Chapitre 1

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Pan !

Un homme de petite taille venait de tirer en plein cœur de son adversaire. Bon, il n'était pas vraiment si petit, c'était plutôt les autres qui semblaient gigantesques à ses yeux. En réalité, il mesurait un mètre soixante-six, mais cela ne l'enchantait guère. Être dix centimètres en dessous de la moyenne pouvait avoir son charme... sauf pour un Général de guerre.

C'est ce qu'il était, un Général plus petit que tous ses soldats. Si certains pouvaient douter que sa taille soit un sujet tabou, personne ne pouvait en douter à cet instant précis. Une simple plaisanterie sur sa petitesse avait entraîné une balle en plein cœur. Exagéré ou mérité ? Une chose était sûre, on ne badinait pas avec lui.

Les hurlements de douleur du soldat qui avait osé le défier résonnaient dans la vaste salle d'entraînement des jeunes recrues. Lui seul réagissait, animant l'endroit de sa présence, tandis que tous les autres se taisaient dans un silence profond.

"Mais tu as perdu la raison !" se plaignit-il en s'effondrant au sol. "Tu es complètement fou !" continua-t-il, son corps recroquevillé entre ses bras.

Le Général ne bougea pas d'un pouce, le menton relevé accentuant son regard méprisant, le dos bien droit et les jambes parfaitement parallèles, donnant l'illusion qu'il était plus grand qu'il ne l'était réellement.

Malgré sa petite taille, il était incroyablement intimidant. Pourtant, sa stature était ordinaire, ses cheveux bruns plaqués en arrière mettant en valeur la clarté de son visage et le bleu vif de ses yeux. Il était loin d'incarner l'image physique que l'on attendait d'un soldat occupant un tel rang hiérarchique. Loin d'être le puissant meneur au look terrifiant qui effrayait tous ceux qui le regardaient. Au contraire, la finesse de son apparence rendait sa beauté envoûtante, impossible à détourner le regard. Néanmoins, il imposait le respect à quiconque croisait son chemin. Il dégageait cette aura rare qui lui conférait un charisme hallucinant. À tel point que sa simple présence suffisait à instaurer une domination, sans avoir besoin de faire preuve d'autorité pour rappeler sa place de leader.

Personne ne pouvait ignorer sa position hiérarchique au sein d'Eirism, son uniforme criait sa distinction à plusieurs kilomètres à la ronde. Au milieu de la salle où une cinquantaine d'autres individus revêtus d'uniformes rouges étaient présents, il se démarquait incontestablement. Vêtu d'une veste à moitié rouge et à moitié blanche, donnant l'impression de porter deux hauts différents, les couleurs opposées étaient reliées par une écharpe de moire blanche traversant son buste. Une médaille placée sur le côté blanc de sa veste, à l'emplacement de son cœur, résumait toute sa carrière, plus significative que n'importe quel vêtement : la grand-croix. Bien évidemment, de nombreuses autres récompenses l'entouraient, ajoutant à son imposante présence.

"La vie n'est pas un conte de fées, sinon personne n'aurait assez de courage pour se suicider", déclara-t-il.

Le soldat blessé le fixa de ses yeux noirs remplis de larmes, sa main agrippée à son uniforme, là où la balle l'avait touché.

"Qu'est-ce que vous racontez, bon sang ?!"

"C'était une cartouche à blanc, arrêtez de pleurnicher. Lorsque vous partirez en mission, vous n'aurez pas le temps de jouer cette comédie à chaque fois que vous recevrez une vraie balle", répliqua-t-il.

De légers rires étouffés se firent entendre parmi les recrues qui assistaient à cette scène. Pris de honte, le soldat essuya ses larmes et se releva, poursuivant son entraînement en se faisant aussi discret que possible.

C'était une routine habituelle pour le Général de devoir entraîner ses subordonnés, même s'il préférait partir au front et risquer sa vie plutôt que de devoir socialiser avec eux. Deux fois par semaine, il consacrait ses matinées à cette tâche, à son grand désespoir et à celui des soldats qui ne l'appréciaient guère.

Il était vrai qu'il avait une réputation de tireur d'élite, capable d'abattre ses ennemis d'une seule balle, et tout le monde était d'accord pour dire qu'il méritait son statut. Cependant, il était plutôt détesté par ses collègues qui lui reprochaient son arrogance. En réalité, cette attitude lui avait valu le surnom de "tyran". Ils n'avaient pas tort, car à part lancer des regards hautains et faire des remarques qui ridiculisaient tous ceux qui les subissaient, il ignorait totalement leur existence.

Une fois l'entraînement terminé, pile à midi, il ne perdit pas une seconde de plus et se consacra à ses autres obligations. Son premier réflexe était de se rendre à la cantine de l'organisation d'Eirism. Toujours avec la même assurance, presque en marche rapide, il pénétra à l'intérieur du réfectoire après avoir attendu de longues minutes, car il était venu à l'heure de pointe.

