Chapitre 3 - partie 2
C'est dans la banlieue de la ville, parmi les quartiers datant de plus de 70 ans qu'habitait notre détective. Au cœur d’un labyrinthe de rues, elle logeait depuis maintenant 5 ans au premier étage d’un petit immeuble. Un grand appartement de presque 80 m2. Surprenant pour un salaire de détective. Enfin, pas tant que cela, quand on sait qu’au rez-de-chaussée il y avait une animalerie exotique. Le bruit que pouvait produire la meute d’animaux la nuit avait rendu l’endroit à la fois insupportable pour la plupart des gens, et tout à fait abordable pour Faith.
De plus, elle avait réussi à s’arranger avec le propriétaire, qui était aussi le propriétaire de l’animalerie, pour transformer le toit en balcon personnel. Ah qu’il était bon de pouvoir s’endormir partout.
Au pied des escaliers pour rentrer chez elle, Faith fut interceptée justement par son propriétaire Rossi qui semblait très agité.
— Ah ! Señora Lowe, content de vous revoir, comment s'est passée votre journée ? demanda-t-il sans sembler vraiment intéressé de la réponse.
— Bien merci, et toi ?
— Catastrophe. Faith, ce matin j’ai reçu deux petites créatures merveilleuses, j’aurais dû recevoir leur volière spécialement adaptée pour eux, mais ces imbéciles se sont perdus. Et à cause de cela, mes pauvres chéris n’auront pas d’endroit où aller avant demain matin. C’est hors de question de les laisser dans leur minuscule cage de transport, du coup pourrais-tu me les garder cette nuit ? enchaîna-t-il d’un seul souffle tout en agitant ses mains.
Faith sourit. Ah Rossi et les animaux, une véritable histoire d’amour. C’était un brave homme, il avait travaillé la moitié de sa vie pour s’offrir son rêve : une animalerie. Et bien qu’il dû attendre d’avoir les cheveux poivre et sel pour que cela se réalise. Il était depuis aux anges. Sa seule autre source de bonheur était son fils, Luis.
— Mais vous ne pouvez pas les laisser dans votre magasin ou chez vous ? l’interrogea-t-elle, peu encline à accepter une telle nuisance.
— Non, impossible malheureusement, sinon je ne vous embêterais pas. Ce sont des animaux nocturnes, ils ont besoin de se balader la nuit. Chez moi ils feraient trop de bruit et on ne pourrait pas dormir. Et au magasin, d’autres créatures pourraient s’en prendre à eux ou inversement. En tout cas, ça les stresseraient, ces pauvres petits. Vous voyez, la cage que j’ai commandée a été faite exprès pour eux, elle a un volet pour la rendre entièrement sombre de jour et reproduit leur habitat naturel, l’idéal pour ces superbes ovipares…
Agacée d’entendre cette justification sans fin. Elle céda, sinon elle aurait à subir ceci toute la soirée, et de longs soupirs gênants durant toute la semaine. Un jour, elle avait refusé, elle s’en souvenait encore. Jamais elle ne recommencerait.
— OK, c’est bon. Rossi, rassure-toi, je les accueille chez moi, le coupa la jeune femme.
— MERVEILLEUX ! Mi-belleza, je vous les amène tout de suite. Oh ! Je vous offre pour vous remercier une de fameuses tartes aux 7 baies de Luis. Il a fait de la pâtisserie cet après-midi.
Le corps rondouillard et trapu de Rossi repartit dans son magasin sautillant de joie. Malgré tout, Faith ne put s’empêcher un sourire.
Quelques instants plus tard, il revint avec une petite cage recouverte d’un tissu.
— Les voilà, faites attention, ils stressent assez vite lorsqu’ils sont surpris, et n’oubliez pas de leur ouvrir la cage avant de vous couchez, demain matin lorsqu’il commencera à faire jour, ils rentreront tous seuls dans la cage à l’ombre.
— Très bien ne t’inquiète pas tout se passera bien, annonça-t-elle de son ton le plus rassurant.
