Chapitre 2

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À vingt-deux heures, Orion et Oléone se retrouvaient dans leur chambre du dortoir. Dans les dortoirs des soldats, chaque chambre était équipée de quatre lits, mais les hauts gradés étaient séparés de leurs subordonnés et partageaient une chambre à deux.

C'était seulement lorsqu'ils étaient à l'abri des oreilles indiscrètes qu'Oléone abandonnait son attitude rebelle. Il s'effondra à côté de son colocataire, qui était assis sur son lit, et posa ses bras croisés sur son épaule.

— Si tu savais à quel point je déteste partir en mission.

— Je sais, je sais. Malheureusement, tu n'as pas le choix.

Orion disait vrai, les missions étaient imposées par Uran, le directeur d'Eirism, et ses ordres étaient incontestables. Uran était également le président d'Hora, le pays qui abritait l'organisation d'Eirism.

Chaque pays possédait son propre système organisationnel regroupant les aspects politiques, militaires, administratifs et scientifiques. Chacune de ces organisations avait sa réputation, et celle d'Eirism se distinguait par sa stratégie militaire exceptionnelle, notamment grâce à Oléone. Malgré le système épistocratique qui caractérisait le régime politique d'Hora, où seuls les individus connaissant bien le domaine politique pouvaient accéder à l'élite, Uran était quelque peu égoïste quand il s'agissait de partager son pouvoir. Il avait conquis le pays il y a près de vingt-cinq ans grâce à son expertise en politique, impressionnant les citoyens qui l'avaient élu en toute connaissance de cause. Depuis lors, il était resté au pouvoir, non pas par la force, mais parce que personne ne souhaitait lui prendre sa place et que la population semblait toujours satisfaite de son leadership.

Oléone se rendit au centre-ville à contrecœur. Les nuages étouffaient le bleu du ciel, et l'atmosphère était lourde et étouffante. Pas un souffle de vent pour chasser les sombres nuages. Les toits des maisons, recouverts d'une teinte bleutée, semblaient disposés comme sur un plateau d'échecs, où le roi était sur le point de perdre le contrôle.

Le paysage sans vie, comme une toile dépourvue de couleur, donnait une impression de stagnation du temps. Les ruelles pavées de briques grisâtres semblaient enfermer la vie et la mort dans des cases géométriques. Les cris étouffés se mêlaient aux bruits ambiants, et la peur était palpable, si bien que les oiseaux fuyaient leurs nids, abandonnant leurs petits. Les rues étaient témoins de scènes chaotiques où des corps tombaient tandis que d'autres se relevaient. C'était une journée comme toutes les autres où la guerre se manifestait avec violence. Le sang frais maculait les joints entre les pavés, apportant la seule touche de couleur à cette toile lugubre.

Les civils, effrayés par le chaos, se ruaient dans les bâtiments environnants, cherchant refuge pour échapper aux soldats vêtus de rouge, ces impitoyables membres d'Eirism. Leurs uniformes carmins les distinguaient, tout comme leur comportement impulsif, attaquant sans pitié quiconque se mettait en travers de leur chemin, armés jusqu'aux dents.

Le leader, imposant et inébranlable, observait rapidement les alentours, guidant ses subordonnés dans les actions à entreprendre pour mettre fin au carnage. La bataille commença, semant la terreur dans tout le quartier. Il agissait en véritable général, frappant au bon moment et esquivant au dernier instant.

Sa main gauche, horizontale au sol, tenait fermement son arme à feu pointée vers un ennemi prêt à achever un soldat allié. Avant que l'agresseur ne puisse abattre sa lame meurtrière, il fut touché par une balle d'une lueur bleutée, laissant brièvement entrevoir sa trajectoire. La recrue, sauvée in extremis par son supérieur, suivit des yeux la trajectoire de la balle jusqu'à son origine. Il le vit dans une position imposante, comme figé dans une contre-plongée, le rendant si intimidant que l'ennemi perdit l'équilibre avant même de toucher le sol.

