tout en tentant de se ressaisir. Même si elle l'avait pris sous ses ailes après la mort de ses parents, et malgré tous ses efforts pour le soutenir moralement, il développait une attitude froide et désintéressée de tout. Elle espéra tout de même que cette première journée serait bénéfique pour lui
Dans un secteur résidentiel dans la ville de St-John’s, en chemin vers le collège, Ken marcha sur la rue Barnes bordée de maisons mitoyennes colorées. Il tourna ensuite sur Military Road, un boulevard achalandé, il passa devant la Basilique-cathédrale de St-John’s. Tout en continuant son chemin, il la regarda avec grand intérêt.
Devant le miroir de sa commode, Brendan passa un peigne dans ses cheveux châtain mi-long afin de dégager ses yeux et coiffa légèrement ses couettes rebelles. Il enfila son blazer noir pour compléter son uniforme collégial, puis déposa son sac d’école sur une épaule. En sortant de la pièce, il croisa son père sur le même étage qui faisait des allers-retours d’un pas pressé entre sa chambre à coucher et la salle de bain en boutonnant sa chemise.
– Bon matin Papa, dit simplement Brendan en espérant qu’il le remarque.
Comme de fait, complètement absorbé dans sa routine du matin pour se préparer, il ignora son fils.
Sans insister davantage, Brendan soupira désespéré et descendit les escaliers pour se rendre directement dans la cuisine. Lorsqu’il s’approcha du comptoir, il fut réjoui de voir qu’il restait des muffins fraîchement préparés de la veille. Sur le point de le savourer, sa belle-mère, toujours aussi bien coiffée de son chignon blond et d’apparence soignée, pénétra dans la cuisine.
– Brendan, nourris-toi un peu mieux le matin, jugea-t-elle d’un ton impatient.
– J’ai pas le temps…répondit-il en roulant les yeux, embêté par ses remarques dont il ne tolérait plus, puisque c’était comme ça quotidiennement.
– Je me demande bien quand est-ce que tu vas prendre le temps et te responsabiliser, projeta-t-elle autoritaire en mettant en marche la machine à café.
– Karen, tu n’es pas ma mère et en quoi ça te regarde, dit Brendan irrité, en prenant une autre bouchée de son muffin. Sa belle-mère, tourna légèrement la tête vers lui offusqué de sa réponse. Brendan préféra l’ignorer, s’avança de quelques pas et percuta son père qui tournait le coin trop rapidement, concentré à ajuster sa cravate. Surpris par le coup, il en échappa son déjeuner au sol. En se penchant pour le ramasser, Brendan regarda du coin de l’œil son père qui ne pensa même pas à s’excuser. Ce dernier continua son chemin vers sa femme qui lui servit une tasse de café.
– Chéri, laisse-moi ajuster ta cravate, fit Karen de sa douce voix attentionnée, en replaçant le collet de son mari.
– Merci, lui répondit-il à son tour en échange d’un baiser sur la tête.
– Tu devrais parler à ton fils, il a encore été arrogant envers moi, se plaignit-elle.
Son père se tourna alors vers lui en prenant une gorgée de son café. Pendant ce temps, Brendan, pour éviter d’affronter son père du regard, en profita pour jeter les miettes de muffin à la poubelle.
– Hey, tu devrais être plus poli les prochaines fois.
– Je suis juste tanné qu’elle me dise quoi faire, marmonna-t-il sur le point de fuir la scène.
– Ne t’en vas pas tout de suite, je n’ai pas terminé de te parler, lui ordonna son père avec autorité.
Brendan se retourna lentement d’un air agacé. L’attitude enfantine de sa belle-mère le dégoûtait.
– Je ne tolère plus ce manque de respect, elle veut juste ton bien et que tu deviennes plus responsable, continua son père en le pointant du doigt de manière méprisante.
Brendan bouillonnait à l’intérieur, mais il resta silencieux sous peine de regretter ses paroles et empirer la situation.
– J’espère aussi que tu ne vas pas te réinscrire à ton équipe de basketball cette année ? ajouta-t-il.
– Pourquoi ? demanda Brendan interloqué par cette question dont il craignait la réponse.
– C’est une vraie perte de temps. Tu investie beaucoup trop de temps dans ce sport et ça va nuire à ta réussite scolaire, répondit Karen d’un ton sévère.
