Avant-propos

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Avant de démarrer toute étude approfondie sur la figure d'Elizabeth Mafekeng, il apparaît essentiel d’expliciter le contexte général de cette période singulière.

Afin de couvrir un large pan du sujet qui préoccupe ce livre, c'est en Afrique du Sud que la vie de cette militante anticoloniale prend ses racines, au cœur d'un État sous l'emprise des Britanniques, venant de l'emporter sur ceux qu'on a appelés les Boers.

Cette biographie sera un brin différente des autres. En effet, j'ai conscience qu'en plus d'être une personne amatrice dans le domaine de l'Histoire, le fait d'avoir une considérable distance étant européen, peut amplifier les risques d'erreurs ou d'incompréhensions de ma part. De nombreux extraits, issus des déclarations ou travaux d'historiennes et historiens, de penseresses et de penseurs politiques, émailleront in fine ces chapitres.

Précédemment évoqués, les « Boers » étaient les premiers blancs ayant imposé leur présence en Afrique du Sud aux populations locales au cours du XVIIe siècle, autant originaires des régions néerlandophones d'Europe, que des provinces indépendantes du nord, que d'Allemagne et de France. La Compagnie Néerlandaise des Indes orientales a notamment contribué à mettre en place la colonisation, l'exploitation des autochtones et permis de mieux organiser la présence européenne. Cela se fit sur les cadavres des populations locales bantoues. Des troubles apparaîtront, lorsque les autorités hollandaises se confrontèrent aux « Trekboers ». C'était des agriculteurs semi-nomades qui ont émigré à l'intérieur des terres, à la fois Néerlandais, huguenots français (ayant fui une France fermement catholique peu ouverte aux protestants), et protestants Allemands (situation semblable à la France en Allemagne).


De plus, les « Boers » ont jugé sévèrement la gouvernance entreprise par les autorités hollandaises, pointant une absence de protection, vis-à-vis du danger que serait susceptible de représenter les populations noires autochtones. Inutile de rappeler que ce sont ces mêmes populations qui étaient colonisées et exploitées par des envahisseurs européens, qu'on proclamait être le fameux danger...
Ces divisions alimenteront la chute de la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales, puis la défaite française de Trafalgar et les guerres napoléoniennes finiront par conforter une prise de pouvoir par les Britanniques de la colonie du Cap au début du XIXe siècle. Le début des années 1850 verra la création par les Boers de deux États : la République sud-africaine (Transvaal) et l’État libre d’Orange, tolérés par le traité britannique de Sand River en date du 17 janvier 1852.

La plupart des puissances européennes ont alors aboli l'esclavage, dont le 1er janvier 1838 qui marque l'émancipation définitive des esclaves de l'Empire britannique, en application de l'« Abolition bill », pris en 1833 par le Parlement. Serait-ce enfin venu le temps de la restitution des terres aux populations locales et aux pouvoirs sur leurs territoires colonisés ? Vous savez guère la suite... Les États des Boers ne pratiqueront plus l'esclavage et auront la bonté de laisser librement les personnes noires demeurées dans ces derniers. Librement, si vite dit, tandis qu'elles étaient exclues de toute vie politique et administrative. Ce qui instaurait concrètement un droit différencié, selon qu'un humain est blanc, noir ou métis. Ces catégories arbitraires et dépourvues de sens profond, héritées de cet esclavage, gracieusement aboli par les colons européens, structuraient cette société.

L'hubris de la couronne britannique se faisait tel, qu'elle exigera de détenir toute l'Afrique du Sud, et imposera au cours de guerres sanglantes sa suprématie pleine et entière. D'une défaite de 1880 à mars 1881, elle s'assura une victoire sans partage lors de la Seconde Guerre des Boers d’octobre 1899 à janvier 1900. Ce succès consacrera la voie de la réconciliation des élites blanches, menant à la création par les Britanniques de l'Union sud-africaine en 1910. Une institution allait progressivement naître, désillusionnant le soupçon d'espérance ayant pu jaillir des esprits des populations colonisées depuis maintenant des siècles, ce sera la ségrégation ou bien le sinistre apartheid.

Cette analyse du frère de l'auteuresse reconnue Marie Ndiaye, en la personne de l'historien Pap Ndiaye, au cœur de son article « Afrique du Sud 1910-1948 : la suprématie blanche s'installe », éclaire sur cette période charnière de ce que deviendra l'Afrique du Sud en 1848 :

« Célébrée par le régime de suprématie blanche, la fondation de l'Union sud-africaine en 1910 est aujourd'hui vue comme l'amorce d'une sombre séquence historique qui précipita l'Afrique du Sud dans la grande nuit de l'Apartheid, trente-huit ans plus tard. Même si l'instauration d'un régime politique totalitaire en 1948 n'était pas une fatalité, il est clair que, dès le début du XXe siècle, la suprématie blanche sur l'Afrique du Sud était bien en place, et qu'elle se durcit progressivement jusqu'à la théorisation et la systématisation de la politique de « séparation raciale » à partir de 1948.

En 1902, quand la Seconde Guerre des Boers prend fin, le pouvoir colonial britannique, qui dominait déjà les villes du Cap et de Pietermaritzburg, étend son influence sur Johannesburg et Bloemfontein, les capitales des républiques boers. En 1910, la création de l’Union sud-africaine a pour objectif de réunir ces différentes colonies. Elle rassemble, pour la première fois, l’État libre d’Orange, les provinces du Transvaal, du Natal et du Cap au sein d’une même entité politique, sous l’égide de la Couronne britannique. Ce nouveau pays compte 6 millions d’habitants, dont un cinquième de Blancs.

D’un point de vue institutionnel, l’Union sud-africaine est un dominion, au même titre que le Canada (1867), l’Australie (1901), la Nouvelle-Zélande et Terre-Neuve (1907), soit un ensemble de territoires ayant des populations d’origine européenne importantes, à la différence des simples colonies. Pour assurer l’équilibre politique entre les grandes provinces sud-africaines, le pouvoir exécutif s’installe à Pretoria, le pouvoir législatif au Cap, la Cour suprême à Bloemfontein. Un gouverneur-général représente la Couronne. ».

Oppression de race, oppression de sexe, oppression de classe. Peu seront épargnés à celle qui s'éveillera au monde sous le nom d'Elizabeth Mafekeng le 11 septembre 1918, et que l'Afrique du Sud, l'Europe, le monde en somme ne seraient, même si la volonté ne manque parfois pas, occultée de l'Histoire.

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