Chapitre 10

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Les jours passèrent sans réelle communication entre les deux hommes, et ils ne se croisaient guère pendant la journée. De manière inhabituelle, Orion évitait de déjeuner, et le soir, il rentrait dans le dortoir alors que son camarade était déjà endormi. Cette distance grandissante commençait à inquiéter Oléone.

Un midi, alors que Orion avait enfin une pause, il chercha précipitamment une table à l'opposé de son collègue dans l'espoir de passer inaperçu. Cependant, en se hâtant, il heurta un autre soldat et fit tomber son plateau, créant un vacarme qui attira l'attention de ceux présents autour de lui. Toute tentative de discrétion avait échoué.

Oléone se retourna pour identifier la source du bruit et reconnut l'uniforme de son acolyte. Leurs regards se croisèrent, et il le vit s'excuser avant de quitter le réfectoire. Le Général se leva immédiatement et se lança à sa poursuite pour comprendre ce qui se passait.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria-t-il en le rattrapant.

— Je ne l'avais pas vu, répondit Orion en évitant son regard.

— Pourtant, tu aurais pu venir à ma table.

— Je ne voulais pas te déranger. De toute façon, je n'ai pas faim.

Le jeune homme s'enfuit à nouveau, cherchant à éviter toute conversation. Agacé par son attitude étrange et ses réponses évasives, Oléone le poursuivit et l'attrapa par le poignet à l'extérieur du bâtiment.

— C'est quoi le problème ? Depuis plusieurs jours, tu m'évites.

— Je suis juste occupé.

Le Général tira doucement sur son poignet pour attirer son regard, cherchant désespérément à déchiffrer le moindre indice dans son attitude.

— Tu m'évites depuis que je t'ai parlé de Néia.

— Ça n'a rien à voir.

Oléone s'énerva et tira à nouveau sur son poignet, exigeant qu'il le regarde droit dans les yeux. Le regard du Sous-Lieutenant était rempli de remords, et son visage trahissait un profond malaise. Le Général pinça ses lèvres, manifestant sa compassion, et parla d'une voix plus douce.

— Tu es du côté de ton père, et ce n'est pas grave. Je ne te demande pas de choisir qui croire, dit-il en le fixant intensément.

— Je ne peux pas le trahir.

— Tu ne t'es jamais demandé si ta mère était partie à cause de ce que ton père fait ?

— Tu ne sais vraiment pas t'arrêter, répliqua-t-il sèchement.

Orion utilisa toute sa force pour se libérer et partit en colère, laissant son camarade seul.

Ils ne se retrouvèrent que le soir, quand Orion était déjà blotti dans sa couverture. Oléone entra dans la chambre et le trouva allongé, dos à la pièce.

— Je sais que tu ne dors pas. Excuse-moi, je sais que c'est encore difficile pour toi de parler de ta mère.

Cependant, ses paroles ne suscitèrent aucune réaction. Orion semblait indifférent à ses excuses et refusait d'entamer une nouvelle fois cette conversation.

— Mais... continua Oléone. Tu ne penses pas que c'est une possibilité à envisager ?

Son entêtement à vouloir que tout le monde aille dans son sens l'avait conduit à prononcer la pire sottise qu'il aurait pu dire à ce moment précis. Peut-être était-il devenu un peu trop confiant en sa présence et avait laissé transparaître trop de naturel.

Orion retira brusquement sa couverture et se leva avec irritation face à son insistance. Il sortit de la pièce en évitant de croiser le regard de son colocataire, puis prit l'air un peu plus loin du dortoir.

Assise sur un banc à l'extérieur, Athesy aperçut son collègue au loin. Intriguée de le voir là si tard dans la nuit, elle décida de s'approcher et de lui parler. Elle vint s'asseoir à ses côtés sur le banc et lui demanda, inquiète :

— Toi aussi, tu n'arrives pas à dormir ?

Elle remarqua son air sombre et entendit un soupir qui en disait long sur ses sentiments. Hésitant à s'immiscer dans ses affaires, elle laissa cependant sa bienveillance prendre le dessus et tenta de le réconforter du mieux qu'elle le pouvait.

— Tu as l'air contrarié. Veux-tu en parler ?

Après un moment d'hésitation, il finit par lui donner une réponse détaillée.

— Est-ce que tu penses qu'on peut faire confiance à Eirism ? interrogea-t-il, visiblement peu sûr de lui.

— Oh, tu sais, avec mon travail, j'en ai vu des choses. Je suis témoin des entrées et sorties de mission, et donc je côtoie les hauts gradés, pas seulement les soldats. Alors, tu vois, j'ai des doutes quant à l'honnêteté d'Eirism.

Il tourna son visage vers elle, ses yeux pétillant d'intérêt suite à ces révélations. Elle comprit alors que ses inquiétudes étaient liées à la sincérité d'Eirism et qu'Oléone avait probablement partagé avec lui ce qu'ils avaient découvert dans la partie interdite des bâtiments.

— Oléone m'a parlé de ce qu'ils font avec l'arme secrète, mais honnêtement, ce n'est pas ça qui m'inquiète le plus. J'ai pu observer les dégâts des missions auxquelles Oléone a participé tout au long de sa carrière, et il est évident que ces dernières semaines, Uran lui donne des missions suicide. Les ennemis sont bien trop nombreux, et surtout, les données sont inexactes. Ça peut arriver, je te l'accorde, mais là, je ne sais pas, c'est étrange. En fait, je pense que ces missions servent plutôt de test pour l'arme secrète, pour voir si elle fonctionne comme ils l'espèrent.

— Il m'a dit qu'il se sentait testé par mon père, mais j'ai du mal à croire que mon père soit capable de telles choses... souffla-t-il avec perplexité.

— Tu sais mieux que quiconque ce dont ton père est capable, répliqua-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

— C'est différent... Je suis son fils.

Elle lui adressa un regard empreint de compassion et lui tapota la cuisse pour lui apporter un geste réconfortant. Puis, avec un sourire chaleureux, elle lui adressa des paroles apaisantes avant de le laisser pour commencer sa nuit.

Le jeune homme, quant à lui, passa la nuit sans sommeil, perdu dans ses pensées. Les paroles d'Athesy résonnaient dans sa tête, remettant en question ses convictions et lui rappelant la complexité de la situation. Les doutes l'envahissaient, mêlant peur et incertitude quant à l'avenir et aux actions de son père. La culpabilité qui le rongeait depuis tant d'années s'intensifiait, et il se sentait pris au piège dans un dilemme moral qu'il ne savait comment résoudre. Sa loyauté envers son père et ses doutes envers Eirism se livraient une bataille dans son esprit, et il ne trouvait aucun répit dans cette nuit sans sommeil.

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