Chapitre 1

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 Le silence régnait dans cette salle d'interrogatoire aux murs d’un blanc immaculé. Un fin filet de lumière se frayait un chemin entre les stores et venait se répercuter maladroitement sur les murs, créant une atmosphère apaisante et lumineuse. Seuls des bruits incessants de cliquetis venaient rompre ce mutisme, ceux-ci provoqués par l’impatiente et l’agacement du docteur James Matthews qui attendait l’arrivée de son nouveau patient.

 Dans cette pièce se trouvait une table en bois et en fer qui semblait avoir assistée à des millions d'entretiens divers et variés. Autour de celle-ci étaient disposées deux chaises, le cuir qui se trouvait sur les dossiers commençait à s’effriter, leurs pieds tordus étaient brinquebalant, rendant l'assise inconfortable. Installé sur l'une d'elles, le dos appuyé contre le dossier, le psychologue regardait attentivement le dossier qu'il avait sous les yeux, une énorme pile de papiers qui regroupaient les informations personnelles de son patient, ainsi que les rapports des autres entrevues qu'il avait eu avec des confrères.

 Il avait eu quelques échos de cet énergumène qui avait complètement perdu les pédales un soir de décembre. D'après ce qu'il avait lu dans les divers dossiers et unes de journaux, il s'en était violemment pris aux membres de sa famille, et plus particulièrement à ses deux fils : John et Michaël. Alors que son index, aidé de son pouce, venaient coiffer le bout de sa longue moustache, semblable à celle d'un pirate, il levait les yeux au plafond dans l'espoir d'avoir un signe ou quelque chose qui pourrait l'aider à réfléchir.

 Un bruit de cognement le sortit de sa réflexion, quelqu'un toquait à la porte. Un soupir s'échappa de ses lèvres, le docteur Matthews n'aimait pas être dérangé quand il était en pleine cogitation. Son regard se tourna vers celle-ci qui était en train de s'ouvrir, une silhouette féminine se dessina aux travers des rayons lumineux qu'envoyaient les néons présents à l'extérieur, beaucoup plus puissants que ceux qui éclairaient la pièce dans laquelle il se trouvait.

 L'ombre était celle de sa secrétaire, elle était habillée d'une longue tunique aux rayures horizontales d'un bleu océan, flottant au-dessus d'un leggings d'un tout autre bleu, plus foncé et plus profond. Ses cheveux, coupés au carré et d'une couleur grisonnante, étaient enfermés sous un bandana rouge. Les yeux du docteur la détaillaient des pieds à la tête, inspectant chaque partie de son corps qu'il appréciait tant. De si belles formes cachées sous un tas de tissu d'un si mauvais goût. Chaque jour, en la voyant dans des accoutrements plus loufoques les uns que les autres, il se demandait pourquoi elle s'obstinait à porter des tenues aussi ridicules. Lorsqu'il eu fini son inspection, il lui fit signe de la main droite qu'elle pouvait entrer. Celle-ci se hâta et se positionna devant lui, les bras croisés devant son buste, avec un mug, décoré d'une tête-de-mort sous laquelle se trouvaient deux tibias croisés, remplis de thé bouillant entre les mains.

 — Je vous écoute, dit-il, d'un ton condescendant.

 — Loin de moi l'idée de vous déranger, mon très cher James, débita-t-elle en un seul souffle, les yeux braqués sur son collègue.

 — Venez-en au fait, vous me connaissez, vous savez que je n'aime pas être dérangé pour des futilités.

 — Excusez-moi, James. Je suis sincèrement et profondément désolée.

 Elle s'approchait du bureau d'une démarche non assurée, son corps rondelet était perché sur des talons d'une bonne dizaine de centimètres de haut. Ses pieds passaient l'un devant l'autre, essayant de maintenir ses jambes en équilibre, mais, elle sentait que celui-ci pouvait se rompre à tous moments et la faire tomber à terre. Elle avait peur de faire un faux pas, celui qui serait fatal et qui risquerait de mettre l'homme qu'elle avait en face d'elle dans une rage folle. Et malheureusement, c'était une chose qui arrivait assez souvent, mais elle allait contrôler ses pas. Enfin arrivée à sa hauteur, elle lâcha un soupir de satisfaction et de soulagement, heureuse de ne pas avoir commis d'impairs. Elle déposa le mug brûlant sous le nez de l'homme aux allures de pirate et lui offrit le plus beau de ses sourires, fière d'elle.

 Les effluves de menthe venaient titiller les narines de James, le transportant loin de cette salle d'interrogatoire et loin de cette vieille dame au style vestimentaire farfelu. Il se voyait voguer sur un imposant navire aux couleurs rougeoyantes, comme ceux qu'il collectionnait plus jeune. Le pied posé sur le rebord de la proue, laissant l'air marin lui chatouiller chaque parcelle de son corps.

 Soudainement, la voix cristalline et insupportable de sa secrétaire le sorti de sa rêverie. James porta son regard celle-ci et découvrit deux iris bleus pleins d'inquiétude, il soupira, las du comportement qu'elle avait à son égard, une vraie mère poule.

 — Vous allez bien ? Vous semblez ailleurs ? s'inquiéta-t-elle.

 — Merci, Linda, dit-il en prenant la tasse dans la main droite.

 — C'est un plaisir, James.

 — Quel est l'objet de votre venue ?

 Linda prit un air sérieux et solennel, comme si elle allait lui annoncer la mort d'un proche. La secrétaire voulue s'appuyer contre la table pour être plus à l'aise, ses pieds la faisaient de plus en plus souffrir. Lorsque son fessier vint à la rencontre de la table, celle-ci vacilla et la tasse de thé se renversa sous le choc. Le liquide brûlant se répandit doucement sur la table avant de finir sa course sur les cuisses de James. Celui-ci ferma le poing et serra fort, d'une force telle que ses ongles s'enfoncèrent dans sa chair, la faisant saigner. Il essayait, tant bien que mal, de se contenir pour ne pas exploser de rage et s'en prendre à sa secrétaire, il poussa un simple râle grave avant de la regarder avec des yeux assassins.

 Apeurée, elle s'était jetée sur lui, enlevant le bandeau qui emprisonnait ses cheveux pour éponger le liquide. Agenouillée devant lui, elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour réparer sa faute. Sentant la colère lui monter, petit à petit, au nez, James la repoussa à l'aide de son bras, se maîtrisant pour ne pas jurer à voix haute. Il l'invita à s'asseoir sur la chaise qui se trouvait en face de lui, ce qu'elle fit immédiatement, se confondant en excuses.

 — Je suis extrêmement, profondément et sincèrement désolée et confuse, dit-elle la voix tremblotante.

 — Ce n'est rien. Le vieil homme que je suis est habitué à votre maladresse, rétorqua-t-il.

 — Je vous jure qu'une chose pareille ne se reproduira jamais, jamais, jamais, jamais...

 — Calmez-vous !

 Linda reprit rapidement ses esprits, les mains croisées devant son visage, implorant une force spirituelle de l'épargner pour les méfaits commis. Après quelques minutes, qui semblèrent interminables au vieux psychologue, elle prit la parole.

 — Votre patient est arrivé, il attend dans le couloir, vous être prêt à le recevoir ?

 — Je n'attends que ça, répondit-il avec un sourire en coin.

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