– Mais c’est ce que j’aime le plus, j’ai besoin de jouer, argumenta Brendan.
– Elle a raison tu n’iras pas loin juste avec ce sport.
– Mais qu’est-ce que tu en sais ! J’adore le basketball et c’est ma passion !
– Soit réaliste, ça ne va pas te définir plus tard. Tu devrais te prendre plus au sérieux et te concentrer sur tes notes. L’année dernière était décevante, remarqua son père.
Brendan roula des yeux voyant que sa cause était perdue. Frustré, il tourna les talons et s’éclipsa de sa grande maison.
Dans le couloir de l'école, Brendan retrouva ses deux meilleurs amis qui discutaient et rigolaient.
– Hey Brendan! s’exclama Jimmy jovial.
– Salut, répondit-il d’un ton las et désespéré.
– Oh ça n’a pas l’air d’aller ?
– C’est encore à cause ton père ? s’enquit son autre ami Kevin, au courant de sa situation familiale.
– Ouais… soupira Brendan
– T’inquiète pas, on ira jouer au basket plus tard ça va te changer les idées, fit Jimmy souriant pour lui remonter le moral en lui tapotant l’épaule.
Brendan sourit légèrement, puis se força de raconter à ses amis ce que son père et sa belle-mère pensaient de leur sport. C’était insensé de l’empêcher de jouer à quelque chose qui le rendait si heureux. Il s’appuya contre le mur, enfin décontracté, les mains dans les poches.
– Oui et j’ai bien hâte de vous prouver ce que je sais faire, fit Brendan en regagnant sa confiance.
– Là je te reconnais, dit Kevin avec fierté.
Ken marcha d’un pas lent vers sa classe et passa devant le petit groupe sans se soucier de leur présence. Kevin se tourna alors vers Brendan :
– Hey, me semble que c'est la première fois que je le vois ?
Brendan suivit du regard Ken d'un air soucieux.
– Il est nouveau... C’est sûr.
Curieux d’aller faire sa connaissance, il s’approcha de Ken d’un pas assuré.
– Hey ! s’exclama-t-il gaiement.
Cependant Ken resta perdu dans ses pensées et continua son chemin. Brendan le fixa perplexe mais n’essaya pas d’attirer davantage son attention. Kevin arriva à ses côtés les mains dans les poches.
– Bel impression le nouveau, un antisocial à ce que je vois, jugea-t-il.
Brendan hocha lentement la tête en guise d’approbation, mais une partie de lui ne partageait pas ce même sentiment.
Un groupe de quatre filles passa devant eux et les yeux des deux garçons se tournèrent immédiatement vers celles-ci.
– Salut les filles ! leur dit Brendan avec un sourire prétentieux.
– Salut Brendan ! répondirent les quatre filles en chœur avec leur sourire charmeur.
Kevin tapota l’épaule de ce dernier.
– On se voit plus tard à la pratique de basket, fit-il en le saluant d’une main en se dirigeant vers sa classe.
– C’est sûr ! répondit Brendan en le quittant à son tour.
Dans la classe, Ken alla s’installer au fond, proche d'une fenêtre. La salle se remplit rapidement et les élèves bavardèrent bruyamment en l'absence de l'enseignant. Brendan entra dans la classe avec Jimmy et remarqua Ken au fond de la classe. Il le fixa un instant, puis détourna son attention vers ses amis. Quelques minutes plus tard, le professeur fit son entrée avec ses livres sous ses bras et les déposa aussitôt sur son bureau. Les élèves se turent et reprirent leurs places rapidement. L'enseignant dit d'un ton jovial :
– Bon matin tout le monde ! Une nouvelle année s'annonce bien devant nous. Oh ! Mais avant de vous discuter du plan de cours, nous avons un petit nouveau cette année.
Son regard se tourna vers celui de Ken. Il lui demanda alors :
– C’est bien Ken Jensen ton nom ?
Les étudiants se retournèrent tous vers celui-ci, y compris Brendan. Mais Ken resta indifférent, il lui répondit d'un simple hochement de tête.
– Très bien, alors Ken est notre nouvel élève et j'espère que vous allez l’accueillir chaleureusement ! finit-il par ajouter avant de commencer son cours.
