Chapitre 6
Les jours filaient, laissant place à une routine apparemment ordinaire. Les gradés supérieurs, y compris Oléone, reprirent le rythme des missions au sein d'Eirism.
Au sein de cette organisation, les blessés se rétablissaient en un temps record grâce à des soins spécialisés exploitant leur énergie et celle des guérisseurs. Une méthode miracle qui faisait disparaître toute cicatrice visible en quelques jours seulement, permettant aux soldats de retrouver leur pleine forme comme s'ils n'avaient jamais été blessés.
Après la dernière discussion sur Néia, son nom ne fut plus évoqué, mais les jugements envers le fils du directeur se faisaient plus acerbes que jamais. Chacun avait son avis sur cette affaire, et Orion devait faire face à de plus en plus de regards hostiles.
Un jour pluvieux, tandis qu'il sortait seul d'un bâtiment d'Eirism, Orion fut bousculé sans ménagement par une recrue. Malgré l'ampleur de l'espace, le maladroit ne daigna pas s'excuser, ce qui ne passa pas inaperçu auprès du sous-lieutenant. Une remarque cinglante lui échappa, soulignant l'impolitesse du jeune soldat qui osa ainsi entraver son chemin.
— Hé ! Faites attention !
Le concerné se retourna et lui lança un regard noir empreint de mépris et de provocation.
— Sinon quoi ?
Offensé par l'impolitesse dont il était victime, Orion se trouva décontenancé. Il n'était pas doué pour garder son sang-froid, répliquer de manière adéquate ou agir avec intelligence, d'autant plus qu'il était particulièrement sensible. Ce n'était pas la première fois que ses subordonnés lui tenaient tête, mais il s'efforça tant bien que mal de se faire respecter.
— Je suis votre supérieur, vous me devez le respect.
— Oui, le fiston à son papa et le toutou d'Oléone, bouhouhouh.
Il parvint néanmoins à garder son calme en apparence. C'était déjà beaucoup compte tenu des paroles qu'il devait encaisser. Sa voix tremblait autant que ses mains, non pas par peur, mais par détresse. Les mots le blessaient et il s'efforçait de ne pas le montrer, mais sa naïveté le trompait. Il fit preuve de patience, tentant d'apaiser la situation alors qu'il n'était en rien en tort. Il était toujours celui qui devait s'abaisser au niveau des soldats, bien trop insolents pour leur rang. Pourtant, sa passivité ne suffit pas lorsqu’il se fit volontairement pousser.
— La violence au sein de l'organisation est interdite.
Ce dernier semblait ne pas comprendre les reproches qui lui étaient adressés et continuait de manquer de respect. Le novice perdit patience et ne se priva pas d'exprimer à voix haute ce que la majorité de l'armée pensait.
— Si tu es à ce poste, c'est seulement parce que tu es le fils du directeur ! Tu ne sais même pas diriger une unité, tu te caches sans cesse derrière Oléone.
— Je ne me cache pas derrière Oléone.
— Ah oui ? Pourtant, chaque fois qu'il faut faire preuve d'autorité, tu le lui demandes. Tout le monde l'a remarqué.
Il le poussa une seconde fois, et l'altercation se déroula devant les grandes baies vitrées, offrant un spectacle aux curieux qui se tenaient derrière.
Oléone, qui passait par là, remarqua une foule inhabituelle. Il entendit des échos d'une dispute entre son colocataire de chambre et une recrue. Sans perdre de temps, il se fraya un chemin à travers la foule en poussant fermement ceux qui bloquaient la sortie. Au loin, une remarque l'outragea.
— Les personnes comme toi me dégoûtent. Les statuts devraient être basés sur le mérite et toi, tu ne mérites pas d'être Sous-Lieutenant, tu n'es qu'une merde.
Oléone arriva rapidement et se plaça entre les deux individus, repoussant l'agresseur d'une main. Sans que le soldat ait le temps de voir qui s'était interposé, il se retrouva saisi par le col. Plus petit que lui, Oléone le força à courber le dos pour l'approcher de son niveau. Puisqu'il ne pouvait pas se mettre à la hauteur de ses camarades, c'était à eux de s'adapter à sa petite taille.
— Quel est ton problème ? demanda-t-il sèchement, sans élever la voix.
Lorsque le soldat réalisa de qui il s'agissait, son regard se tourna vers Orion.
— Qu'est-ce que je disais.
Le supérieur ne tolérait pas un tel manque de respect et lâcha l'encolure de l'uniforme qu'il tenait. Le soldat pouvait enfin se redresser, libre de ses mouvements, et reprit confiance jusqu'à ce qu'il perçoive le regard menaçant du petit homme. Le tyran leva sa main droite vers sa gauche et le gifla avec le revers de sa main.
