Flirt

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Philippe et Luc entrèrent ensemble dans le club. Contrairement à d’habitude, le plus âgé se dirigea vers le bar. Le plus jeune sourit en voyant que c’était justement pour flirter un peu avec la femme qui s’en occupait. Fine et élégante, type européen, cheveux blonds. Tout à fait son genre. Il le suivit donc en cherchant lui-même du regard l’objet de ses désirs.

Elle était là, sur scène, défiant une fois encore les lois de la gravité. Il l’observa donc se mouvoir avec grâce autour de sa barre tout en commandant un Bloody Mary. Il répondait parfois à Luc quand cela s’avérait nécessaire mais continuait de reluquer sans aucune retenue le spécimen rare qui l’attirait depuis des mois désormais.

Il fut agréablement surpris de la voir se diriger ensuite vers le bar après sa performance. Cela lui permit d’ailleurs de la détailler sous une luminosité un rien moins tamisée. Il observa la jeune femme prendre une bouteille de Coca-Cola et la décapsuler rapidement pour se désaltérer tout en discutant avec sa collègue. Quand elle l’eut terminé, elle déposa la vidange dans un bac à l’entrée de l’arrière-bar avant de revenir pour reprendre son assignement de la soirée. Philippe continua de la détailler tout en buvant son verre.

Elle avait une peau beige qu’il pouvait qualifiée de parfaite. Et comme il en voyait beaucoup, il doutait sérieusement de se tromper. Ce soir-là, elle portait une sorte de bikini noir avec de fines bandes de tissus qui reliaient le haut et le bas dans des croisillons élaborés sans pour autant cacher sa délicieuse peau de pêche. Et elle avait également un porte-jarretelles en dentelle sombre qui tenait ses bas tout aussi noirs que le reste de sa tenue. En la voyant ainsi de plus près, Philippe remarqua qu’elle n’avait ni percing ni tatouage, ce qui se faisait rare de nos jours. Ses cheveux étaient aussi sombre que du charbon mais brillant et soyeux au point qu’il apprécierait certainement y glisser ses doigts.

Il sortit de sa contemplation silencieuse quand il sentit un coup de coude de la part de son frère. Il avait probablement remarqué depuis le temps qu’il avait des vues sur Angel.

— Icare, plaisanta Luc.

— Ne me cherche pas, frangin, prévint Philippe sans aucune animosité.

Il était au contraire même amusé.

— Ou je t’envoie sur Tatooine !

Luc ne fit que rire, nullement effrayé par la menace. C’était un vieux jeu entre eux. Ils se charriaient beaucoup mais ce n’était qu’une énième preuve de leur amour fraternel.

Philippe se tourna à nouveau vers Angel et découvrit enfin la vraie couleur de ses yeux. Deux beaux saphirs d’un bleu très clair, d’une insondable profondeur pleine de mystère. Il dut vraiment faire appel à tout son self-control pour ne pas bander sur le chant. Tout, absolument tout, chez cette jeune femme était parfait ! La question maintenant était : était-elle aussi délicieuse à entendre qu’à regarder ?



Esther tournoyait et bougeait dans tous les sens. Elle avait les yeux tournés vers la lumière qui l’éblouissait légèrement mais elle n’avait pas besoin de voir pour s’adonner à sa passion. Elle se laissait porter par la musique et se mouvait en rythme. Elle avait presque l’impression de voler. C’était grisant. Quand elle reposa le pied à terre, elle resta un moment immobile, reprenant un peu son souffle avant de sourire au public et de quitter la scène.

Elle remit rapidement ses lentilles de contact et se dirigea vers le bar. Elle y travaillait ce soir-là mais on aimait la voir. Elle le savait et prenait plaisir à montrer sa passion pour ceux qui l’arrachaient à son assignation de la soirée pou rune ou deux danses.

Elle retourna à son poste et se servit un Coca-Cola. Elle but la moitié de la bouteille d’une traite.

— Vas-y doucement sur le sucre, Angie, fit Pussy. Tu vas finir par être une pile électrique.

