Le piaillement heureux d’une petite fille qui vint se cramponner à sa jambe, accueilli Novak dès qu’il passa la porte. Elle fut rapidement suivie par l’apparition curieuse de son frère presque adolescent.

 – Ça va papa ?

 – Pas mal, et toi mon grand ? reprit-il tout en attrapant sa fille pour la porter à son côté.

 – Ça va. Maman est derrière.

 Le garçon s’éclipsa alors, retournant à l’étage.

 – C’était comment où t’étais ? questionna innocemment la petite.

 – La capitale ? Grand. Très très grand.

 – Plus que sur les holo ?

 – Plus encore ! Allez, file.

 Novak reposa alors sa fille qui retourna à ses occupations dans le salon. Il se mit alors à la recherche du dernier membre de sa famille. Le militaire traversa la maison, puis ouvrit discrètement la porte arrière qui donnait sur un petit portique en bois. Une femme se tenait sur un banc, occupée à dessiner. Dès qu’elle sentit la présence du nouvel arrivant elle posa son crayon et se leva pour enlacer son mari.

*

 La soirée se passa à merveille, dans un de ces moments en famille que le lieutenant appréciait tant. D’ailleurs, lorsqu’il passait la porte, il n’y avait plus d’escadrons de chasseurs alpins, plus de lieutenant Novak. Simplement Elias, heureux père de deux enfants qui avait su faire un bon mariage avec une femme qu’il aimait réellement depuis de nombreuses années. Si son travail consistait le plus souvent à traquer puis éliminer les barbares, il laissait ces histoires sanglantes derrière lui pour profiter de ceux qu’il faisait vivre en servant l’Empire de la façon pour laquelle il était le plus doué. La vie n’avait pas été tendre avec lui, les tueries avaient rythmé son quotidien bien avant son entrée dans l’armée. Il lui arrivait encore de se remémorer les bas-fonds, parfois. Et ces foutues tours qui le narguaient de leurs sommets hautains, perchés dans les cieux, lui qui rampait et se battait avec la vermine dans les ordures. Bientôt, il commettrait son dernier massacre, du moins en théorie. Il attendit donc que les enfants aient quitté la cuisine avant d’aborder le sujet avec son épouse, Gaëlle.

 – Tu es au courant pour les Martiens ?

 – Tout le monde n’a parlé que de ça aujourd’hui. C’est lié à ta convocation à la capitale, évidemment. Sinon pourquoi tu reviendrais avec eux ?

 – Ils ont une importante mission à accomplir et on m’a demandé de les guider, avec mes gars. Mais je ne peux pas t’en dire plus.

 – Je vois… Quelque chose de très dangereux j’imagine.

 – Non, pas tant que ça, modéra Elias. Je pense que ça ira. Ce dont j’ai peur, c’est le temps que ça pourrait mettre. Les montagnes sont vastes et ce qu’il cherche est sans doute bien caché. Vu qu’il n’y a que nous dans la région, ça pourrait prendre un moment.

 Gaëlle ne répondit plus. Elle débarrassait la table comme à son habitude, mais tentait cette fois-ci de masquer au mieux son anxiété. Elle savait quand son mari lui mentait. La simple présence des Martiens trahissait le caractère dangereux de l’opération à laquelle Elias devait prendre part. Il lui attrapa doucement la main et la fixa dans les yeux.

 – Ça ne sera pas pire que d’habitude. Et après, il y aura de la promotion pour moi.

 – De la promotion ? Raconte.

 – Services secrets, à Éminence. C’est une grosse avancée sur salaire. Et statut social aussi.

 – Et puis Balder et Aline auraient droit aux meilleures écoles du monde si on habitait les Hauteurs…, songea tout haut Gaëlle. Ils pourraient avoir l’avenir qu’ils veulent.

 – Et pour ça, tout ce que j’ai à faire c’est de balader les extra-terriens quelques temps.

 Elias passa son bras autour de la taille de sa femme pour l’enlacer.

 – Crois-moi, tout ira bien. On pourra se construire un bel avenir, à nous et aux enfants.