La cabane
La porte était fermée. Pas la fenêtre. Il paraît qu'on entre pas chez les gens par les fenêtres, mais bon, les règles de la politesse ont leurs limites. Sinon en plus je frapperais mais là on est au comble de l'absurde.
Bon, allez Mono, assez de blague. J'entre dans ce qui semble être une cuisine. A la lumière clignotante d'une vieille lampe, j'aperçois un four, un frigo, un repas, des bouteilles, une chaudière, quelques cannettes. Et bien sûr, de la viande. Tout ce à quoi on peut s'attendre à trouver dans une cuisine de chasseur, quoi. Par contre la propreté ne semple pas être la priorité du propriétaire. Les assiettes s'empilent dans l'évier, une bouteille brisée git encore sur le sol et je n'ai jamais vu une table aussi sale. Bon, le fait que je n'ai pas vu beaucoup de table dernièrement doit jouer. Des mouches volent dans la pièce, parfaitement à leur aise. Je ne vais pas m'attarder ici. Je prend juste un petit morceau de saucisson. Il est parfaitement infect mais au moins je ne vais pas mourir de faim. Ce qui serait dommage, quitte à mourir je veux que ce soit avec panache.
Je pousse la porte, qui s'ouvre en grinçant, et continue mon exploration. J'arrive dans un couloir. La pâle lumière extérieure entre par la fenêtre, à travers les rideaux déchirée. Une minute... Quelle est cette musique ? Elle est très belle. Je ne savais pas le chasseur mélomane. D'ailleurs ça m'étonnerais fort, venant de cette grosse brute. Et si c'était...
La musique vient de ma gauche. La porte est entrouverte, assez pour que je m'y faufile. Un escalier descend dans ce qui semble être une cave. Il y a des sacs de coton entreposés partout. Et... une machine à coudre ? Etrange. Peut-être bien que le chasseur n'est pas qu'une grosse brute. Peut-être que c'est une grosse brute qui fait de la couture.
Je me suis rapproché de la musique, cela dit. Elle provient de l'autre côté d'une porte. Fermée cette fois. Et bien sûr je ne suis pas assez grand pour atteindre la poignée. Fichue taille... La porte n'est pas en très bon état par contre. Elle a des trous. Je m'approche et regarde à travers.
C'est elle ! La fille que j'ai vu ! Elle est donc réellement en vie ! Elle tourne la manivelle d'une vieille boîte à musique qui produit ce son charmant. Le chasseur la lui a t-elle donnée ? Si ça se trouve il est vraiment mélomane en fait. Enfin bon, c'est pas le moment de se poser ce genre de question, il ne manquerait plus qu'il débarque. Il faut que je la fasse sortir. Hum... il faudrait que je défonce cette porte. Enfin au moins le bas de la porte. Je tente d'appeler la fille. Mais elle ne semble pas m'entendre, plongée dans la musique. Tant pis.
Je regarde autour de moi. Tiens, cette petit machette, enfoncée dans une caisse en bois, devrait faire l'affaire ! Je prend la poignée de bois et tire de toute mes forces. Gnnnn... Encore un p... Hé ! Je me retrouve par terre, le manche dans la main et les fesses douloureuses. La lame est toujours fixement plantée dans le caisse. Bon... On va dire que je n'ai pas eu de chance, hein ! Trouvons autre chose. Tiens, je n'avais pas vu mais il y a une remise à côté ! Enfin c'est ce que j'en déduis lorsque je découvre le nombre impressionnant d'outils entreposé ici. Marteaux de toutes tailles, couteaux, pinces... imaginer le chasseur avec ça me donne froid dans le dos. Mais tout ceci est bien trop haut pour moi. Sauf... une hache, oubliée sur une table. Je tire sur le manche, qui dépasse, et la hache vient toute seule ! Super, j'ai trouvé ce qu'il me faut !
Je me rapproche de la porte avec mon arme, près à lui dire mes quatres vérité. A nous deux, porte ! Petite fille... désolé si je te fais peur. Dès le premier coup, la musique s'arrête. Je peux comprendre que voir une porte défoncée à la hache n'est pas très rassurant.
Après en avoir fini avec la porte, je lâche la hache et entre. Je regarde vite fait la pièce. Elle est presque vide, à peine quelques dessins à la craie pour égailler les murs en bois. Et une table, sous laquelle s'est réfugiée la fille. Je m'approche lentement, jusqu'à m'accroupir devant elle.
- Tu n'as rien à craindre. Tout va bien.
