8. La famille maudite
À la mi-septembre lorsque les journées étaient encore un peu chaudes, Ken et Brendan se retrouvèrent un samedi midi pour se promener sur la rue de St-George. Brendan regarda du coin de l’œil Ken, en scrutant subtilement le pansement sur sa joue.
– Je n’ai pas osé te poser la question plus tôt … Mais qu’est-ce qui t’es arrivé ?
– Rien de grave. C’est juste une égratignure …
– Ah d’accord… , acquiesça Brendan peu convaincu.
Soudain, son regard fut attiré vers Angie se tenant derrière eux en les saluant. Ken se retourna, heureux de la voir et lui un geste de la main. Brendan constata que son ami dégageait une énergie joviale à chaque fois qu'il croisait Angie. Il remarqua que son monde s’apaisait lorsqu’elle était là.
– Salut Angie, tu vas où comme ça ? demanda Ken.
– Je passais ici par hasard et je t’ai vu, lui répondit-elle toujours souriante.
– Hey j’y pense ! Ce soir, il y aura le festival des lanternes au parc Victoria. Ça vous dit qu’on y aille tous ensemble et j’inviterai Zoé et Blair, proposa Brendan.
Angie se réjouit de cette idée et leur dit qu’elle les accompagnera avec plaisir.
– Puisque tu es déjà avec nous Angie, ça te dit de te joindre à nous ? Je connais un très bon café au coin de la rue Millitary qui fait les meilleurs desserts ! fit Brendan enthousiasmé.
– C’est gentil, mais je vais vous laisser y aller entre vous. On se voit ce soir les garçons, lui répondit-elle de son sourire chaleureux.
Tout à coup, son sourire disparu en remarquant le pansement. Un air de consternation s’afficha sur son visage.
– Tu es blessé ?
– Oh, ne t’inquiète pas pour moi ça va aller, ce n’est rien de grave.
– Elle te brûle ?
– Eh…non plus maintenant… répondit Ken, perplexe.
« Comment peut-elle être au courant que j’ai subi une griffure qui m’a causé une sensation de brûlure ? » se dit-il. Angie hocha la tête rassurée et leur dit une dernière fois qu’elle les verrait ce soir, puis continua son chemin en traversant la rue. Brendan porta toute son attention vers Ken et l’interrogea à ce sujet.
– À ce que je vois, elle a le droit de savoir au sujet de ta blessure et pas moi, remarqua Brendan.
– Pourtant, je ne lui ai rien dit...
– Alors, comment elle le sait ?
– Je n’en sais rien.
– D’accord… Elle est encore plus étrange cette fille, d’après moi, elle a simplement des super pouvoirs !
– Peut-être qu’elle est tout simplement perspicace ? s’empressa de répondre Ken avec un petit sourire amusé.
– Oui, il se pourrait aussi, lui dit Brendan en tentant de ne pas trop garder son sérieux.
Puis, ils continuèrent de marcher en direction du café, tout en rigolant de leurs blagues.
Pendant que les deux garçons allèrent s'asseoir à une table avec leur plateau de nourriture, le même jeune homme au chapeau à plume, toujours vêtu de son classique veston cravate, fit son entrée. Il regarda aux alentours, comme s’il cherchait quelqu’un. Ken l’observa se diriger vers la table parallèle à eux, face à la grande fenêtre. Il s’assied et se mit à lire le journal qui était déjà sur la table. Ken croisa finalement son regard et il ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils d'un air soupçonneux. Brendan était sur le point de prendre une grande bouchée de son sandwich lorsqu’il remarqua que Ken semblait préoccupé par quelque chose derrière lui :
– Qu’est- ce qu’il y a Ken ? Tu regardes quoi ?
– Je ne suis pas sûr, mais il y a cet homme assis là-bas qui ne cesse de nous observer.
– Qui ça ? se demanda Brendan avant de se retourner.
– Lui, avec la chemise bleue à la cravate rayée noir et blanche. Il porte un chapeau et lit un journal.
– Et tu crois qu’il a quelque chose de louche ?
– Je n’en sais rien, mais je ressens juste un étrange pressentiment à son sujet.
– Peut-être que vous vous connaissez tout simplement ?
– Je ne crois pas ...
