II
La nuit suivante, elle est encore là.
Ses cheveux sont encore plus décoiffés que la veille.
Elle porte des talons aiguilles.
Et son pyjama.
Il revient, et la retrouve.
Il lui dit :
-Vous avez un drôle de look.
Elle sourit. Soupire.
-J'adore le claquement des talons sur le pavé. Surtout la nuit. C'est paisible.
Il lance la machine. S'assoit dessus. La regarde.
Elle poursuit :
-Ca me donne l'impression d'être une meurtrière. D'avoir commis un crime. D'avoir tué mon mari infidèle, ma voisine trop pesante, mon fils trop stupide, le président des Etats-Unis. Et de laver les draps après, les vêtements encore maculés. Les jambes croisées, le menton levé. Et puis après, je rentrerai chez moi, dans mon immense appartement, au huitième étage. Mes talons s'enfonceraient dans la moquette neige de la chambre, et je me laisserai tomber sur le lit à baldaquin, admirant mon lustre en diamants. Ou plutôt, celui de feu mon époux. Le linge lavé, rangé proprement par la bonne à qui j'aurai acheté le silence, je m'endormirai comme un loir, en attendant l'arrivée de la police.
Sa machine tourne.
Il la fixe.
Guy scrute la tenue qu'il arbore discrètement.
Son pantalon a une légère tâche de sang.
Sur la fesse droite.
Sur l'épaule gauche.
Il ne laisse rien paraître cette fois.
Mais elle le sent tendu.
Il n'a que ces vêtements-là.
-Et vous ?
-Quoi moi ?
-Vous ne portez pas de talons aiguilles ?
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