Magdalena
Nous nous étions rencontrés au milieu de la première année de Fac, lors d’une soirée organisée par l’un de nos amis communs. Magdalena était d’origine suédoise et ses cheveux blonds et ses traits harmonieux ne manquaient jamais d’attirer les regards – et les prétendants. Ce jour-là cependant, c’est avec moi qu’elle passa la majeure partie de la soirée, à notre plus grande surprise à tous les deux. Je ne peux pas dire que je ne l’avais pas remarquée, mais ma timidité de l’époque ne m’aurait pas permis de l’aborder comme ça, de but en blanc.
Au cours de la soirée, je suis allé chercher à boire dans la cuisine de ce petit appartement étudiant. Et en découvrant le réfrigérateur rempli à craquer de bières et autres boissons alcoolisées, j’avais lancé un « Groovy ! », à la manière de Bruce Campbell, dans Evil Dead 2, l’un de mes films d’horreur préférés des années 80. Je pensais être seul, mais j’ai entendu cette voix dernière moi me répondre avec « Hey, give me some sugar, baby ! ». C’était Magdalena qui venait de me servir une autre réplique culte de Bruce Campbell !
J’étais scié. Aucune fille de mon entourage n’allait voir ce genre de films. Quant à pouvoir en citer un dans le texte, ça frisait l’invraisemblance ! Et pourtant c’est comme cela que je fis connaissance avec Magdalena. La rencontre improbable de deux fans de films d’horreur devant le réfrigérateur d’une cuisine d’étudiants. Comme quoi l’amour prend parfois des chemins inattendus.
Ce soir-là, nous passâmes des heures dans cette cuisine, à nous raconter nos vies et à partager nos films préférés. Nous ne sortîmes pas ensemble la même nuit, mais cela ne tarda pas à arriver. J’appelais ça un coup de foudre, car bien au-delà du cinéma de genre, j’avais l’impression que nos personnalités se complétaient et se conjuguaient d’une telle façon que ça me donnait le vertige. Et vues comme les choses s’enchainaient entre nous, il ne fallut pas longtemps pour que nous ayons envie d’aller plus loin.
Jusqu’à là, il n’avait été aucunement question du « flux », qui n’aurait d’ailleurs rien apporté de plus à notre histoire. Et celui-ci ne me fut d’aucune utilité non plus, au moment de vivre ma première expérience sexuelle de l’amour…
C’est Magdalena qui avait fait le premier pas, en fait. Elle m’apprit plus tard qu’elle avait perdu sa virginité deux ans auparavant, ce qui en faisait une « experte » par rapport à moi. Nous nous étions retrouvés chez elle, un soir, dans sa petite chambre d’étudiante. Nous savions l’un et l’autre ce qu’il allait se passer et nous étions particulièrement excités.
Bon sang, après des années de fantasmes adolescents, le grand jour était enfin arrivé ! Et pas avec la première venue, non. Avec la belle Magdalena qui semblait tout aussi amoureuse que moi. Quel triomphe !
Et ce fut le fiasco.
La peur de ne pas être à la hauteur en cet instant solennel était-elle trop grande ? L’émotion trop forte ? Toujours est-il qu’au moment de passer à l’action, impossible d’avoir une érection. Moi qui avais plutôt craint que ce soit l’inverse et que tout soit terminé trop rapidement, j’en restais pantois. Je tentais de jouer la montre discrètement, en prétendant que je n’arrivais pas à mettre le préservatif correctement, mais je commençai à paniquer, ce qui n’arrangeait rien.
– Ça va ? me demanda Magdalena gentiment.
Nous avions éteint la lumière, mais je voyais sa silhouette dénudée se détacher à travers la pénombre de sa chambre sans rideau.
Non, ça n’allait pas. J’étais abasourdi. Je ne comprenais pas. J’étais à poil à côté d’une fille superbe que j’aimais et… Rien. La panne. La pénis-plégie. Un moment de solitude masculine absolue, sans équivalent. Parce que pendant ces secondes où la honte et la peur se mélangent à l’amour et l’excitation, il n’y a rien à quoi se raccrocher, ni flux, ni formule magique. Il faut ravaler sa fierté et, la queue entre les jambes, avouer qu’il y a un problème, que c’est la première fois, qu’on ne sait pas ce qu’il se passe…
Durant cet épisode qui frisait la castration mentale, Magdalena fut heureusement parfaite. Compréhensive, rassurante, là où d’autres auraient pu se braquer, me faire culpabiliser ou se culpabiliser et que sais-je encore. Et finalement, il ne fallut pas longtemps cette nuit-là, pour transformer ce fiasco initial en apothéose à récidives. Tout du moins, c’est comme ça que nous le prenions, car à bien y réfléchir ce ne fut pas notre meilleure « séance » !
Les jeunes adultes que nous étions pouvaient enfin découvrir les joies de la sexualité de couple, à mesure que notre relation mûrissait. J’en avais quasiment oublié mon histoire de flux et ça ne me gênait pas le moins du monde.
C’est à cette époque j’avais rencontré Mathias, qui allait devenir mon meilleur ami. La vie suivait son cours, entre nos études, nos sorties et tout le bon temps que l’on peut s’offrir durant ces années d’université.
Jusqu’au soir où les choses rebasculèrent.
(à suivre... prochain chapitre : obsessions)
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