Quelques minutes plus tard, ils terminaient à moitié leur dessert quand soudain, Ken remarqua que l’homme mystérieux rigolait avec la serveuse pour finalement se lever et quitter tranquillement le café. Mais juste avant de franchir la porte, celui-ci lui jeta un dernier regard accompagné d’un léger sourire en ajustant son chapeau. C’est alors que Ken aperçut la plume attachée qui l’interpella fortement. Il s’exclama discrètement à Brendan qui dévorait son morceau de gâteau à la citrouille et à la cannelle :
– Il s’en va !
– Et alors ? lui dit-il, la bouche pleine.
– Alors, il faut le suivre.
– Quoi ! s’étouffa Brendan, réalisant que Ken était très sérieux.
Il s’empressa de le suivre, en engouffrant le reste de son gâteau.
Arrivé à l’extérieur, Ken regarda les alentours cherchant désespérément cet homme. Brendan termina de déguster sa dernière bouchée quand soudain, Ken lui tira brutalement le bras en lui criant :
– Il est là, dans la BMW bleue !
Les vitres baissées, la voiture passa devant eux dans l’autre voie. Les deux garçons se mirent à courir quand soudain, Brendan s’arrêta brusquement en retenant Ken par l’épaule.
– Arrête ! Il va beaucoup trop vite pour nous et il s’éloigne loin dans la ville. On ne le rattrapera jamais.
– Tu as raison… La serveuse avait l’air de bien le connaître. Elle a assurément des informations à son sujet. Peut-être même qu’elle connaît son adresse.
– Quoi ? Mais qu’est-ce qui t’obsèdes autant à son sujet ?
Mais Ken ne lui répondit pas immédiatement, absorbé par son idée de connaître son adresse, il se précipita dans le café et alla discuter aussitôt avec la serveuse, Mandy. Brendan soupira, découragé, ne comprenant pas l’attitude étrange de Ken.
Ken interrogea la jeune serveuse. Elle lui répondit qu'elle le connaissait tout simplement parce qu’il était un excellent client et donnait de généreux pourboires. Elle savait que sa famille était très fortunée. Elle se souvint ensuite que son père était un très bon ami du propriétaire du café. Il lui a même déjà mentionné qu’il habitait proche du parc Brother Egan.
– Ah oui, je connais ce parc, il est situé près du Parc Victoria, ajouta Brendan.
– Parfait, tu vas donc pouvoir nous y emmener.
– Je me demande sérieusement ce qu’il a de si fascinant ce gars, pour que tu insistes tant à le retrouver… ?
Ignorant toujours son questionnement, Ken se précipita à l'extérieur, obligeant Brendan à le suivre. D’ailleurs, il commençait à être embêté face au comportement de son ami. Il roula les yeux n’ayant pas d'autre choix que de le suivre. Avant de rejoindre Ken, Brendan se retourna vers Mandy avec politesse et la remercia.
Ils prirent le prochain bus en direction du parc Brother Egan.
Ils descendirent sur la rue Topsail Road, juste en face du parc. Ken examina les rues et les stationnements en espérant revoir la voiture. Finalement, Ken la repéra en train de tourner dans une grande propriété privée. Ils coururent jusqu’à l’entrée et ralentirent le pas en arrivant dans l’allée bordée d’arbres majestueux sur un terrain de deux acres. Avec étonnement, ils remarquèrent une prestigieuse et charmante maison centenaire.
– Maintenant on fait quoi, détective Ken ?
– Maintenant, il faut trouver un moyen d’entrer.
– Quoi ? Tu es sérieux, mais là tu abuses ! Pourquoi ne vas-tu pas tout simplement sonner à sa porte comme une personne normale ? s‘impatienta Brendan en regardant Ken partir vers le côté de la maison en quête d’une fenêtre ouverte.
Par chance, il découvrit une grande fenêtre en battant, entrouverte menant dans un bureau. Sur le point d'entrer, Brendan se précipita derrière lui et le tira par le bras.
– Ken arrête ! Mais qu’est-ce qui t’arrives ? Tu vas finir par m’expliquer cette chasse à l’homme ! chuchota-t-il d'une voix ferme.
– Je dois juste comprendre pourquoi il nous a suivis. Il sait probablement quelque chose à mon sujet.
– Il nous a suivi ?
– Oui, pendant que nous marchions vers le café plus tôt. J’ai remarqué qu’une voiture nous suivait lentement et il nous observait. Ce n’était pas une coïncidence s’il est entré peu de temps après nous dans le café. Et puis avant de quitter, il m’a étrangement souri, comme s’il était familier avec moi…
– D’accord… Mais je ne te suis plus, éclaire-moi un peu. Que veux- tu dire qu’il doit en savoir sur toi ? Peut-être qu’il te connaît justement ? Donc on peut aller cogner et lui demander ?
