Myrtille fixe le plafond blanc.

Guy entre.

-Bonsoir.

-Bonne nuit, rit-elle.

Il la toise, et avance jusqu'à la troisième machine.

Il y glisse le linge tâché.

Il ne tremble pas. Il ne tremble plus.

Myrtille ne voit rien. Elle ne le regarde pas. Ni lui, ni les vêtements tâchés de sang.

Il est surpris qu'une jeune fille, seule, presque à l'aube, fasse sa lessive.

La lessive sent la lavande.

La machine tourne. Le hublot laisse apercevoir l'étourdissement du linge.

La machine de Myrtille est presque finie.

Guy remarque sa tenue. Elle est en pyjama. Ou plutôt, en combinaison de souris. Il rit.

Elle lui sourit.

-Vous n'avez pas peur ? demande-t-il doucement.

Ses grands yeux bruns fixent l'homme assis de côté.

-Non.

Un instant.

-Jamais. C'est même la nuit que je me sens le moins en danger.

C'est étrange.

-C'est étrange.

-Oui.

-Pourquoi êtes-vous là, à cette heure-ci ? Ce n'est pas banal de faire sa lessive à une heure pareille.

-J'ai tué quelqu'un. Je lave les vêtements souillés.

Guy se fige, pâlit. Elle explose de rire face à sa réaction.

-Je plaisante ! Dis donc, vous en faîtes une tête.

Il retrouve des couleurs quand elle change de sujet.

-Je suis insomniaque. Je fais ce qui s'appelle de la "rentabilité".

Elle ne lui demande pas, pas en retour.

Elle sait que c'est louche.

Elle le suspecte, mais ne dit rien.

A la place, la machine se termine, et elle rentre chez elle, dans l'immensité nocturne.