Chapitre 1.4 : La chasse est ouverte 1/2

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– Lieutenant Novak ? questionna le technomancien.

Le militaire affirma d’un bref hochement de tête tout en sortant la plaque d’identification pendant à son cou. Il s’estima obligé de la montrer au technomancien, car ainsi habillé en civil, rien n’indiquait de façon évidente son identité. Même si à vrai dire, ses cheveux bruns tondus très courts et sa posture alerte, comme prête au garde à vous, ainsi que son regard affuté, trahissaient sa fonction de soldat.

– Inutile, commenta l’homme qui se dressait face à lui.

Novak se trouva un peu idiot en apercevant la timide lueur jaune se dégageant de sous l’ample capuche noire face à lui. Le scanneur rétinien du technomancien eu vite fait de confirmer son identité et en réalité, celui-ci avait plus cherché à attirer son attention qu’à sincèrement le questionner. Il invita alors le lieutenant à le suivre afin de rejoindre son appareil avant de le convier à s’installer dans l’habitacle arrière d’un vespiptère. L’engin volant s’ouvrait devant eux tandis que ses moteurs semblaient se remettre à bourdonner par simple volonté de son maître. Le militaire grimpa sans plus attendre, suivit de près par cet homme étrange, se cachant sous une ample bure couleur corbeau fendue à la taille.

Tous deux s’installèrent face à face, et c’est alors que le technomancien abaissa sa capuche, laissant paraitre son étrange nature. Il attrapa un câble serpentin sortant d’un panneau de contrôle situé à côté de lui et le connecta directement au port correspondant, inséré à même son crâne chauve. Il eut comme une secousse, un frisson mécanique. Sa nuque se raidit subitement, mais l’appareil bourdonna alors avec plus d’ardeur en décollant rapidement.

Le lieutenant Novak ne put s’empêcher d’inspecter l’homme assis en face de lui d’un air suspicieux. Sa tête s’ornait de nombreuses modifications technologiques, et la moitié inférieure de son visage était même masquée par un large respirateur artificiel accentuant le côté intimidant d’un personnage déjà énigmatique. En réalité, Novak se demanda même si cette créature appartenait encore à la même espèce que lui. Au moment même où cette question lui traversa l’esprit, il entraperçu une lueur bien humaine dans l’œil organique de son interlocuteur.

– Pardonnez-moi, Seigneur, s’excusa-t-il avec une pointe d’angoisse.

– Ce n’est rien. Rares sont les êtres du commun à avoir déjà vu de près ce que nous sommes réellement, et encore moins ce dont nous sommes capables. Nous comprenons votre fascination, ou même votre répulsion à notre égard. Vous n’êtes pas encore prêts à nous comprendre.

Le technomancien avait bel et bien raison, car quand on dit à Novak que ce serait l’un de ces hommes qui viendrait le chercher à la sortie de la gare il eut du mal à le croire. Pour le lieutenant, il faisait partie de ces choses vivant dans un monde presque parallèle au sien, inaccessible. D’ailleurs il n’avait jamais cherché à y pénétrer. Sa foi en l’Empereur était forte, mais il redoutait ses puissants serviteurs, eux qui avaient le pouvoir de vie ou de mort sur les humbles sujets tels que lui.

– Lorsque nous seront dans le Palais, ne vous adressez à personne en premier. Mais si on vous questionne répondez, reprit le cyborg à la voix dénuée d’émotion.

– Entendu.

– Ne vous éloignez pas de moi non plus. Si vous vous perdez dans les profondeurs du Palais, vous pourriez ne plus réussir à ressortir avant d’y mourir. C’est déjà arrivé par le passé. Même si nous avons renforcé notre vigilance pour éviter que cela ne se reproduise.

– Très bien…

– J’apprécierais également que vous gardiez vos questions pour vous.

Novak hocha humblement la tête. Il se savait bien insignifiant face au technomancien, mais aussi face à tous ceux qu’il croiserait dans le palais impérial et n’avait pas spécialement besoin qu’on le lui rappelle.