— Désolée, s’excusa la plus jeune avec un sourire. C’est juste … Il y a eu tellement de bruits ce matin dans la rue que je n’ai pas pu dormir. Je suis crevée.

— D’accord mais quand même ! Réduis ta consommation de Coca, tu veux bien ? C’est mauvais pour la santé.

— Oui, Maman, promis ! Plaisanta Esther.

— Et pendant que tu y es, Angie, tu peux me préparer cette commande pour la cinq ? Je dois porter ce plateau à la sept.

— D’accord, je te fais ça.

Elle prit le papier de commande et s’attela immédiatement à la préparation des différents cocktails avec un sourire.

— Icare, entendit-elle.

Apparemment, quelqu’un était encore tombé sous son charme.

— Ne me cherche pas, frangin, répondit une autre voix, suave, qu’Esther ne pensait plus jamais entendre, encore moins dans un endroit pareil. Ou je t’envoie sur Tatooine !

Cela aurait pu être juste un étranger qui avait la même voix et cela l’aurait juste surpris sur le coup pour rire ensuite. Mais là, il y avait la voix et la mention d’une planète de l’univers de Star Wars. Était-ce simplement une coïncidence ? Son visage se figea dans une expression accueillante et elle se tourna vers la source de la voix. Elle tomba sur deux orbes onyx et un visage encadré par des cheveux noirs qu’elle reconnaissait parfaitement.

Nom de Dieu ! Mais que faisait Mr Vandekerckhove, son ancien professeur de français ici ?!

Elle retint un soupir de soulagement en ne voyant pas son visage se déformer par une quelconque tension ou appréhension. De toute évidence, il ne l’avait pas reconnue et c’était très bien comme cela. Quoique … l’homme semblait la dévorer des yeux…

— Bonsoir, fit l’homme avec un sourire en coin, charmeur.

Esther versa lentement le contenu de son shaker dans une coupe et sortit une olive. Elle se concentrait pour rester tant bien que mal dans son rôle, son personnage au sein de L’Écarlate, et ne pas redevenir la jeune élève de quinze ans qui assistait à ses cours. Élève qui se faisait remarquer par ses mauvaises notes. Elle avait malgré tout refait sa troisième secondaire trois fois avant d’enfin pouvoir passer. Cela n’empêchait pas qu’à l’intérieur, elle angoissait légèrement. Elle ne s’était encore jamais retrouvée dans cette situation face à une connaissance. Comment expliquer cela ? Le voudrait-elle ? Le devrait-elle ? Elle ne savait vraiment pas quoi faire…

En attendant, elle n’avait toujours pas répondu à son ancien professeur et elle n’était pas réputée pour son manque d’accueil. Elle se rattrapa bien vite.

— Bonsoir ! Dit-elle avec un sourire éblouissant. Que puis-je pour toi, Beau Ténébreux ?

Elle devait admettre avoir légèrement exagéré en l’appelant ainsi mais c’était ainsi qu’Angel se comportait en temps normal. Elle devait aussi avouer que Philippe Vandekerckhove n’était pas aussi désagréable et froid en dehors du contexte scolaire. Bien au contraire, il se dégageait de lui une certaine chaleur et une joie de vivre qu’elle n’avait jamais perçue au lycée. A croire qu’il s’agissait de deux hommes complètement différents.

Et l’homme lui faisait un sourire encore plus grand maintenant qu’elle lui avait répondu.

— Me dire qui est Angel…, répondit Mr Vandekerckhove.

Esther sourit et secoua lentement la tête de gauche à droite. Tout le monde voulait savoir qui était Angel. Cela n’empêchait pas qu’à l’intérieur, elle se sentait toute drôle.

Son. ancien. prof. de. français. était. en. train. de. la. draguer.

Nom de Dieu…

— Comme tout le monde ici, répondit-elle en se penchant légèrement en avant, s’appuyant sur le bar. Mais je suis au regret de te dire que peu de personnes ont l’honneur de mettre un pied dans mon jardin secret.