Ken ignora Brendan et réussit à se faufiler dans la pièce devant les yeux ébahis de ce dernier qui marmonna désespérément : « Et oui évidemment …il faut qu’il m’ignore. J’ai compris, je ne poserai plus de question. » Puis, après un bref moment d’hésitation, Brendan décida à son tour de pénétrer dans la pièce. Celui-ci resta surpris par l’aménagement de ce bureau. Il y avait une grande bibliothèque antique incrustée dans le mur et au milieu de la pièce se tenait un gros pupitre en bois massif. Dessus, il y avait un ordinateur portable ouvert. Brendan examina curieusement les livres et avec stupéfaction, il remarqua que la majorité abordait la démonologie et l’angéologie.
– Wow ! Ce gars est un vrai obsédé de la spiritualité, fit Brendan épaté.
Intrigué, Ken avança jusqu’au bureau, puis remarqua un dossier avec des photos où Bill, l’ami de son oncle, posait à plusieurs reprises avec son chapeau, le même que portait l’homme vu plus tôt. Il tenta de faire le lien avec la photo qu’il possédait. Il continua d’analyser l’ordinateur et à sa plus grande stupeur, il trouva un article avec une photo de sa demeure. C'était au sujet d’une enquête de meurtre non résolu. Sous le titre de l’article, il était écrit le nom d’un journaliste : Curtis Burke. Les yeux de Ken s’écarquillèrent en se focalisant sur ce nom.
– Qu'as-tu trouvé ? demanda Brendan derrière son ami.
– La photo de mon ancienne maison où je vivais.
– C’était où ?
– À Torbay.
– Mais tu es sûr que c'est vraiment ta maison sur la photo ? De nombreuses maisons peuvent y ressembler.
– Oui, j'en suis sûr ! C'est la seule maison construite dans le bois isolé du village. Et l'article mentionne la rue Byme's Place. C’est la route qui rejoint la forêt.
– Oh mais qui voilà ? demanda l’homme indifférent, debout dans le cadre de porte, d’une pose décontractée, avec un verre de whisky à la main. Brendan paniqua et replaça rapidement les livres qu’il tenait.
– Vraiment désolé ! On peut tout expliquer ! s’écria Brendan en allant rejoindre Ken qui restait penché sur l’écran de l‘ordinateur perplexe.
L’homme s’avança tranquillement vers son bureau. Ken se redressa, l’air soucieux, en ne le quittant pas du regard, puis recula lentement aux côtés de Brendan.
– Mais quelle surprise que tu te sois invité dans mon humble demeure.
– On va partir justement, c’était une grave erreur ! insista Brendan impatient de quitter les lieux.
– Non, pas de soucis, répondit l’homme calmement, en s'asseyant sur sa chaise d’ordinateur pour ensuite croiser ses jambes.
Ken le fixa avec grande méfiance et finit par lui demander incertain :
– Est-ce que tu me connais ?
L’homme prit une gorgée de son whisky, puis il lui répondit, toujours accompagné de son sourire satisfait :
– Si ma mémoire est bonne, tu es bien Ken ? C’est ça ?
– Donc tu me connais…
Les yeux de Ken s’agrandirent interloqués, puis avec une voix révélatrice, il ajouta en le pointant du doigt :
– Le chapeau que tu portais plus tôt, il appartenait à un autre homme, Bill. Il était d’ailleurs l’ami de mon oncle … Je me rappelle qu’on m’avait dit qu’il avait un garçon… Serais-tu Curtis ?
– Le seul et l’unique, répondit gaiement Curtis sans quitter des yeux Ken.
– Wow ! Tu vois, je savais que vous vous connaissiez. Tout s’explique maintenant, s’exclama Brendan à Ken pour le rassurer.
Mais il voyait bien que Ken bouillonnait intérieurement avec mille autres questions.
– Tu as l’air d'en savoir beaucoup sur ma famille. J’ai trouvé des articles sur leur meurtre et l’enquête non résolue sur ton ordinateur.
– Oui effectivement, j’ai passé beaucoup de temps à tenter d’élucider et de clarifier les choses pour pouvoir enfin refermer cette porte que mon père a malencontreusement ouverte.
– Donc, tu avoues savoir tout ce qui s’est passé au sujet de mes parents ?