Le vespiptère fonçait toujours vers son objectif, guidé par la seule force d’esprit de l’homme-machine. Il ne faisait plus qu’un avec la créature de métal et de circuits qu’il dominait. Ce dernier laissa apparaître un hologramme reflétant ce que les capteurs et les caméras de l’appareil volant, comme autant de facette sur les yeux d’un frelon, percevait à l’extérieur. Novak s’abandonna alors à admirer le spectacle qui se jouait au dehors et retranscrit devant lui. Le technomancien, peut-être dans un élan de bonté, avait choisi de voler plus haut que nécessaire afin de lui faire découvrir le premier arrondissement d’une vue plongeante.

S’érigeait dessus le titanesque palais de l’Empereur qui en prenait toute la surface, dominant toute la mégacité d’Éminence qui s’organisait autour de lui en plateformes cyclopéennes dont le palais était la plus haute perchée. L’immense édifice d’inspiration néo romane resplendissait d’une intimidante aura divine. Son imposante architecture de métal aux innombrables vitraux multicolores reflétant la lumière de l’astre solaire pour rayonner comme un mont de joyaux, posé sur cette terne gigapole tentaculaire.

Rapidement, l’engin atterrit en vrombissant sur une aire d’atterrissage située au plus haut de l’une des milliers de tours du Palais. Les deux nouveaux arrivants débarquèrent en hâte et s’enfoncèrent d’un pas soutenu dans le gargantuesque édifice. Ils descendirent par un ascenseur interminable, puis arrivèrent à une station de métro suspendu. Le Palais était en effet si grand que le seul moyen de s’y déplacer rapidement et sans encombre consistait à naviguer à travers les grandes artères et les veines de ce réseau ferroviaire inextricables. Là s’entassaient bureaucrates, représentants du Culte, lobbyistes privés et autres fourmis grouillantes, toutes jugées indispensables au bon fonctionnement de la capitale comme des autres cités à travers l’Empire. Novak en fut quelque peu surpris. Dans son imaginaire, la demeure de l’Empereur-Dieu avait toujours ressemblé à un véritable lieu saint baigné d’une divine sérénité, isolée de l’agitation des simples mortels. Il devait se rendre à l’évidence, la réalité était bien plus terre à terre.

Après un long trajet ponctué de plusieurs changements de ligne, le technomancien indiqua enfin à l’homme qui le suivait que leur but était proche. Proche… à quelques dizaines de minutes de marche près, comme si le guide avait voulu perdre du temps. Novak déambula avec curiosité dans les hauts couloirs d’acier entrecoupés de halls où étaient érigés aussi bien générateurs que bureaux administratifs. Mais à chaque fois qu’il crut son périple achevé, le technomancien lui indiquait qu’il fallait encore continuer un peu, s’enfonçant toujours plus dans les tréfonds de ce dédale de fer, de verre et de marbre. Finalement, après un ultime couloir mal éclairé, ils débouchèrent sur une nouvelle salle.

Cette dernière était gigantesque, l’effet étant grandement renforcé par le vide oppressant qu’elle abritait en son sein, pas une seule âme n’y passant. Et dans cette immensité, les pas des deux intrus vinrent résonner gravement pour troubler ce silence pesant, quasi religieux. Ils s’avançaient face à une double porte colossale, moulée et finement travaillée dans l’or, le bronze, et dans un métal noir comme la nuit aux reflets orangés. Les deux battant étaient parcourus de bas-reliefs mettant en scène des combats opposant des légions d’hommes à des machines de guerre d’antan, et frappés de nombreux passage du livre de la Foi.

Un profond malaise s’empara de Novak. Il eut même une pensée paniquée en reconnaissant l’immense blason qu’arborait la porte. Un grand rouage ailé, sous lequel figurait deux lames de faux entrecroisées ; et au centre du cercle formé par le rouage, un crâne humain dont les orbites vides étaient surmontées d’un troisième œil accusateur et colérique, grand ouvert à la verticale sur son front d’os. Le lieutenant s’arrêta alors subitement, pris d’une hésitation grandissante. Il se tenait face à l’une des quatorze célèbres portes menant vers un lieu qu’il n’aurait pas cru fouler du pied un jour. Constatant qu’il n’était plus suivi, le technomancien se retourna.