— Ô très cher, le Sous-Lieutenant Orion pourrait vous tuer avant même que vous ne puissiez sortir votre arme. Vous avez de la chance d'être protégé par les lois et de n'avoir reçu que cette petite caresse de ma part.
La recrue resta muette, submergée par l'humiliation, l'intimidation et la vexation. La peur des représailles l'empêcha de soutenir le regard du Sous-Lieutenant, même si tous les yeux curieux se braquaient sur eux. Le visage baissé, il sentait le poids du regard sévère qui le transperçait, comprenant trop tard qu'il avait gravement sous-estimé son adversaire.
Dans un sursaut d'orgueil, il décida de sauver ce qui pouvait encore l'être de son honneur et s'éclipsa rapidement, refusant de prolonger cette humiliation publique. Son départ précipité était son dernier acte de dignité face à cet échec cuisant.
Les deux acolytes échangèrent un regard chargé d'émotions contradictoires. La honte se lisait dans les yeux sombres de l'un, tandis que l'inquiétude marquait le regard bleu de l'autre. Le confus poursuivit le fuyard, le rattrapant dans un couloir quelques mètres plus loin, agrippant fermement son poignet pour l'arrêter. Les paroles restèrent en suspens, tout comme les tensions palpables qui persistaient entre eux. C'était un moment de rupture, une prise de conscience inattendue qui allait bouleverser leur relation et leur destinée commune.
— Qu'est-ce qui te prend ?
— C'est toujours la même chose avec toi.
Orion fixa son poignet captif et tenta de le ramener brusquement vers lui pour se libérer, sans succès.
— Lâche-moi !
— Pas tant que tu ne m'auras pas expliqué ce qui ne va pas.
Coincé, il se résigna à mettre des mots sur ce qu'il ressentait, même si cela était une humiliation supplémentaire. Il détourna le regard sur le côté, évitant celui de son supérieur.
— Aux yeux des autres, je passe pour un lâche, et toi, tout le monde te craint.
— Mais qu'est-ce que ça peut foutre, bon sang !
— C'est évident, tout le monde te respecte. Tu es toujours... parfait en tout point. Que ce soit dans ton comportement ou même dans ton apparence, critiqua-t-il d'un ton accusateur.
Le Général lâcha son poignet avant de répondre simplement.
— Ce que tu racontes n'a vraiment aucun sens, dit-il d'une voix calme.
— Tu as l'allure d'un Général naturel, tandis que moi, je ne suis qu'un vaurien. Il suffit de te regarder, observe ton apparence, ajouta-t-il avec un regard méprisant, scrutant Orion des pieds à la tête.
Avant même d'avoir une chance de répondre, Orion le dépassa en le poussant délibérément, poursuivant son chemin. Cependant, alors qu'il s'éloignait, Oléone saisit une fois de plus son poignet. Orion se retourna, faisant face à celui qui l'empêchait d'avancer, et remarqua son regard. Il soupira, comprenant peut-être qu'il avait exagéré.
— Excuse-moi.
Le problème semblait s'être résolu de lui-même, sans grand effort, si ce n'était pour la patience. Mais le tyran avait d'autres choses à faire.
Même s'il avait cessé d'en parler, il n'avait pas oublié l'expérience qu'il avait vécue quelques jours auparavant. Son obstination à obtenir tout ce qu'il désirait le poussait à franchir une nouvelle étape.
Il se dirigea vers la section de l'organisation réservée aux sciences, interdite aux soldats. Il n'avait eu l'autorisation d'accéder à cet endroit que lors de sa mission avec la jeune femme. Silencieusement, il s'enfonça dans les couloirs jusqu'à atteindre les salles d'isolement, généralement utilisées pour les ennemis. Il se retrouva face à une grande porte blindée gardée par un code, mais deux gardes l'entendirent et lui demandèrent de partir. Malgré cela, il insista pour obtenir ce qu'il voulait.
— Je suis venu voir l'arme secrète.
— C'est interdit.
— Je suis le Général de l'organisation, et j'ai déjà travaillé avec elle.
— Vous ne faites pas partie des personnes autorisées.
Il buta sur cette réponse en apparence anodine. Il était rare que quelqu'un ose lui refuser une demande. Personne, à part les gardes, ne connaissait la liste des personnes autorisées. Mais il refusa d'abandonner et continua avec audace.
— Qui sont-elles ?
Sans surprise, les gardes refusèrent de répondre. À quoi d'autre aurait-il pu s'attendre ? Il savait qu'il ne pourrait pas obtenir de réponse des gardes qui se contentaient de suivre les ordres qui leur étaient donnés. Il ne poussa pas plus loin et partit avec une idée en tête : trouver les personnes autorisées à approcher cet individu mystérieux.
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