La réaction de tous ceux qui croisaient le regard de cet homme restait la même, qu'ils soient ennemis ou alliés : l'intimidation. Pendant les batailles, chacun se rappelait de la puissance d'Oléone et de la chance qu'ils avaient de l'avoir à leurs côtés.

Il était la cible de prédilection de ses adversaires. S'ils parvenaient à l'éliminer, ses soldats ne seraient plus qu'une nuisance mineure. C'était l'homme le plus puissant, sans conteste. Dès qu'ils trouvaient une ouverture, ils se ruaient sur lui pour l'attaquer. Les ennemis armés à distance se trompaient en pensant que le combat rapproché serait leur avantage. En réalité, s'approcher de lui équivalait à signer leur arrêt de mort.

Quand ils tentaient de l'attaquer dans le dos, il se baissait avec une agilité impressionnante pour éviter l'assaut. En un éclair, il se retournait pour faire face à son ennemi, les yeux rivés dans les leurs. Les assaillants n'avaient pas le temps de comprendre que leur tentative avait échoué avant de recevoir une balle entre les deux yeux. S'ils essayaient de l'attaquer de côté, il répondait d'un coup de coude brutal dans l'estomac, les mettant hors combat. Sa technique de défense était redoutable et infaillible.

Même après des semaines d'analyse de ses techniques de combat, les ennemis étaient toujours pris au dépourvu lorsqu'ils se retrouvaient face à lui, n'ayant guère le temps de concevoir une stratégie. Et sans exception, une seule balle de son arme alimentée par son énergie suffisait pour prendre une vie.

Chaque soldat possédait un pouvoir unique, se manifestant sous la forme d'une arme spéciale créée à partir de son énergie. Cette énergie, d'un éclat bleuté fluorescent, reflétait l'essence de leur âme. Leur arme se matérialisait en quelques secondes, jaillissant de leur paume pour devenir une entité tangible. Ils devaient comprendre et ressentir leur arme à travers leur essence pour s'y adapter pleinement.

Ces individus, les détenteurs d'énergie, résidaient à Hora, où leur pouvoir se révélait dès leur plus jeune âge. Séparés de force de leur famille, ils étaient envoyés à l'organisation d'Eirism pour devenir des soldats chargés de protéger les citoyens dépourvus d'énergie, considérés comme vulnérables face à la menace des Eiratiks. Ces ennemis mystérieux attaquaient sans relâche le pays d'Hora, et leur objectif exact demeurait inconnu. Peu de gens s'intéressaient réellement à leurs motivations, car la priorité absolue était la sécurité du peuple.

Malheureusement, Eirism restait cantonnée à une défense réactive, car lancer une attaque directe mettrait en danger tout le pays. L'organisation ne pouvait se permettre de risquer la vie de ses soldats face à un ennemi dont elle ignorait tout. Il n'existait aucune information confirmée sur la base des Eiratiks ou sur leur chef. Mettre fin à ces attaques impliquerait de mener un combat au cœur même des Eiratiks, en atteignant leur base et leur dirigeant. Mais depuis des décennies, ils subissaient des assauts incessants sans parvenir à les stopper définitivement. La lutte était loin d'être terminée.

La bataille venait de s'achever en une heure à peine. Ceux qui étaient encore en vie étaient revêtus de rouge, leur uniforme se mêlant au sol maculé de sang. Certains gisaient paralysés, incapables de dissimuler la douleur infligée par leurs blessures et rompant le silence de la victoire.

"Mission terminée. Demande de portail dimensionnel", annonça le Général dans son talkie-walkie.

Une sphère apparut au milieu des cadavres, une forme qui semblait dénuée de matière, impossible à toucher, et qui reflétait toutes les couleurs imaginables. Le chef de l'unité militaire se dirigea droit vers cette étrange porte, donnant l'impression qu'elle représentait une issue libératrice à ses souffrances. Son corps se fondit dans cette masse polychrome, laissant les soldats soulagés de son départ échanger enfin leurs pensées sans craindre ses représailles. Comme à son habitude, il était au centre de l'attention, même s'il détestait cela.