– Si l’Inquisition vous suspectait de quoi que ce soit, vous n’auriez pas été convoqué avec tant d’égard, Lieutenant. Vous devriez vous en douter.

– Pardonnez-moi, Monseigneur.

Ils montèrent les quelques marches de marbre gris à veines blanches menant au bas de la gargantuesque porte. Le technomancien se figea face à une niche où un buste humain semblait profondément assoupi. Il patienta calmement, tandis que le technoslave de la porte sortait peu à peu de ses songes inhumains. L’étrange chose désincarnée inspecta de ses yeux cybernétiques les deux arrivants, les scannant à la recherche de leurs identités sur le Réseau. Novak ressentit une certaine gêne face à cette monstruosité technologique mêlant de la pire façon possible homme et machine. Puis d’une voix aussi morne que mécanique, le gardien du passage se manifesta.

– Frère rang inférieur deux Malaxus ; autorisation. Lieutenant Elias Novak ; convocation extraordinaire = autorisation.

– Contente toi d’ouvrir, nous somme pressés, s’impatienta Malaxus.

Novak ne sut dire si la chose encastrée dans son alcôve comprit le technomancien, mais elle tourna étrangement la tête dans un mouvement saccadé. Une discrète porte dissimulée s’ouvrit alors en coulissant. Elle laissait aux deux arrivants un espace suffisant pour traverser sans avoir à déranger l’immense portail doré. Une fois que fut traversé ce passage dérobé, Novak rebondit sur une nouvelle surprise. Un espace véritablement immense s’étalait sous ses yeux. Mais ce dernier contenait pour sa part une forêt de buildings ; émergeant du sol d’acier pour se fondre ensuite dans le si haut plafond de cette caverne artificielle. Ils formaient ainsi pour certains de véritables colonnes, traversant cet espace de part en part. Dans ce décorum se retrouvait également aux côtés de ces édifices imposants de grandes églises impériales ; tout comme des usines servant à alimenter la machine de guerre de l’Inquisition et ses besoins, ou encore des logements, des commerces, ou des transformateurs électriques alimentant l’ensemble.

Naissait ainsi une étrangeté, à la croisée des mondes industriels, bureaucratiques, résidentiels et religieux. Dans les rues et ruelles de cette nouvelle ville dans la ville, de nombreux technoslaves, quelques technomanciens et autres inquisiteurs, ainsi que pléthores de fonctionnaires s’agitaient en tous sens. Ils formaient une foule étrange que Novak et son guide Malaxus franchirent pour se diriger vers la plus impressionnantes de ces colonnes, située au centre du quartier.

L’immense bâtiment était frappé du sceau de l’inquisition, et bien que conçu tel un building, il arborait les traits d’une cathédrale impériale. Il se parait de grands vitraux colorés, de somptueuses colonnades, d’arcs solides et sobres, et de nombreux contreforts de soutient. On pouvait également compter plusieurs plateformes à drones construits en terrasse sur divers niveaux de la colonne, d’où des nuées de ces machines virvolantes s’agitaient dans un balai frénétique, se posant et décollant pour s’engouffrer dans les conduits percés dans ce ciel de métal. Il fallut encore marcher dans un vrai dédale, prendre deux ascenseurs différents, et passer deux contrôles d’identité pour finalement toucher au but. Sans un mot, Malaxus laissa le lieutenant face à l’une des innombrables portes d’un couloir sans fin.

– Vous ne venez pas ? questionna Novak en masquant son anxiété.

– Vous êtes arrivé à destination pile à l’heure prévue, et sans encombre. Ma tâche est accomplie, se contenta de répondre le technomancien avant de s’éclipser définitivement.

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