– Oh et aux miens également. Cette tragédie n’a pas affecté seulement les tiens.
Brendan resta figé sur place bouche bée sur ce qu’il entendait. Après tout ce temps où il voulait comprendre le passé de Ken, il se retrouvait enfin droit devant la vérité et ce bien malgré lui. Brendan remarqua la mélancolie soudaine s’exprimer sur le visage de Ken. Attristé, il lui demanda par gentillesse :
– Ken… je peux partir. Je peux vous laisser gérer ce drame familial entre vous, ça ne me regarde pas.
– Non … Ce n'est pas grave, tu peux rester.
Compréhensif, Brendan fut touché par la confiance qui Ken lui témoignait.
– Qu’est-il arrivé à tes parents ? s’enquit Ken avec compassion.
– Je peux voir que nos chemins ne se sont pas croisés pour rien, marmonna-t-il persuasif. Il prit une dernière gorgée, puis déposa doucement son verre sur le bureau.
– Mon père s’est enlevé la vie pas longtemps après la mort de tes parents. Quelques années plus tard, ce fût au tour de ma chère mère, Norah, qui s’est également suicidée. J’ai donc hérité de cette maison et gardé sous ma responsabilité ma petite sœur.
Il fit une courte pause, et reprit en baissant son regard :
– Mais juste avant la mort de mon père, je n’avais que 18 ans à l’époque, il m’a confié un élément qui a confirmé mes hypothèses jusqu’à aujourd’hui et qui te donnera certainement la réponse que tu attendais depuis trop longtemps.
Avec toute son attention, Ken le fixa incrédule. Brendan garda le silence étant lui aussi tout ouïe. Les jambes toujours entrecroisées, bien appuyées contre son dossier, Curtis croisa ensuite ses doigts, ayant ses coudes bien disposés sur les accoudoirs de sa chaise.
– Mon père est la cause de tous nos malheurs… Il a tué tes parents et ton frère… Mais laisse-moi te dire une chose… Il était sous l’emprise d’une force diabolique. Cette nuit-là, il me l’a raconté, après avoir fait cet acte horrible, dont il n’en avait aucune conscience, il est revenu à la maison, terrifié et anéanti. Il regrettait d’avoir invoqué pour la première fois ce diable, ajouta-t-il avec désolation.
– Mais pourquoi s’est-il intéressé au diable en premier lieu ? Qui fait ce genre de chose, mise à part ceux qui ont déjà des mauvaises intentions ? rétorqua Ken furieusement.
Toutefois, Curtis resta impassible face au mécontentement de Ken qu’il comprenait et déclara ensuite que son père, Bill, n’a jamais eu de mauvaise intention. Il était simplement passionné de la science occulte, mais sa curiosité l’a amené beaucoup trop loin sur un point de non-retour. Curtis relata qu’il avait surpris une conversation entre son père et sa mère.
– Mon père à confier à ma mère, pour impressionner ton oncle Christophe, il avait fait de la magie noire pour la première fois dans ton sous-sol, à Torbay en 2003. Il aurait, alors, vu un bel ange, de couleur sombre, portant une lanterne à la main. Il avait des ailes démesurées entièrement déployées. Mais sans en prendre conscience, que mon père s’était voué au mal. Puis, peu de temps après avoir fait ça à ta famille, il l’invoqua à nouveau croyant réellement que c’était un véritable ange à qui il faisait face. Mon père recherchait le pardon, mais cette fois… Cet ange s’était montré sous une apparence tellement effrayante, que le seul moyen pour lui d’effacer cette image de son esprit fut de mettre fin à ses jours. Ma mère quant à elle, avait mainte fois tenté de le résonner, mais malheureusement elle non plus, ne fut pas épargnée.
– Je suis vraiment désolé de tout ce qui s’est passé. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu ne voulais rien me dire avant, dit Brendan bouleversé en posant sa main sur l’épaule de Ken pour lui apporter son soutien.
– Si ton père s’est enlevé la vie après avoir vu ce diable, ta mère l’aurait également vu ? demanda Ken d’un ton investigateur en repoussant lentement la main de son ami.
Brendan resta surpris, car malgré toutes ces révélations, Ken paraissait encore plus intrigué et soudainement calme.
