Une nouvelle alliée

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Six... J'aime bien, ça lui va bien. Enfin pas plus que quatre ou dix-huit à la réflexion. Je souris (réflexe idiot puisque j'ai mon casque de papier) et dit amicalement :

  • Content de te rencontrer, Six. Moi c'est Mono. Comme ça, ça fait sept !

Silence. Ma blague n'a pas le succès esconté. Au contraire elle est accueillie par l'air condescendant de Six. Pour détendre l'atmosphère, c'est raté. Aucun humour...

  • Parce que un plus six ça fait... Tu sais quoi ? Aucune importance.
  • Pourquoi tu portes ce sac en papier ridicule ? me coupe ma charmante interlocutrice.

Bon. Je suppose que c'est une question légitime. Mais ce n'est pas parce que c'est légitime que je vais y répondre. C'est le genre de truc que je préfère garder pour moi.

  • Excuse moi, mais... ça ne te regarde pas.
  • Je croyais qu'il fallait nous faire confiance, réplique Six froidement.

Aïe. Ce coup là, je l'ai mérité. Elle a raison. J'ai peur que ma réponse ne la déçoive, par contre.

  • C'est... C'est pour me protéger. Voilà.

Six hoche la tête.

  • D'accord. Bon, on bouge ?
  • Heu... ouais, j'arrive ! je balbutie.

J'avoue, je suis surpris qu'elle n'insiste pas plus, mais je ne vais pas m'en plaindre. A-t-elle vraiment compris ? Ou au contraire me prend-elle pour un malade maintenant ? Aucune idée.

Tout en avançant prudemment dans le grenier, je lui pose encore quelques questions.

  • Comment tu t'es retrouvée coincée ici ?
  • Je me suis enfui d'un manoir, j'ai été attrapée par le chasseur et me voilà. C'est un peu long à expliquer. Et toi ?
  • C'est aussi un peu long à expliquer.

Six eu un petit rictus et dit :

  • Je suppose qu'on a tout les deux des choses auquelles on ne souhaite pas parler. Inutile de faire semblant.

Je lui jette un regard surprit, puis j'acquiesce . Elle a visé juste. La glace est encore bien trop dure entre nous pour être brisée. Elle a sûrement des secrets inavouables et je ne suis guère en manque de ce côté là. Nous sommes des inconnus, ne faisons pas comme si nous étions meilleurs amis.

Nous marchons donc en silence. De toute manière je n'aurais pas pu parler après avoir vu ce que contenait le grenier. Outre le désordre habituel, je veux dire. Des sacs. Des grands sacs longiformes, tordus, pendus par des crochets. Et de l'un d'eux dépasse des pieds... Je me retiens de vomir.

  • On cherche quoi en fait ?
  • Une sortie, répond Six. Ou un moyen de sortir.

Six n'a aucune réaction en voyant ces sacs de cadavres. Si elle a des émotions, elle les cache bien ! Bon. Une sortie. La fenêtre, seul source de lumière dans ce lieu, est fermée et la poignée est trop haute pour nous. En me baissant à la recherche de quelque chose, je vois sous une commode un trait de lumière qui en dépasse.

  • Six, j'ai trouvé un truc, dis-je en me glissant en dessous du meuble.
  • J'arrive.

Je passe de l'autre côté. Et manque de vomir pour la troisième fois. C'est vraiment la maison de l'horreur, ici ! Je commence à avoir l'habitude des trucs morts et puant.... Mais pas de ce qui se dresse devant mes yeux.

Devant moi, assise sur une chaise, se tient une vieille dame empaillée... Enfin encotonnée. Mais faut-il vraiment un mot pour décrire cette horreur ? Son visage est mort, sa peau flasque et son dos courbé mais elle semble pouvoir se remettre à bouger à tout moment.

Six émerge de sous le meuble.

  • Tu as trouvé un truc intéressant ?
  • Une vieille dame....
  • J'ai dit intéressant.
  • Heu... oui, pardon... dis-je en détachant mes yeux de la femme.

Mon regard tombe sur le bras ballants de cette dernière (sans doute plein de coton aussi, beurk). Elle a le poing fermé, mais quelque chose de brillant en dépasse.