En signe d'amitié, je lui tend la main. Elle s'approche à quatres pattes, méfiante comme un animal blessé. Je sens qu'elle me jauge. Je tend ma main encore un peu plus. Elle lève la main, fait un geste pour la prendre... Puis me bouscule et se redresse en courant vers la sortie. Je me relève, tout penaud. Non c'est comme ça qu'on me remercie ? Ah bah sympa. J'essuie la poussière qui recouvre mon grand manteau marron qui m'arrive aux chevilles. Je devrais peut-être la rattraper.
Mais quelque chose attire mon attention. Sur le mur d'en face, un autre dessin à la craie représente... Une tour, avec une antenne. Se pourrait-il que... Bon. C'est sûr, je dois la rattraper. Je sors donc aussi. Je la vois en haut des escaliers. Elle m'attendait ? Hum, non, elle vérifiait sûrement si la voie était libre. Elle repart aussitôt.
- Attend !
Je la suis, grimpe les escaliers quatres à quatres. Enfin deux à deux, ce qui est déjà beaucoup vu la taille des marches. Je la poursuit dans le couloir. Elle va à droite, je ne sais pas ce qu'il y a de ce côté-ci... c'est probablement dangeureux. Tant pis ! Je ne peux pas la perdre de vue.
J'entre dans une salle. Mais je m'arrête presque aussitôt. Mon sang se glace. Il y a une famille à table, tous géants. Un grand-père, une femme, un garçon. Mais aucun ne bouge. C'est une famille... morte. Du coton sort d'un globe occulaire d'un garçon. Mon dieu... Le chasseur les a... Ah, mais qu'est-ce que je fais ! Pas le temps de penser à ça, la fille a déjà utilisée un tuyau d'aération pour passer dans une autre pièce !
Quittant cette scène d'horreur, je fais comme elle et atterri dans une salle recouverte d'un tapis. Une sorte de poignée pend du plafond. La fille saute et tire dessus de tout son poid. Mais la poignée bouge à peine. La fille retombe, déçue. Lorsqu'elle me voit elle a un mouvement de recul. Puis elle regarde la poignée. Puis moi. Et elle me chuchote :
- Puisque tu m'as suivi, tu pourrais m'aider, au lieu de regarder dans le vide comme ça ?
- Heu... "merci de m'avoir libérée", peut-être ? fit-je un peu pincé.
Je suis le seul qui a encore des règles de politesse dans ce monde ? Elle lève les yeux au ciel et ignore ma remarque.
- Je vais te faire la courte échelle, vas-y !
Bon... je suppose que ça sera pour plus tard, les questions. De toute façon, je suis bloquée avec elle maintenant, la porte à ma droite est cadnassée. Je monte sur sa main qui me hisse jusqu'à la poignée que... j'empoigne. Bon, visiblement mon poid non plus ne suffit pas. Alors me tirant par les pieds, la fille ajoute le sien. C'est douloureux, mais ça fonctionne ! Une échelle tombe, en même tant qu'un bon paquet de poussière. Elle doit mener à une sorte de grenier.
Un bruit étrange se fait entendre derrière la porte verrouillée.
- Vite, montons ! S'il nous trouve, on est cuit.
La fille hoche la tête et me suit. Je préfère quand c'est comme ça, j'en avais marre de lui courir après ! Le grenier est à l'image du reste de la maison : un capharnaüm. Des caisses de toutes tailles, des boites de concerve qui ne concervaient plus grand chose, des armoires, beaucoup de poussière... Bienvenue dans la maison du désordre.
Je m'assois près de la trappe d'où descend l'échelle pour guetter la porte, mais le chasseur n'est pas entré. Tant mieux.
- Bon. Puisque nous sommes bloqué ensemble, on pourrait faire connaissance ? je lance à la fille.
Elle se tourne vers moi, inexpressive. J'en profite pour mieux la détailler. De longs cheveux de jais, un nez fin, des yeux noisettes dans lesquelles brille une étincelles de détermination. Cette fille dégage à la fois une impression de fragilité et une étrange force.
- Je n'ai rien à te dire. répliqua-t-elle.
D'accord, elle est associable. Prévisible, mais ennuyeux. Ça va être plus compliqué que prévu. Je soupire.
- Ecoute, on est dans la même galère. On peut peut-être s'entraider, comme on vient de le faire ? Mais pour ça il faut un minimum de confiance. Comment tu t'appelles ?
La fille se mord la lèvre inférieure. Elle semble dubitative. Je m'apprête à lui dire mon propre nom pour la détendre mais elle lâche, presque malgré-elle, dans un murmure :
- Six.
Elle plante son regard dans le mien.
- Je m'appelle Six.
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