– Toutes les personnes qui sont allées dans ton sous-sol n’en sont jamais ressorties intactes d’esprit ni les médiums qui ont essayé de purifier la maison ni même les enquêteurs de la police. Après la mort de tes parents et de mon père, ma mère est retournée pour essayer de refermer elle-même la porte qui communique entre nos deux mondes. Malheureusement, elle était déjà mentalement vulnérable et son âme était fortement affaiblie à cause de la situation avec mon père. Elle était donc une proie facile pour se faire posséder.
– Et comment fait–ont pour refermer cette porte ?
– Selon mes recherches, il faut au moins connaître le nom du démon qui hante ta maison et être extrêmement fort d’esprit pour lui faire face et ne pas succomber à la peur.
Brendan roula les yeux en se croisant les bras, trouvant ça assez improbable comme solution et presque ridicule.
– Sérieusement ? Alors je crois que c’est Lucifer le fouteur de trouble dans tout ça. Oh ! Non attend, j’ai encore mieux, peut être Satan ? dit-il d’un ton sarcastique en se croisant les bras.
Ken se retourna vers Brendan d’un air grave, mais Curtis répliqua sérieusement, fort de ses connaissances sur la démonologie :
– Non, cela m’étonnerait, car Lucifer est Satan, mais sous un autre nom. De plus, Lucifer est un ange déchu, amoureux de la justice en enfer, il ne tue pas pour le plaisir. II était destiné à être le plus brillant et le plus puissant parmi les séraphins. Il était vain, mais pas déloyal.
– Tu es effectivement un vrai obsédé… commenta Brendan impressionné, en rabaissant les bras.
– Plutôt un passionné, corrigea aussitôt Curtis.
Après une brève réflexion, Ken décida d'évoquer sa rencontre maléfique:
– J’ai rencontré un jeune garçon récemment, le diable l’a possédé après qu'il ait été une fois dans ma maison. Le plus étrange dans tout ça c’est qu’il était à ma recherche.
– Alors, c’est bien plus inquiétant que je l’imaginais… Ce démon s’est attaché à toi. Nous faisons face à une force démoniaque très puissante…
– Et c’est supposé nous rassurer ? nous n’avons certainement aucune chance contre ça ! s’écria Brendan sous le choc.
Curtis se leva et d’une démarche lente et assurée, il avança vers Ken. Il l’analysait, les mains dans les poches, en marchant autour de ce dernier :
– Il y a effectivement quelque chose de puissant qui se dégage de toi et qui l'attire … Je suis convaincu que tu es la clé Ken, finit par dire Curtis avec certitude, maintenant face à Ken.
Brendan et Ken restèrent figés sur place, interloqués par ces paroles.
Plus tard en soirée, au crépuscule, Ken et Brendan allèrent au parc Victoria rejoindre Zoé et Blair au festival de lanternes. Ils marchèrent l’esprit préoccupé sur un chemin où une rivière de lanternes en pot était disposée sur le sol. Des lampes de toutes les formes et de toutes tailles en verre étincelant ou en papier étaient suspendues aux arbres majestueux. Déstabilisé, Brendan ne put s’empêcher de dire :
– Je n’arrive pas à croire tout ce que j’ai entendu aujourd’hui… Ce que j’ai compris, tu as un démon à ta poursuite et veut ta mort ? Et puis, que voulait-il dire par tu es la clé ?
– J’en cherche encore l'explication…sinon c’est l’une des raisons pour laquelle je ne voulais pas t’en parler au départ. C’est compliqué à admettre, surtout si tu es quelqu'un de sceptique…
– C’est sûr que c’est difficile à croire, mais j’ai moi-même grandi dans une famille assez religieuse, donc toutes ces histoires de Dieu, de paradis et de l'enfer, c’est devenu assez familier. Mais là, tu viens encore de me prouver que tout cela existe vraiment… mais je me demande pourquoi tu m'en parles aujourd’hui, si tu doutais que je n’allais pas te prendre au sérieux. Pourquoi maintenant ?
– Parce que tu es mon ami. Et j’ai enfin ressenti que tu étais prêt à comprendre ce que je vis.
– Wow, vraiment, je n'aurais jamais pensé que tu puisses me dire ça un jour.
Touché par ses paroles, Brendan lui sourit allègrement. Leur moment s’interrompit lorsqu’ils entendirent crier au loin Zoé et Blair qui les saluaient d’un grand signe de la main :
– Enfin vous êtes là ! s’écria joyeusement Zoé.
Ken regarda autour d’eux à la recherche d’Angie, mais à sa grande déception, elle n’était nulle part. Brendan remarqua le dépit de son ami.
