Chapitre 4
À deux heures du matin, Oléone était prêt à se rendre au lieu de rendez-vous où il découvrirait enfin l'arme secrète. Il s'apprêtait à sortir du dortoir lorsque son manque de discrétion réveilla son camarade. Ils échangèrent un regard furtif suivi d'excuses pour avoir perturbé son sommeil. La réponse d'Orion se résuma à un simple signe de la main.
Sur le point de quitter la chambre, encore à moitié endormi, Orion ne put s'empêcher de lui adresser un mot.
"Fais attention à toi"
Oléone se retourna et lui adressa un regard.
"Tu me connais, mon poussin", répondit-il en riant.
Il lui offrit un dernier sourire avant de quitter la pièce, laissant Orion seul dans une agréable quiétude propice à l'endormissement.
Il se dirigea vers la partie de l'organisation réservée aux scientifiques, un lieu interdit aux soldats sans autorisation du directeur. Le couloir était plongé dans l'obscurité, seuls quelques rayons de lune perçaient et lui permettaient d'entrevoir les formes qui l'entouraient.
C'était la première fois qu'il mettait les pieds ici, mais son visage fermé laissait transparaître sa réticence envers cet endroit. Le couloir semblait s'étendre sur des kilomètres, l'angoisse associée à l'atmosphère oppressante rendait difficile la perception du temps et de l'espace.
Après d'interminables minutes, qui semblaient s'étirer sans fin, il arriva enfin devant une imposante porte blindée, sécurisée par un code. Le Général allait enfin découvrir le plus grand secret d'Eirism, conscient de l'importance de cet instant, mais peut-être pas assez pour envisager de fuir.
Un silence pesant régnait lorsque des bruits de pas retentirent au fond du couloir. Il se retourna brusquement, au bord du sursaut. La terreur commençait à l'envahir, et ses yeux affolés scrutèrent l'obscurité jusqu'à apercevoir une silhouette s'approcher de lui.
Quelques mètres plus loin, la lueur de la lune dévoila l'identité de l'individu qui s'avançait. C'était le directeur lui-même. À cet instant précis, les battements de son cœur résonnaient intensément. Il comprenait que cette mission n'était pas ordinaire, mais un privilège en tant que Général de l'armée. Tout ce que les soldats voulaient savoir allait lui être révélé.
Uran avança jusqu'à la porte, dépassant son favori sans un mot ni un regard. Il saisit le code, les chiffres se fondant dans l'obscurité, puis un bruit accompagné d'une lumière verte validèrent l'ouverture de la porte.
Dans un silence interminablement interminable, ponctué uniquement par des bruits de pas, trois personnes sortirent de la pièce. Deux gardes encadraient une femme enchaînée, retenue fermement entre eux. Sa silhouette était dissimulée par une large combinaison noire ouverte sur le devant, révélant un sous-pull sombre recouvrant le haut de son corps et un gilet pare-balles. Ses mains étaient protégées par des gants noirs épais, ne laissant aucune parcelle de peau à découvert, à l'exception de son visage. Chacun de ses pas résonnait avec force, amplifié par ses larges chaussures de randonnée. Son visage d'une pâleur extrême, presque bleuté en raison de la visibilité de ses veines, contrastait avec ses cheveux noirs mi-longs, plaqués en arrière. La seule touche de couleur sur son visage émanait de ses yeux d'un marron foncé, presque rouge.
Elle posa pour la première fois les yeux sur le Général, son regard dénué de menace ou de bienveillance semblait simplement l'analyser. Le Général, quant à lui, remarqua immédiatement une particularité chez elle : une tache grise, presque blanche, dans son iris droit. Fasciné par cette personne qu'il n'avait jamais vue auparavant, si étroitement enchaînée qu'elle ne pouvait bouger sans l'autorisation des gardes, il en oublia momentanément l'existence de l'arme secrète.
Puis, il réalisa que cette femme était l'arme secrète.
Elle était l'énigme tant attendue.
— Qui est-il ? demanda-t-elle à Uran, en pointant du doigt son futur allié.
— C'est le Général Oléone avec qui tu partiras en mission.
— Ah vraiment ? ricana-t-elle.
Oléone la dévisagea, agacé par sa manière de le sous-estimer, bien qu'il n'affichât aucun signe de ressentiment, si ce n'était son regard insistant.
— Quel est le problème ?
Elle le regarda avec un sourire innocent. Malgré son rire moqueur, elle ne semblait ni juger ni mépriser. Elle était simplement surprise de constater qu'Oléone était le Général, l'un des soldats les plus puissants d'Eirism.
— Désolée, j'ai encore été trompée en m'attendant à quelqu'un d'imposant pour un Général. Mais j'aimerais quand même savoir... Combien ?