  • Ce ne serait pas une clé ?
  • Hum ? Ça se pourrait. Prend la dans ce cas.

Je prend la clé et tire dessus. Seulement le vieille dame est peut-être rempli de coton mais elle a une poigne de fer ! Je tire de toute mes force...

Et lui arrache le bras qui me tombe dessus.

  • Ah, beurk beurk beurk !

Je me débat au sol avec le bras. C'est vraiment infect ! J'arrive à jeter cette horreur loin de moi et à reprendre mon souffle. Six a un petit rire.

  • Chochotte, dit-elle en me tendant la main pour me relever.

Je la regarde, surpris. Serais-ce un trait d'humour qu'elle vient de faire ? Comme quoi on ne peut pas juger les gens sans les connaître. Je prend sa main.

  • Merci.

Elle hausse les épaules, le visage fermé. Bon, elle ne va pas non plus devenir amicale en deux secondes j'imagine. Je change donc de sujet pour éviter un blanc malaisant.

  • Tu sais ce qu'elle ouvre ?
  • Je sais pas, peut-être un truc fermé.

D'accord, ça pique. Elle a vraiment un sens de l'humour en fait.... un humour sarcastique et tranchant. La cohabitation va être difficile, tiens ! Je gromelle, un peu vexé :

  • Merci ça nous avance vachement...
  • J'étais prisonnière ici, je suis pas tenue de connaître toutes les serrures, rétorque-t-elle.

Elle n'a pas tort... Mais ce n'est pas ça qui va nous aider.

  • Peut-être la porte en bas, celle cadnassée ?
  • Mouais. On peut essayer, acquiese Six.

N'ayant pas de meilleure idée, j'accroche la clé (qui fait la taille de mes bras) à ma ceinture et nous descendons du grenier. Nous nous approchons de la grande porte verrouillée (enfin, grande par rapport à nous). J'hésite à l'ouvrir. Qui sait ce que nous trouverons de l'autre côté ? J'avoue que je ne suis pas très rassuré.

  • Vas-y, ouvre, fait Six derrière moi.
  • Pourquoi moi ?
  • Parce que c'est toi qui a la clé.
  • Ça se tient.

Six lève les yeux au ciel. Rassemblant mon courage, j'enfonce la clé dans le cadna et l'ouvre.

  • Bon, bah c'était bien ça...

Je respire un grand coup et pousse la porte. Je prend un air assuré. Il ne manquerais plus que Six me traite de froussard !

La porte émet un léger grincement. Nous avançons doucement, sur la pointe des pieds. Mais tout va bien. Ce n'est qu'une remise de piège à ours et d'autre joyeusetée. Mais un bruit provient d'à côté...

  • Regarde, me dit Six, il y a une ouverture en haut.

Je lève les yeux et en effet, il y a un petit trou dans le mur. J'hoche la tête.

  • Ok, suis moi !

Usant de toute mon agilité, je monte sur une étagère, bondit une caisse et saute jusqu'au trou. Je me retourne.

  • T'arrive à suivre, Six ?
  • Sans problème, réplique-t-elle en réproduisant mes gestes.

J'avoue... J'aurais préféré pour mon amour propre qu'elle n'y parvienne pas. Mais il vaut mieux s'en réjouir, elle a moins de chance de se refaire attraper ! Elle saura se débrouiller seule, je suppose qu'elle n'a juste pas eu de chance la première fois. Au fond de moi, ça me peine un peu. Je me serais bien vu chevalier servant, mais bon. Ma princesse sait se défendre.

Nous passons donc dans la salle d'à côté. Une odeur de viande séchée nous prend immédiatement les tripes. Autour de nous, ce n'est que cages, crochets et peaux de bêtes suspendues au plafond. Le son est aussi plus fort. Comment le décrire... On dirait que quelqu'un tire sur quelque chose de visqueux et repète ce geste encore et encore... Nous marchons prudemment.

Puis, au détour d'une étagère, nous apercevons la source du bruit.

Gavroche sur la tête, nous tournant le dos, le chasseur est là.

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