Chapitre 11
Le jour suivant, Oléone déjeuna seul au réfectoire, ne s'attendant pas à une éventuelle approche d’Orion. C'était la première fois depuis qu'ils étaient distants qu'il assistait à une tentative de rapprochement.
L'air chargé d'une tension palpable, ils s'observèrent pendant un moment, chacun cherchant le bon moment pour entamer la conversation sans risquer de froisser l'autre. Mais avant même qu’Oléone ait le temps de formuler ses mots, son camarade prit les devants.
— D'accord, je vais t'aider. Mais je ne veux pas que tu agisses seul, c'est beaucoup trop risqué. Alors tu vas t'allier avec Athesy, annonça-t-il avec une assurance certaine.
Leurs regards se croisèrent, l'un affichant une confiance inébranlable dans ses yeux sombres, tandis que l'autre le jugeait avec la couleur azur de ses iris, évaluant l'audace à laquelle il faisait face. Le leader céda finalement et baissa les yeux vers son assiette, trifouillant sa nourriture avec sa fourchette.
— Agir seul, hein ? marmonna-t-il. Tu ne te comptes pas ?
— Je ne ferai rien à part te conseiller, articula-t-il distinctement.
— Et depuis quand es-tu aussi proche d'Athesy ?
— Je ne t'appartiens pas, Léo. J'ai le droit de faire ce que bon me semble, imposa-t-il aussi faiblement que sèchement.
Oléone, submergé par la colère malgré ses efforts pour garder son sang-froid, lança sa fourchette dans son assiette. Un acte inhabituel pour lui, mais lorsque son point sensible était touché, ses émotions prenaient le dessus.
— Tu refuses toujours de voir la vérité en face, lança-t-il d'un ton qui attira l'attention de tous les convives aux alentours, couvrant ainsi son subalterne de honte.
Le visage rouge d'embarras, Orion se rendit compte que tous les regards étaient braqués sur eux. Il fit un signe discret à Oléone pour lui demander de baisser la voix.
Toujours remonté, le Général se leva brusquement, faisant reculer sa chaise avec un bruit strident qui ne passa pas inaperçu. Malgré le vacarme, il ignora les regards curieux et prit son plateau pour quitter la table.
Un matin, le Général reçut une convocation du directeur de l'organisation, annonçant une nouvelle attaque prévue pour la nuit suivante. Uran lui expliqua que cette mission serait en solitaire, car les ennemis semblaient peu nombreux. Le Sous-Lieutenant, malgré le froid qui régnait entre eux, informa Oléone de la nouvelle lorsqu'ils se retrouvèrent dans leur dortoir en début de soirée.
Cependant, dès l'annonce de cette mission, Orion commença à douter ouvertement de sa sincérité.
— Seul ? C'est un peu étrange, non ? C'est la première fois qu'il t'envoie seul.
— C'est juste une petite mission de routine.
— J'ai quand même peur que ce soit un piège...
— Cette nuit, je compte bien découvrir la vérité sur Eirism.
Allongé sur son lit, le Général prit un livre dans sa table de chevet, attendant l'heure de départ. Son camarade semblait dramatiser la situation de manière inhabituelle, pinçant ses lèvres d'inquiétude. Il se comportait comme un suspect sur le point d'avouer un crime, visiblement agité et angoissé.
— N'y vas pas, Léo, le supplia-t-il. Tu as le droit de refuser une mission.
Sans détourner les yeux de son livre, Oléone lui répondit avec indifférence face à ses émotions.
— Je croyais que tu avais confiance en ton père.
Le visage d'Orion était étrangement pâle, ses doigts tremblants s'entrelaçaient nerveusement tandis que son supérieur l'observait du coin de l'œil, sans réagir à son état. Son teint blafard se mit à transpirer comme s'il était sur le point de faire un malaise. Soudain, il se leva brusquement et se dirigea vers la salle de bain, posant ses mains moites sur le lavabo, qu'il serra fermement, perdu dans ses pensées.
Le bibliographe perçut clairement l'accélération de sa respiration, conscient que cette réaction excessive ne pouvait s'expliquer que par des secrets dissimulés. Délicatement, il posa son livre et se dirigea calmement vers la pièce adjacente pour le rejoindre. À peine à ses côtés, le Sous-Lieutenant se confessa.
— J'essaie de me convaincre que vous avez tort et que mon père n'est pas ce genre de personne, mais...
— Je comprends que tu me caches des choses, et je respecte ton choix de ne pas tout me dire, mais que devrais-je faire alors ?
— Je ne sais pas ! paniqua-t-il.
— Écoute, Orion, soupira-t-il. Il ne m'arrivera rien cette nuit, et je reviendrai indemne avec des réponses à mes questions. Fais-moi confiance.
Ces paroles apaisèrent quelque peu le jeune homme, bien que l'inquiétude persistât. Cette nuit était cruciale pour eux deux, il n'y avait plus de temps à perdre, car Uran ne tarderait pas à prendre l'avantage.
Une fois l'heure venue, le Général quitta la chambre commune pour sa mission. Son camarade, préoccupé et incapable de trouver le sommeil, prit son téléphone. Il envoya un message à sa complice, qui était encore éveillée, pour la rencontrer et discuter avec elle. Il lui donna un lieu de rendez-vous dans la zone ouverte d'Eirism, éclairée seulement par la lueur de la lune.
Peu de temps après, Athesy réussit à échapper à Uran et les deux se retrouvèrent sur un banc, dans l'obscurité totale. Elle remarqua rapidement que son acolyte semblait inquiet et que l'urgence de la situation concernait la mission à laquelle elle venait d'assister.
Sans perdre de temps, ils abordèrent directement le sujet qui préoccupait le jeune homme. Il lui partagea les paroles de son colocataire de chambre, qui laissaient entrevoir des réponses potentielles suite à sa mission. Il ajouta qu'il ressentait un mauvais pressentiment, accentué par ses doutes envers son père.
— Peu importe les réponses, elles ne seront pas agréables à entendre, expliqua-t-il. Oléone pourrait prendre des mesures disproportionnées sur un coup de tête.
— Tu as peur qu'il trahisse Eirism ?
— C'est déjà le cas, n'est-ce pas ? Douter d'Eirism, c'est déjà dépasser les limites pour mon père. J'ai peur qu'il agisse de manière irréfléchie.
La réalisation des doutes grandissants concernant l'organisation qui les avait vus grandir et évoluer terrorisait la Lieutenante. Elle restait figée, ne sachant pas quelle réaction adopter face à de telles révélations. C'était le moment propice pour Orion de lui demander l'impensable.
— Je ne peux pas l'aider, mais je ne veux pas le laisser seul alors... Est-ce que je peux compter sur toi ? demanda-t-il d'une voix empreinte d'incertitude.
— Je ne m'imaginais pas que ce moment arriverait aussi vite... Je ne suis pas prête, je ne suis pas sûre de moi. Je ne sais pas si ça en vaut la peine, toutes les organisations cachent des choses, répondit-elle, désemparée.
Il mit sa tête entre ses paumes de mains, désespéré par cette situation imprévisible. Garder son calme était synonyme d'inconscience.
Observant le visage désemparé de son camarade, elle le regarda avec compassion. Elle voulait le réconforter, mais elle préférait jouer la carte de la prudence. Aucun mot ne pourrait être suffisamment réconfortant, seule son aide pouvait faire la différence. Elle s'excusa puis retourna se coucher, laissant son subordonné assis au même endroit jusqu'au lever du soleil. Orion s'inquiétait du retour de son binôme, espérant que son cœur s'ouvrirait à la possibilité de l'aider dans cette situation délicate.
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