À la pause, Ken resta tranquille à sa place proche de la fenêtre et admira l'extérieur. Brendan discuta avec les quatre jeunes filles rencontrées plus tôt, quand soudainement, elles décidèrent d'aller joindre Ken. Les filles arrivèrent à ses côtés et l'interrogèrent pour mieux le connaître, mais ce dernier les ignora et ne leur démontra aucun intérêt. Brendan désormais seul à sa place, il lança un regard intrigué à Ken.
– Il attire vraiment l'attention... fit son camarade, Jimmy.
– Crois-moi, je l'ai remarqué … marmonna Brendan confus, je ne comprends juste pas pourquoi il peut attirer autant les filles avec son attitude ?
Ken, ayant marre de cette popularité soudaine, se leva de sa chaise et franchi la porte sous le regard déconcerté des filles. Il frôla l’épaule de Brendan qui se tenait à l’entrée de la porte.
– Hey, mais fait attention, lui reprocha Brendan.
Mais Ken l’ignora et continua son chemin sans dire un mot.
– On pourrait l’introduire dans notre équipe de basket, proposa Jimmy.
– Je ne sais pas si c’est une bonne idée…hésita Brendan.
– C’est sa première journée, ça serait bien de lui donner sa chance. Allez, laisse-moi voir si ça l’intéresse, insista Jimmy, voyant bien la réticence de son ami.
– Je ne suis pas sûr que Kevin accepterait…
– Mais il ne le connait même pas, il n’a aucune raison de le refuser dans notre équipe sans l’avoir vu jouer une première fois.
Sans attendre l’approbation de ses amis, Jimmy alla à la recherche de Ken.
Pendant ce temps, une jeune fille, aux cheveux courts, brun pâle avec un toupet tressé rattacher sur le côté, se tint debout en face du pupitre de sa camarade et se dit :
– Il est si froid...
– J'adore les garçons sombres et mystérieux ... Zoé, il faut apprendre à mieux les connaître, lui répondit son amie Blair persuasive avec son accent irlandais, en tournoyant entre ses doigts, sa longue mèche de cheveux frisés roux foncé.
Zoé dévisagea cette dernière.
– Si tu le dis… lui répondit-elle en se croisant les bras d’un ton non convaincu.
Ken marcha lentement dans le corridor, les mains dans les poches et le regard fixé au sol. Il s’aventura sans buts précis, car toute cette attention soudaine n’a fait que le faire sentir mal à l'aise et l’irriter. Il ne ressentait que le besoin de s'isoler et d'être seul un moment pour reprendre ses esprits. Complètement absorbé par ses pensées, il percuta subitement Kevin qui marchait dans sa direction. Ken leva rapidement la tête et croisa le regard critique de ce dernier.
– Hey regarde où tu vas ! projeta Kevin avec impatience.
– Désolé, répondit sèchement Ken.
– Ouais, désolé, bredouilla-t-il d’un ton agacé, en reprenant le pas avec nonchalance.
Ken fixa un bref instant Kevin s’éloigner. Il dégageait une énergie si intimidante à ses yeux, qu’il ne savait pas comment y réagir sur le moment. Cette journée lui paraissait déjà interminable.
Il reprit le pas quand soudain, il se fait intercepter par Jimmy.
– Hey Ken ! s’écria-t-il. Il se présenta en tendant la main en guise de politesse, mais ce dernier le contempla silencieusement, perplexe.
Jimmy garda son air sympathique et abandonna rapidement son geste en voyant bien le peu d’intérêt de Ken.
– Je voulais t’inviter à te joindre à notre équipe de basketball, si cela t’intéresse. On recrute pour la nouvelle année. Donc, si tu veux en faire partie, tu as juste à venir au gymnase aujourd’hui à 14h. Tu peux t’adresser à notre entraîneur.
Ken ne savait pas comment réagir à cette proposition. Jimmy lui fit alors un dernier sourire et le salua d’un geste de la main en espérant le voir plus tard, puis pris congé de lui.
Ken fut assez surpris de cette invitation, mais il y réfléchissait sérieusement.