Elle reprenait sa montée des escaliers et vit au palier une petite bête noirâtre aux grands yeux bleu turquoise, aux crocs saillants, aux longues oreilles pointues, et de longues épines lui parcourant l’échine, dans ses griffes une cigarette fumait. Elle laissa sortir un soupir en regardant son palier marqué de brûlure et de cendre, avant de gronder :
— Salut Roger. Si Rossi te voit en train de fumer, il va gueuler.
— Riiien arg foutrrrre, répondit-il de sa voix d’outre-tombe, puis continua en tendant quelques lettres dans sa main avant de faire une quinte de toux, courrrrier.
Faith soupira une nouvelle fois et entra chez elle déposa sur le comptoir à manger la tarte et la cage. Elle jeta négligemment son manteau sur le canapé de cette grande pièce qui faisait office de salon et de cuisine. Tout en ouvrant son courrier, elle se mit à déambuler.
À droite de l’entrée, il y avait la partie salon aménagé d’une bibliothèque garnie de livres impeccablement rangés, d’un canapé à l’apparence moelleuse avec dessus une couverture bleue aux motifs exotiques, d’une table basse, d’une commode de rangement où était posé quelques babioles et d’un bureau avec un vieil ordinateur fixe qui ne devait pas servir souvent au vu de la poussière qui était accumulée dessus.
Au mur quelques photographies en noir et blanc étaient accrochées juste de quoi habiller les murs. Sur le mur le plus à droite, il y avait une porte qui menait à la chambre et à la salle de bain.
Derrière elle, une chose se mouvait doucement, félinement. Lorsqu’elle fut assez près, elle s’arrêta. L’ombre se jeta sur notre détective. Par rapport à sa proie, ce chasseur était bien deux fois plus gros. Il la plaquant au sol de tout son poids s’en aucun effort.
Faith était paralysée. Les pattes griffues sur son dos. Sa gueule proche de sa tête. Impossible d’y échapper.
Un feulement aigu laissa place à un miaulement d’amusement. Et une longue langue râpeuse sortie de la gueule de l’animal et se mit à lécher de joie le visage de Faith qui pestait.
— Bouge de là, Chifer stupide bête, tu es trop lourd. Combien de fois je t’ai dit de ne pas faire ça. Un jour tu me briseras le cou.
L’animal baissa la tête face aux réprimandes et s’éloigna en couinant. C’était un chat d’au moins deux mètres de haut. Son allure était d’autant plus imposante, à cause de sa proéminente fourrure soyeuse dont Faith crachait à ce moment même quelques poils. Mais le plus impressionnant outre ses yeux bleu clair parsemés d’éclat doré était ses deux queues touffues.
Cette créature était ce qu’on appelle communément un neko-tama, un chat démon. Pour bien pouvoir le garder, Faith avait dû user de quelques de ses faveurs pour obtenir un permis. De manière générale, elle ne le regrettait pas, enfin, sauf aujourd’hui.
Prise d’affection malgré son mal de dos, elle lui caressa son pelage blanc parsemé de taches grises aux extrémités, la bête ronronna de plaisir en se frottant la tête contre elle. Avant de se laisser tomber en fracas au sol les 4 pattes en l’air, en attendant plus de caresses.
— Très bien, mais d’abord, reviens sous ta vraie forme.
L’animal réduit de taille avant de reprendre celle d’un chat normal. Sous cette forme, on le prendrait presque pour un chat sacré de Birmanie, enfin s’il n’y avait pas ces deux queues.
Après une session de câlins qui ruina son parterre en créant à l’occasion un tapis de poils, la jeune femme ramassa ses lettres et d’alla se changer. Réveillée depuis 4 h du matin, elle avait hâte de se coucher et d’avoir une bonne nuit de sommeil. Enfin pas avant d’avoir goûté la tarte de Luis, ce gamin était un véritable cordon-bleu.
*neko-tama = monstre japonais, ce chat fantôme possède deux queues. Il hante souvent les foyers, il est capable de grandir ou même de se dresser sur deux pattes pour prendre forme humaine.
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