Chapitre 3 - Louis -
Toute l’après-midi, j’étais plongé dans mes pensées, ce qui a énervé au plus haut point Jeanne, ma copine. Elle et moi sommes ensemble depuis quelques mois déjà. Nous nous sommes rencontré là où je travaille. À côté de mes études, j'officie dans un magasin de prêt à porter. Cela faisait déjà plusieurs fois que je la voyais, et, à chaque fois, elle me lançait des petits sourires. Elle semblait timide et ça la rendait tellement attractive ! Un jour, elle est venue avec trois amies. Elles étaient à la recherche d’un pull pour le frère d’une des filles. Je rangeais quelques vêtements que les clients avaient reposés en boule quand une fille a suggéré, se voulant discrète, de demander à un vendeur. J’étais ce vendeur. Jeanne était mal à l’aise et la petite brune que les accompagnait a alors demandé :
- Pourquoi t’es mal à l’aise, Jeanne ? Ah, c’est lui le vendeur super mignon ? Ouais, j’avoue que t’as pas tord.
Tout le groupe a rigolé et je les ai accompagné. Mais malgré son amusement, Jeanne a viré au rouge tant elle était confuse. Je les ai aidé à trouver leur bonheur et elles s’en sont allées. C’était sans compter sur Léa, la fille qui avait auparavant déclenché l’hilarité. Elle est revenue, quelques minutes après être partie, en coup de vent, pour me confier un numéro de téléphone, celui de sa copine.
Je l’ai contacté quelques jours après, quand je suis retombé sur le papier.
De : Louis À : Jeanne
Salut, c’est Louis, le vendeur de l’autre jour. Je viens de retrouver ton numéro.
De : Jeanne À : Louis
Salut ! Je commençais à désespérer...
De là, nous avons commencé à parler jours et nuits, nous voir une fois par semaine, puis de plus en plus. Un beau jour, pendant un festival auquel nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes embrassés.
Depuis, les choses ont bien changées. Jeanne n’est plus la même fille que j’ai connue, c’est sûr. Elle qui était si timide et refusait d’être le centre de l’attention, ça la rendait adorablement mystérieuse et percer sa carapace avait quelque chose d’affreusement attrayant. Et aujourd’hui, je fais face à un petit bout de femme très excentrique. Mais il faut dire que ça me plaît aussi. Je sais que cette transformation est le fruit de son épanouissement.
***
Ce matin, quand j’arrive au lycée, je ne cesse de me demander dans quel état sera Aurore. Je ne peux arrêter de me questionner. Sera-t-elle un peu plus marquée par les coups qu’elle a encaissés ? Il y aura-t-il de nouvelles marques ? Aura-t-elle tenté de les camoufler comme elle l’avait fait précédemment ? Et chacune de ces questions ont trouvé réponse à l’instant où Aurore a passé le seuil de la porte. Elle n’avait pas prit la même peine pour cacher les marques, qui avaient déjà un peu vieillies. Mais il n’y en avait pas de nouvelle. Et ça, c’était une bonne chose. Je souris rien qu’à cette idée, celle selon laquelle elle n’a pas eu à affronter de nouvelles violences.
À l’heure de la pause méridienne, je sors avec quelques amis du groupe pour fumer. Je sais, c’est pas bien, c’est mauvais pour la santé. Mais je trouvais ça cool il y a quelques années, maintenant, je ne peux juste plus m’en passer. Une discussion animée commence à naître concernant le sport, mais mon attention est attiré par le mec que j’ai vu mardi soir. Il est là, debout, adossé à une petite voiture rouge, toujours vêtu d’un gros sweat noir. Son visage est tourné vers le sol, pourtant son regard est fixe. Il observe sans relâche un groupe de personnes. Sans grande surprise, il s’agit des amis d’Aurore. Mais elle n’est pas là. Elle sort rarement, et jamais pour très longtemps. Maintenant que je le vois, je peux comprendre ce choix de rester cloîtrer dans l'établissement. Malgré tout, le groupe ne semble pas se sentir visé puisqu’ils continuent de parler et rire sans jamais se retourner. Pourtant son regard glace le sang.
Quand nous rentrons à nouveau dans le bâtiment, Aurore est en pleine discussion avec Mathilde, sa meilleure amie. Elle est en seconde, mais tout le monde sait que ces deux-là sont comme des sœurs. Elles se connaissent depuis toujours et rien ne les a jamais séparé. Ça, tout le monde le sait. Je me demande si Mathilde sait ce qu’il s’est passé. Leur discussion semble légère puisque toutes deux rigolent de bon cœur, ce qui arrache une grimace à Aurore à chaque fois.
***
Ce soir, je pars du lycée à seize heures pour aller travailler. Quand je m’approche de ma voiture, je vois cette personne recroquevillée contre un mur, à l’abri des regards. Très rapidement je comprend que c'est Aurore alors je m’approche doucement, ne voulant pas la brusquer. Je m’accroupis devant elle et libère son visage de ses bras. Mais elle me repousse instantanément. Je bascule sur le côté et un grand cri s’en suit. Puis des pleurs. Je me retourne pour comprendre. Mais la scène devant moi m’écœure. Je bondis sur mes jambes et repousse cet inconnu qui lève une fois de plus la main sur Aurore. Un dernier coup de pied assez proche de son visage inondé de larmes, et le même regard qui glace le sang. Et ces paroles. Non sarà sempre lì per proteggerti. E posso trovarti. Je ne comprends pas un mot de ce qu’il vient de dire, mais son ton et le regard apeuré de sa victime ne laisse aucun doute. Il la menace, tente de la terrifier. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y arrive.
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