Alors qu'il avançait dans le bâtiment, des commentaires indiscrets accompagnaient son chemin, mais ils ne l'atteignaient plus. Il était devenu le sujet central des conversations, à tel point qu'il avait fini par ignorer ces paroles. Les nouvelles recrues étaient presque fascinées par cet homme qui terrassait les ennemis les plus redoutables. Elles ne pouvaient s'empêcher de remarquer l'impression qu'il dégageait. Personne ne pouvait passer à côté de lui.

"C'est lui, le Général Oléone, regarde."

"Il est plus petit que ce que je pensais."

"J'espère ne jamais avoir à lui parler."

"Qu'est-ce qu'il se la raconte."

"Même en marchant, il se croit supérieur aux autres."

Alors qu'il s'approchait de sa table habituelle, deux soldats le dépassèrent. L'un d'entre eux, sur le point de poser son plateau sur la table, fut arrêté par son ami qui hésitait à s'asseoir à cette table précise, même si parmi les quatre places, une seule était occupée.

L'homme assis à cette table arborait un uniforme rouge avec un col mao. Les extrémités de ses manches étaient blanches, et un motif triangulaire inversé descendant jusqu'à sa poitrine ornait son torse. Seuls les gradés élevés portaient des uniformes rouge et blanc, se distinguant ainsi des simples soldats vêtus de la couleur carmin. Et s'il restait le moindre doute quant à son statut, à gauche, posées sur l'endroit de son cœur, se trouvaient deux flèches pointant vers le haut au-dessus d'un symbole qui, sans aucun doute, le certifiait en tant que Sous-Lieutenant.

— Non, pas ici, contesta l'un des soldats.

— Pourquoi ? Orion est tout seul, ça ne le dérangera pas qu'on s'assoie avec lui.

— C'est la table du Général Oléone.

— Je ne savais pas qu'il mangeait à la cantine. Personnellement, je préfère manger dehors.

Le soldat reprit son plateau et s'éloigna avant même que leur supérieur puisse intervenir. Les deux soldats se dirigèrent vers une autre table, échappant de justesse à Oléone qui arriva peu de temps après. Ils avaient bien fait de se déplacer, car une réprimande publique aurait pu compromettre leur honneur, une situation que tous connaissaient et redoutaient.

Le tyran s'installa brusquement à sa table, posant son plateau sans adresser un mot, un sourire ou même un regard à celui qui l'attendait.

— Es-tu prêt pour ta mission de ce soir ? lança Orion, rompant le silence.

La tête baissée vers son assiette, jouant distraitement avec la nourriture insipide à l'aide de sa fourchette, l'homme distant ne répondit que par un haussement d'épaules qui laissait entendre que ce sujet ne l'intéressait pas. Son subordonné lui lança un bref regard avant de sourire face à cette réaction peu enthousiaste, suivi d'un commentaire ironique.

— Allons, tu vas encore faire sensation !

Son intervention fut ignorée, comme c'était souvent le cas pendant les repas, laissant place à un silence gênant. Cela n'empêcha pas Orion de persévérer pour obtenir une réponse et briser ce monologue.

— Alala, je me demande qui ici aime réellement son travail. Je ne comprends pas pourquoi ils obligent les porteurs d'énergie à s'engager dans l'armée. Si les gens étaient motivés, nous aurions une bien meilleure armée.

— C'est encore dégoûtant, ce qu'on nous sert à manger, ronchonna-t-il, ignorant le sujet déjà abordé.

— On ne peut pas vraiment espérer mieux de cette cantine, plaisanta Orion.

Le repas se déroula dans l'atmosphère habituelle, avec Orion riant des plaintes d'Oléone. Les recrues alentour étaient témoins de la conversation entre ces deux hommes qui semblaient si opposés. Il y avait le Sous-Lieutenant, mesurant un mètre quatre-vingt-douze, les cheveux rasés presque entièrement, à l'exception de mèches blanches sur le dessus, si courtes qu'elles ne pouvaient être coiffées. Sa pâleur extrême, presque aussi blanche que ses cheveux, cils et sourcils, laissait entendre un problème de production de mélanine. Il regardait son acolyte, bien plus petit que lui, avec des yeux d'un noir profond, arborant un sourire constant. Tandis que l'un reflétait la bienveillance et la positivité, l'autre semblait éprouver un désintérêt total envers tout ce qui l'entourait.

De manière étrange, ils passaient presque tout leur temps libre ensemble. Orion semblait être la seule personne capable de supporter le caractère exaspérant de son camarade. Peut-être parce qu'il était le soldat d'Eirism le plus enclin à la justice, trop intègre pour se laisser guider par des préjugés, ce qui lui avait valu le surnom de Juste. Du moins, c'était l'image que leur relation projetait.

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