Durant la partie de basketball, Kevin comptait beaucoup sur Brendan pour qu’il montre son potentiel à l’équipe. Brendan voulait lui prouver qu’il pouvait se surpasser. Pendant qu’ils faisaient des lancers de pratique, Ken fit son entré dans le gymnase. Il alla discuter avec l’entraineur de l’équipe qui lui fit signe de prendre place sur le banc en bas de l’auditorium. Kevin courra après Brendan et l’interrogea au sujet de Ken.
– Il va faire partie de notre équipe ?
– Cela m’en a tout l’air, lui répondit Brendan d’un air étonné, c’était l’idée de Jimmy.
– Sérieusement ? fit Kevin consterné en projetant un regard moqueur vers Ken.
Pendant que les adversaires courraient sur le terrain, Ken faisait de son mieux afin de suivre les autres. Jimmy, ravi de le voir, l’encouragea et lui fit une passe et Ken l’attrapa avec assurance. Enfin sa chance d’aller de l’avant et faire ses preuves. Laissant sa timidité de côté, il fonça vers le panier avec espoir quand, soudainement, Kevin l’intercepta et lui vola le ballon d’un geste vif. Il le passa aussitôt à Brendan. Ce dernier effectua des mouvements dignes d’agilité et lança avec justesse le ballon dans le panier ce qui mena en égalité contre l’autre équipe. Ken resta déconcerté de l’attitude de Kevin. Cela devenait difficile pour lui de suivre la partie.
Brusquement, Kevin décida sur un coup de tête de lui faire une passe. Ken le remarqua à la dernière minute quand le ballon se dirigeât à toute vitesse vers son visage. Surpris, par réflexe, il repoussa le ballon d’un coup qui rebondit sur la tête de Brendan qui en resta saisi. Brendan resta saisi par ce coup. Il projeta à Ken un regard accusateur en se frottant le crâne encore sensible. L'entraîneur siffla pour arrêter le jeu. Il disciplina l’équipe en leur reflétant leur attitude et ordonna spécifiquement à Ken d’être plus alerte. La partie reprit son cours et, ce n’est que la dernière minute avant la fin, que Brendan obtint sa chance de compter le dernier point. Il courut sur le terrain à toute vitesse tout en faisant rebondir le ballon. Ses adversaires le poursuivaient de près; Ken à ses côtés. Soudainement, alors que Brendan était enfin positionné sous le panier et préparait son élan afin de faire un saut spectaculaire, Ken le percuta brutalement. Son attention avait été attirée vers une forme peu distincte d’un jeune garçon dans les estrades; l’instant d’un moment il cru voir son frère décédé. Sous le choc, Ken et Brendan tombèrent sur le sol. Les deux garçons se relevèrent difficilement, complètement abasourdi, Brendan repoussa Ken. Encore déstabilisé par sa vision, Ken retomba avant de se relever à nouveau.
– Mais ça ne va pas ! s’écria Brendan avec impatience et frustré d’avoir manqué son point.
Ken resta silencieux. Les joueurs se rassemblèrent autour d’eux. L'entraîneur tenta de calmer le tempérament bouillonnant de Brendan. Il lui commanda d’aller s'asseoir sur le banc en retrait. Ken qui n’en pouvait plus de toute cette énergie hostile. Il décida de s’éclipser alors du gymnase sous le regard attristé de Jimmy. Kevin alla rejoindre Brendan assis piteusement.
– Je suis désolé de t’avoir déçu … fit Brendan l’air maussade.
– Hey, ne t’inquiète pas. À la prochaine partie, tu montreras davantage ce que tu es capable de faire.
Brendan voulait tant impressionner son équipe. Il se frotta légèrement la tête où il avait reçu le coup.
– Ça va ta tête? s’enquit Kevin.
– Ouais… Je ne sais pas ce qui lui a pris de me faire cette passe ? Je ne l’ai vraiment pas venu venir…
Kevin haussa les épaules avec ignorance : je ne sais pas, je constate tout simplement que ce n’est pas pour tout le monde ce jeu, commenta-t-il avec prétention.
À la fin des cours, Brendan marcha seul, le regard légèrement baissé. Il scruta légèrement autour de lui en espérant croiser ses amis. Ses yeux tombèrent soudainement sur Ken appuyé sur le rebord de la fenêtre regardant à l’extérieur l’air pensif. Une amertume se fit ressentir en lui, son visage devint renfrogné.