Les sourcils d'Oléone commencèrent à se froncer légèrement, déconcerté par la question incompréhensible et le fait qu'elle demeurait aussi détendue en sa présence. Il n'était pas habitué à être contredit, seuls Orion et le directeur osaient s'opposer à lui. Il était courant que les autres se sentent écrasés par sa présence. Son silence la poussa à insister, continuant ses provocations naïves.
— Moi, je dois mesurer... je ne sais pas, je pense un mètre soixante-dix, et tu es plus petit que moi. Toi, ça doit être... soixante-cinq, ou quelque chose comme ça, non ?
Sa remarque vexa le Général, sa mâchoire serrée trahissant sa retenue pour ne pas répliquer. Malgré les nombreuses moqueries sur sa petite taille, elle fut la première à l'assumer ouvertement, surtout lors de leur première rencontre. Contrarié, le visage fermé, il ne répondit pas, car quelle que soit sa réponse, il aurait semblé ridicule.
Elle irrita également le directeur qui n'avait aucune patience pour ce genre de futilités.
— Suffit. Ce n'est pas le moment de plaisanter.
Il avança d'un pas déterminé, suivi de près par les gardes qui contraignirent l'arme secrète à les suivre de force. Oléone ne détourna pas son regard de la femme enchaînée, prenant un bref instant avant de se mettre en marche.
Ils se dirigèrent vers la salle de départ des missions, où les attendait Athesy, une rousse aux cheveux bouclés qui s'échappaient d'un béret noir en cuir. Ses yeux verts étaient vifs comme l'herbe. Elle portait le même uniforme qu'Orion, à l'exception d'une seule flèche sur son bras, symbole de son grade de Lieutenante. Sa présence était habituelle lors des débuts et des fins de mission, car elle était la seule capable de créer des portails dimensionnels, permettant à quiconque les traversait de se déplacer d'un point A à un point B selon sa volonté.
Ainsi, lorsqu'il l'aperçut, il ne fut pas surpris de la voir ici, mais il semblait pensif. En observant sa réaction confuse face à l'arme secrète, il comprit que c'était également la première fois qu'elle la voyait. Le duo franchit la porte pour se retrouver à l'intérieur même d'Hora.
Sur une place publique vide, offrant une large visibilité sur les environs, ils se tinrent prêts à engager le combat. Rapidement, ils remarquèrent l'absence de toute présence humaine à l'horizon, renforçant la méfiance du jeune homme vis-à-vis de cette mission.
— Ils ont dû se tromper, les malins, ironisa-t-elle.
Le Général, prêt à en découdre, releva la tête, scrutant avec méfiance le paysage déserté. Son attention se porta sur les menottes spéciales de la jeune femme, équipées de piques conçus pour neutraliser son énergie, la réduisant à l'ordinaire d'un habitant d'Hora.
Soudain, une perturbation brutale interrompit sa concentration. Il pivota instinctivement, comme si son instinct l'avait alerté d'un danger. Puis, dans un fracas assourdissant, une explosion retentit derrière eux.
Bam.
Projetés en avant, ils parvinrent à se rattraper de justesse sur leurs mains malgré la surprise. Le Général dégaina son pistolet d'un geste fluide, une arme efficace pour un petit nombre d'ennemis. Cherchant avidement la source de l'attaque, il pointa son arme vers un nuage de fumée, l'autre bras protégeant son visage des particules de poussière.
— Ne serait-il pas temps de me débloquer ? demanda l’étrangère.
Oléone, totalement focalisé sur l'attaque surprise, ne pouvait se permettre de laisser une seconde d'inattention. Des tirs meurtriers pleuvaient sur eux depuis les toits environnants, où les ennemis s'étaient embusqués, prêts à les submerger.
Dans les ruelles sombres, la jeune femme était submergée par des adversaires surgissant de toutes parts. D'un geste vif, elle esquiva les lames acérées et se servit de la chaîne de ses menottes pour les arracher des mains des agresseurs.
Son coéquipier changea d'arme, optant pour un pistolet-mitrailleur plus efficace et rapide. Il mit hors d'état de nuire les ennemis embusqués sur les toits tout en se débarrassant de ceux qui s'approchaient de lui.
Mais face à la multitude grandissante d'Eiratiks, l'agilité seule du Général ne suffisait plus. Une flèche se ficha dans son épaule, qu'il retira sans hésitation grâce à l'adrénaline qui inondait son corps. Puis un adversaire surgit subrepticement, le frappant avec force. S'en suivit une série de coups, certains esquivés de justesse, d'autres renvoyés avec détermination.
Malgré ses efforts pour se défendre, le Général sentit son bras être attrapé par l'ennemi, qui le plaqua violemment au sol. D'un geste brutal, il écrasa son pied sur le dos du Général, cherchant à lui désarticuler l'épaule. Pendant ce court instant, pris de satisfaction devant la souffrance de sa victime et le son de ses cris, l'ennemi baissa sa garde. C'était l'opportunité que le Général attendait : il se libéra d'un coup, échappant à son bourreau. Il parvint à se relever, mais trop lentement, et reçut un coup violent qui l'envoya de nouveau au sol, projetant le boîtier loin de lui.