— Je le déteste. À chaque fin de mission, il rentre sans même nous adresser un regard. Hé, on existe aussi !

— C'est vrai qu'il est toujours hautain, mais n'oublie pas que sans lui, le nombre de blessés serait triple. Et puis, il y a rarement des morts de notre côté quand on part en mission avec lui.

— Sans lui, Eirism ne serait pas grand-chose, mais cela ne change rien au fait qu'il m'irrite avec son attitude.

La conversation fut abruptement interrompue par l'arrivée d'une équipe médicale, vêtue de blouses blanches et munie de mallettes noires. Ils franchirent le portail dimensionnel d'un pas déterminé. Chacun se précipita vers les blessés, dévoilant leur arsenal d'instruments médicaux. Ces soigneurs n'intervenaient qu'une fois la mission officiellement terminée.

Un homme distingué, en costume gris, se présenta sans uniforme, démarquant clairement sa position au sein de l'organisation. C'était Uran. D'un ton autoritaire, il ordonna aux soldats encore debout de retourner à Eirism. Sans protester, ils obéirent et repartirent silencieusement. Pendant ce temps, les soigneurs prenaient soin des blessés, prêts à les ramener rapidement en forme dans les jours à venir.

Oléone, de retour à Eirism, fit montre de son habituel triomphe, bien qu'il cachait son exaltation habituelle pour la victoire. Malgré l'heure matinale, il prit un moment pour se détendre avec un livre. Adepte de lecture, il engloutissait tous les genres littéraires. La bibliothèque réservée aux soldats de haut niveau était son refuge, où il trouvait la paix loin de l'atmosphère de guerre permanente à Eirism. Chaque soir, lorsqu'il n'avait pas de mission, il s'enfermait dans ses lectures, dévorant des romans de quatre cents pages en seulement deux jours. Malgré les rumeurs qui couraient sur sa vie trépidante en tant que Général admiré, la réalité était bien plus sobre : il se dédoublait entre le champ de bataille et la page imprimée. Loin de toutes les exagérations, il se contentait de lire, toujours et encore.

Au petit matin, à cinq heures précises, son réveil sonna, et il se leva sans effort. Un lève-tôt invétéré, il embrassait les aurores avec enthousiasme, prêt à entamer une nouvelle journée.

Pourtant, une pensée traversa soudainement son esprit. Il se leva avec empressement et ouvrit le tiroir de sa table de chevet, en sortant une petite boîte. Il la lança à son collègue encore somnolent. L'impact réveilla Orion en sursaut, les yeux encore mi-clos, cherchant à comprendre ce qui se passait.

— J'ai oublié de te donner ton cadeau d'anniversaire.

Orion, de ses yeux noirs, fixa l'objet qui lui avait été lancé et l'ouvrit. Il découvrit une broche en or richement décorée, donnant l'impression d'avoir une grande valeur. La surprise de recevoir et désormais posséder un tel bijou le laissa sans voix. Le manque de réaction de son acolyte fit douter Oléone quant à son choix de cadeau. Les sourcils froncés, il se demanda s'il avait fait le bon choix.

— Merde. Je pensais que ça te plairait.

— Mais j'adore. Merci, Léo. Cette broche est magnifique, elle ressemble à celles qu'ils portent à Méri.

— Je le sais, c'est pourquoi je l'ai choisie. Parce que tu les trouves belles, répondit-il avec un sourire chaleureux.

Léo était le surnom qu'Orion donnait à Oléone depuis qu'ils se connaissaient. De plus, il était le seul à lui attribuer un surnom moins péjoratif que "tyran". Ce dernier se redressa et reprit la broche avant de la fixer sur son uniforme avec un sourire béat aux lèvres.

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