– Hey toi ! s’exclama Brendan méprisant, planté derrière Ken, les bras croisés.
Ce dernier tourna légèrement la tête et le regarda simplement du coin de l’œil, inexpressif.
– Qu’est ce qui ne va pas chez toi ? ajouta-t-il sèchement.
Ken le dévisagea aussitôt. En regardant à nouveau vers la fenêtre, quelque chose attira son attention près d’un gros arbre en avant de l’école. Il aperçut une silhouette bien perceptible d’un jeune garçon d’environ neuf ans, tout comme celle qu’il avait vu dans le gymnase. Il ressemblait étrangement à son frère Samuel. Mais Ken peina à croire que cela pouvait être bel et bien lui.
Au même instant, Zoé passa dans le couloir et remarqua Brendan et Ken. Elle s’arrêta aussitôt, recula lentement afin de se cacher derrière le coin du mur à l’interception du couloir pour passer inaperçue et, de sa position, elle analysa discrètement la scène de loin.
– Tu as une mauvaise habitude d’ignorer le monde, fit Brendan d’un ton arrogant.
Mais Ken était toujours absorbé par ce qu’il voyait à l’extérieur.
– Tu m’écoutes à la fin ! S’impatienta-t-il.
Brendan fut de plus en plus irrité par l’attitude indifférente de Ken. Il le poussa sur l’épaule, mais il resta toujours passif et n'exprima aucune émotion malgré la colère de celui-ci.
De plus en plus énervé, Brendan saisit le collet de Ken à deux mains et le poussa contre le mur en le relâchant aussitôt dans le but de le perturber. Contre toute attente, Ken restait toujours aussi insouciant et replaça lentement le col de sa chemise.
– Tu ne penses qu'à toi lui, dit-il enfin d’un ton froid.
Brendan écarquilla les yeux et croisa enfin le regard de Ken.
– Et on dirait que ton bonheur dépend des autres. Si pour toi ça fonctionne et bien pour moi ça ne fera pas oublier ce que j’ai perdu et ce dont je n’oublierai jamais... finit-il par dire mélancolique.
Sous ses mots percutants, Ken tourna les talons et prit congé de Brendan. Figé sur place, toujours abasourdi, il le fixa pendant qu’il s’éloignait le long du couloir. Brendan réalisa à ce moment même, son impulsivité et eut honte de lui-même. Anxieux, il passa sa main dans ses cheveux tout en jetant des coups d’œil autour de lui, s’assurant que personne n’a été témoin de cette scène. Malheureusement, Zoé avait tout vu. D’ailleurs, elle n’en revenait pas. Jamais, elle ne pensait qu’un jour elle allait découvrir le côté agressif de Brendan. Son visage se crispa de déception. Ne pouvant plus se retenir après avoir regardé un moment la scène, elle en profita et marcha vers ce dernier avec une attitude intimidante.
– Zoé ! Mais que fais-tu là ? fit Brendan surpris de voir Zoé l’intercepter de façon si colérique.
– J’ai tout vu Brendan Cohen ! Mais à quoi, pensais-tu ?
– Écoute-moi Zoé, je suis vraiment désolé que tu aies vu tout ça….C’est un malentendu…
– Désolé ? Mais tu vaux bien mieux que ça Brendan et tu le sais ! Finalement, Blair, je crois bien qu’elle avait raison… Il vaut mieux apprendre à connaître la personne au lieu de s’en prendre aussi gratuitement comme ça. Ken a probablement une très bonne raison pour qu’il agisse ainsi ! s’écria furieusement Zoé au visage de Brendan.
Ce dernier baissa la tête avec regret. Il comprit très bien le message de Zoé. Elle le fusilla du regard et Brendan répondit enfin abattu :
– Tu as raison…
Elle poussa un grand soupir et relaxa enfin son corps tendu submergé par la colère. Elle hocha la tête en se croisant les bras, satisfaite par sa réponse, puis le quitta à son tour pour le laisser seul dans sa réflexion. À cet instant même, en regardant Zoé s’éloigner de lui, son esprit résonna en repensant aux derniers mots de Ken. Un sentiment de compassion l’envahit soudainement et il se demandait pourquoi Ken agissait-il ainsi.
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