Préoccupé par l'état critique de son alliée, le Général la trouva en posture de faiblesse, incapable de se défendre. Désireux de rejoindre le boîtier, il se précipita, mais fut pris au piège par un fil d'énergie tendu par un autre Eiratik. L'assaillant sortit un poignard, résolu à mettre un terme à tout cela. Néanmoins, le Général agrippa la lame de toutes ses forces, son sang maculant le métal et souillant son uniforme, puis il parvint à repousser l'arme. La situation était critique, et les deux soldats d'Eirism en avaient pleinement conscience.
Alors que la femme se débattait avec un adversaire qui tentait de l'étrangler, elle parvint d'un geste vif à se libérer de son emprise. L'ennemi lâcha prise, contraint par la pression sur son abdomen. Dans un élan, elle tenta de récupérer le boîtier, mais l'un des ennemis le détruisit en l'écrasant sous son pied. Le sourire malsain de l'assaillant traduisait sa satisfaction.
— Grave erreur.
Ses mains se libérèrent, déclenchant l'utilisation fulgurante de son énergie. L'homme réalisa trop tard que son action avait involontairement annulé son pouvoir en piétinant le sol. Une lueur bleue jaillit de la main de la femme, se transformant en un manche métallique doté d'une lame brillante à son extrémité. D'un geste vif, elle planta la lame dans le sol, et en un éclair, elle traça un cercle autour d'elle, brisant les pavés de ciment et provoquant une épaisse fumée de poussière qui se répandit sur la place publique. Les assaillants, désorientés, tentèrent de fuir, mais ils furent rapidement pris au piège dans la confusion. Incapable d'agir, elle prit quelques instants pour se concentrer, les yeux fermés. Quand elle les rouvrit, la poussière s'estompa, révélant des ennemis figés, immobiles.
Oléone saisit l'opportunité pour repousser l'homme qui le maintenait au sol, scrutant la scène avec stupéfaction. Aucun des ennemis ne bougeait, et il n'arrivait pas à saisir ce qui venait de se passer. Il tourna son regard vers la jeune femme, un sourire aux lèvres. D'une manière troublante, elle leva sa main libre jusqu'à ses lèvres, dégageant une aura malsaine, puis la retira de quelques centimètres avant de claquer des doigts.
Instantanément, chaque Eiratik s'effondra, tous sans exception. Ils périrent tous en une fraction de seconde.
Le Général resta pétrifié, une goutte de sueur perlant sur son front, face à la femme qui se tenait devant lui. Il venait d'être témoin exclusif de la puissance dévastatrice qu'elle possédait, confirmant qu'elle était véritablement l'arme secrète. Leurs regards se croisèrent brièvement, mais la jeune femme détourna son attention vers le boîtier un peu plus loin, laissant planer le mystère de ses incroyables capacités.
— Dommage, il est cassé.
Ne sachant plus comment réagir face à cette situation, Oléone se releva après une brève hésitation et pointa l'arme qu'il venait de matérialiser vers elle. Surprise, elle haussa les sourcils, mais répondit comme si tout cela n'était qu'un jeu.
— À quoi tu joues ? Nous sommes dans la même équipe
Oléone, toujours sur ses gardes, l'arme pointée vers elle, ses mains tremblantes laissant échapper des gouttes de sang sur le sol, se rendit compte qu'il ne pouvait pas lui faire face dans cet état. Il abaissa les bras, la laissant sans aucune défense. Il devait reprendre le contrôle, c'est pourquoi Uran lui faisait confiance.
— Nous devons rentrer à Eirism.
Il eut à peine le temps de sortir son talkie-walkie qu’elle le coupa dans son élan.
— Au fait, mon nom c'est Néia. J'aime pas trop qu'on m'appelle par un nom de code.
Ne désirant qu'une chose, s'éloigner d'elle le plus vite possible, il ignora son intervention et demanda un retour à l'organisation. Lorsqu'ils passèrent la porte pour rentrer à Eirism, des gardes les attendaient. À ce moment-là, le Général blessé croisa le directeur qui les observait, manifestant clairement sa colère. Les poings serrés, les narines dilatées et les sourcils froncés au point de creuser ses rides, Uran ne faisait aucun effort pour dissimuler son mécontentement.
— Pourquoi ses menottes ne sont-elles pas activées ? gronda-t-il.
— Le boîtier a été détruit.
Cela ne suffit pas à calmer le directeur, bien au contraire. À bout de nerfs, il n'hésita pas à exprimer sa colère envers son fidèle subordonné et lui ordonna de se faire soigner. D'un ton sec, il donna l'ordre aux gardes de ramener l'arme secrète dans sa cellule. D'autres gardes furent chargés de s'occuper des corps à l'extérieur, marquant ainsi la fin de cette mission.
Annotations
Versions