— Voyons si j’en suis digne, proposa l’homme.

Esther le détailla un instant. Loin de son habituel costume trois pièces qu’il avait l’habitude de porter au lycée, Mr Vandekerckhove portait un jeans et une chemise de coton noire ou d’un brun très sombre dont les deux premiers boutons étaient défaits et laissaient entrevoir un léger duvet sur le haut de son torse.

Elle stoppa son observation du corps de son ancien professeur qui n’était pas trop mal pour un trentenaire, ou peut-être même déjà quadragénaire, pour ce qu’elle pouvait deviner sous ses vêtements. Elle n’était pas sûre de son âge. Il ne l’avait jamais mis en avant en classe. Elle releva les yeux et croisa à nouveau son regard noir et pénétrant.

— Montre-moi qui tu es et peut-être que je te dirais quelques secrets, fit-elle, légèrement aguicheuse.

Ce n’était pas cet homme qui allait changer sa façon de se comporter. Elle serait juste un rien plus … prudente dans ses propos car elle connaissait déjà certaines limites qu’il ne fallait absolument pas dépasser. Du moins, les limites de Mr Vandekerckhove, le professeur de français. Ici, devant elle, il y avait un tout autre Mr Vandekerckhove. Et qui n’était du tout déplaisant, qu’on se le dise !

— Ce n’est pas très équitable, fit remarquer Mr Vandekerckhove avant de prendre une gorgée de son Bloody Mary. Mais je m’en contenterai pour le moment, Angel.

Le sourire d’Esther s’élargit avant qu’elle ne doive s’éloigner pour préparer une commande. Quand elle revint, elle nota que le compagnon de son professeur, probablement un frère ou un cousin à bien y regarder, s’était emparé de son Sex on the Beach et s’était penché sur l’épaule du brun.

— Allez … Je te laisse à ton petit flirt, Phil, dit-il avec un sourire.

Il vit très bien la grimace que faisait l’homme en noir alors qu’il prenait plaisir à griller volontairement ses intentions. Esther nota le regard noir que son ancien professeur lançait à son camarade et pouffa discrètement derrière sa main.

— Je m’en vais observer quelques divines créatures par là-bas, termina l’homme en s’éloignant, laissant Mr Vandekerckhove devant son verre au bar.

— Tout le monde veut flirter avec moi, Beau Ténébreux, rassura Esther en revenant devant lui. Mais cela n’a jamais été plus que cela. Du flirt.

— J’ai une chance ? Demanda Mr Vandekerckhove au bout d’un instant.

Elle éclata d’un rire doux et clair.

— Tu es bien le premier à me poser la question, répondit-elle en essuyant une larme. Généralement, on me fait du rentre-dedans sans demander mon avis. Cela ne me dérange pas et je réponds volontiers. Cela occupe un peu mes soirées, ajouta-t-elle en haussant les épaules. J’aime bien jouer un peu. Mais comme je te l’ai dit, cela ne reste que du flirt. Même si beaucoup de personnes trouvent quelqu’un d’attirant en moi, je n’ai personnellement pas encore trouvé celui qui ferait battre mon cœur.

— Et qu’est-ce qui ferait battre ton cœur ? Demanda l’homme en se penchant un peu plus vers le bar, la tête penchée.

Esther, qui s’était resservie un Coca, but lentement, le regardant sans répondre dans un premier temps, une lueur énigmatique dans ses prunelles saphir. Elle lui fit à nouveau un sourire, révélant deux petites fossettes sur ses joues.

— A toi de me le dire, fit-elle, mystérieuse.

— Dois-je deviner ?

— Veux-tu te prêter au jeu ?

— Je relève le défi alors … My Angel …

Esther rit doucement sous la variante de son nom. Elle l’avait quelques fois entendue.

— A propos, je m’appelle Philippe mais mes amis m’appelle Phil.

— Enchantée, Phil, moi c’est Angel. Mais tout le monde m’appelle Angie.

Voilà qui pourrait être amusant… Qui était réellement l’homme derrière Mr Vandekerckhove.




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