– Ne t’inquiète pas Ken. Elle va venir nous rejoindre probablement un peu plus tard, le rassura-t-il en lui tapotant l’épaule.
– Allez venez ! Je ne veux pas manquer le spectacle de feu ! s’exclama Zoé enthousiasmée en entraînant Brendan par la main vers la colline où se tenait une spectaculaire installation de lanternes rougeoyantes, accompagnées d’un spectacle de lumière et de feu avec des torches, des cerceaux et des cracheurs de feu costumés.
Debout sur la colline supérieure du parc, qui ressemblait à un amphithéâtre naturel, Zoé, Blair et Brendan dansaient sous la musique celtique, tandis que Ken se tenait à l’écart, l’esprit préoccupé. Après avoir remarqué du coin de l’œil Ken, Blair alla le rejoindre.
– Quelque chose te tracasse ? dit-elle avec perspicacité.
– J’ai juste eu une grosse journée.
– Je comprends, c’est justement le moment de te laisser aller et d'en profiter pour t’amuser.
D’un air sérieux et avec consternation, Ken fixa directement les yeux bleus de Blair. Une question traversa son esprit, mais il hésita à la poser. Sous le regard interrogateur de Blair, il se fit soudainement surprendre par Angie qui apparut à l’improviste à ses côtés.
– Oh Angie ! Tu es finalement venu ! s’étonna Ken.
– Bien sûr ! Je ne voulais absolument pas manquer les rassemblements les plus colorés et les plus multiculturels de cette ville ! dit –elle avec admiration.
Blair resta étonnée par la présence d’Angie, qui lui suscita un étrange sentiment de gaieté et d’amour. Se laissant emporter dans ses pensées qui la troublaient toutes autant, elle se ressaisit au son de la douce voix d’Angie qui lui dit d’être enchantée de faire sa connaissance. Blair fut ravie malgré le fait qu’elle fut submergée d'une gêne qu’elle ressentait provoquée par la forte énergie qu'elle émanait. D’un sourire dissimulé, Blair retourna voir les autres, afin de les laisser seuls. Soudain, Angie s’écria émerveillée en montrant au loin les lanternes illuminées serpentant sur la colline :
– Oh regarde là-bas !
Afin de mieux admirer le spectacle, elle entraîna Ken par le bras en courant à travers la foule laissant derrière eux, ses amis. Le trio les observa, satisfait de voir ce moment romantique. À cet instant même, en remarquant Angie se coller à Ken, Zoé réalisa qu'elle n’avait jamais entendu parler de cette mystérieuse fille. Affublée d’un grand sourire amusé, elle demanda alors à Brendan:
– Tu ne m’avais jamais dit que Ken avait une jolie copine.
D’un petit rire étouffé, il pencha son corps de côté vers Zoé les bras entrecroisés.
– En fait, c’est le gars le plus aveugle que j’ai connu. Elle lui transmet tellement de signes d’amour, mais il ne remarque rien même s’il semble tomber sous son charme, lui répondit-il.
– Elle a réussi à avoir toute une emprise sur lui, à ce que je vois. D’ailleurs, plus j’y pense, plus je suis persuadé que Ken est probablement le garçon le plus énigmatique que j’ai connu.
– Sur ce point, je suis d’accord… dit Brendan d’un ton un peu plus sérieux affichant un air pensif.
S’éloignant de ses amis, Ken, le regard baissé, était perdu dans ses pensées qui tournaient en boucle à la suite des paroles de Curtis. Cette situation le rendait particulièrement anxieux. Le sentant absent et tendu, Angie lui prit la main avec une grande douceur :
– Ken, tout va bien ? s’inquiéta-t-elle.
– Désolé … Il y a juste tellement de choses qui se passent. J’ai réussi à obtenir beaucoup d’informations au sujet de mon passé… Mais depuis, je tente d’assimiler ces détails et cela me stresse…
– Ne t’inquiète pas, je suis là. Détends-toi et apprécie le moment présent. Surtout, n’oublie pas que tu es entouré d'amis merveilleux qui se soucient de toi. Et laisse-moi te rassurer sur un point: tu as une âme forte, lui dit-elle en appuyant sa tête contre son épaule avec son grand sourire radieux.
Toute la gêne que ressentait Ken auparavant au contact d’Angie s’était enfin transformée en un sentiment de bien-être. Même si son esprit s’apaisait par les paroles de celle-ci, un stress profond le guettait toujours.
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