Chapitre 2.7 : L'assaut

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 Le duo avançait à grande foulée dans l’obscurité de la nuit. Heres et Doren évitaient la clarté argentée de la lune en se cachant dans l’ombre des grands sapins. Avançant sans se reposer, ils espéraient rattraper Clovis avant que ce dernier ne commette l’irréparable. Mais cet espoir mourut dans l’écho fracassant d’un tir déchirant la tranquillité nocturne.

 Très vite, les deux amis pressèrent le pas. La symphonie du plomb et de la poudre ricochait violemment entre les abruptes montagnes. Surplombant sa cible, Clovis s’était trouvé un abri rocheux d’où lancer son attaque. S’il avait pu profiter de l’effet de surprise pour mettre hors combat deux ennemis, il se retrouvait maintenant pris au piège derrière son amas de rochers. Il ne pouvait plus le quitter, au risque de se faire abattre à son tour.

 Heres et Doren arrivèrent de l’est, tandis que leur imprudent compagnon s’était posté au nord du campement, sur un versant dominant le campement en contrebas. Doren ouvrit rapidement le feu à son tour tandis que Heres pressait le pas vers l’ouest afin rejoindre une position plus proche de leurs ennemis. En attaquant l’ennemi sur plusieurs fronts ils espéraient ainsi avoir une chance de le déborder. L’avant-poste des hommes d’Ötztal était solidement gardé et équipé. Il se constituait d’antiques ruines et deux tours de guet, entourés d’un haut mur de bois et de pierres parcourues de fils barbelés et autres pointes acérées largement dissuasives. Ce qui n’empêcha nullement Clovis de tenter sa chance.

 Les minutes passaient, aucun camp ne semblait prendre l’avantage. Clovis et Doren continuait à maintenir la pression sur un groupe bien décidé à rester à l’abri de ses murs. Mais de son côté Heres continua à se faufiler discrètement jusqu’à l’autre extrémité de l’avant-poste, en masquant son avancée sous les ombres complices de la forêt.

 C’est alors qu’il la remarqua, cette discrète porte dissimulée entre deux ruines, et que plus personne ne gardait. Dans la panique celui qui en avait la charge avait dû se joindre à ses compagnons tenant la grande porte et les tours attaquées. Une grave erreur que le jeune chasseur comptait bien utiliser. Il s’en approcha rapidement, puis tenta de l’escalader en prenant soin de ne pas se faire piéger par le barbelé qui la surplombait. Se laissant retomber de l’autre côté, il commença par dégager la lourde barre en métal bloquant l’ouverture de cette dernière. De cette façon il pourrait ressortir de la gueule du loup rapidement, pensa-t-il. Il progressa enfin dans le camp adverse. Heres se faufilait dans l’obscurité afin de ne pas se faire remarquer. Tous ses ennemis s’agglutinaient sur les barricades nord et est, là même où Doren et Clovis continuaient leur exercice de harcèlement en tirant à intervalle régulier, mais ne parvenant plus à toucher qui que ce fut.

 Heres continua à s’enfoncer dans le camp adverse et entra dans un vieux bâtiment à moitié en ruine, construit là quelques siècles plus tôt. Ses pièces et couloirs étaient déserts, mais le jeune homme tomba sur plusieurs salles qui retinrent son attention. Y était entreposé une grande quantité d’armes de toutes sortes ; aussi bien des lames et des haches, des arcs, que des fusils de fortune ou des explosifs artisanaux. Ces derniers étaient entreposés en quantité suffisante pour percer une nouvelle galerie de mine. Les Ötztaliens avait combiné un nombre record de charges explosives à d’ancestrales bombonnes gazières capable de provoquer chacune une violente détonation. Où avaient-ils trouvé ces bombonnes encore intactes ? Le mystère resterait entier.

 Il aperçut aussi un hôpital de campagne et le garage du bâtiment était rempli d’antiques véhicules à moteur à combustion remis en état de marche approximatif. Le jeune chasseur comprit alors : les tribus ötztaliennes s’étaient bien préparées. L’attaque de La Motte n’était que le prélude à une guerre d’anéantissement. Cet avant-poste à la bordure du territoire des tribus était conçu pour être l’un des points de départ de cette invasion. Et cela, Heres ne pouvait l’ignorer.

 Heres attrapa plusieurs explosifs artisanaux, tenta de les manipuler avec précaution de ses mains tremblantes. Tout en essayant de garder son calme, il traîna quelques bombonnes de gaz à travers les couloirs tranquilles et les plaça en divers endroits du bâtiment, et même sous les véhicules du garage. Il agit aussi vite que possible, traînant à bout de bras plusieurs bombonnes quand cela était possible, de peur qu’on ne le surprenne, puis retourna dans le dépôt principal. Une chance pour lui, personne ne vint le déranger durant les longues minutes de son intervention. Sans doute la majorité des guerriers ennemis étaient-ils eux-mêmes en train de chercher de telles installations sur le territoire de sa communauté. Ne restait qu’une maigre garnison déjà trop occupée.

 Alors que dehors les tirs reprenaient encore et encore en un échange constant, il sorti de sa poche un vieux briquet à huile et alluma la mèche de l’un des explosifs avant de se jeter vers la sortie. Il détalla à travers le camp ennemi sans même plus prendre la peine de se cacher et fonça vers la porte arrière. Un homme l’aperçut alors, mais il fut très vite mis à terre par la violente explosion qui creva le bâtiment principal. Le souffle balaya le campement, il fit même tomber Heres à la renverse. Le jeune homme se releva rapidement pour sortir de l’avant-poste et aller se fondre dans l’obscurité des bois.

 Après une difficile ascension du versant est, lui et ses deux frères d’armes se retrouvèrent sur les pentes d’où ils purent admirer les flammes dévorer peu à peu le camp ennemi. De nouvelles explosions plus timides que la première venaient achever le travail commencé. Le feu chassait la tranquillité de la nuit, tout comme les cris horrifiés des guerriers d’Ötztal tentant en vain de contenir le brasier qui avait déjà emporté tout leur matériel. Ne prenant pas plus de temps pour admirer le spectacle, le trio se pressa de regagner son territoire avant que l’ennemi ne se mette en tête de les poursuivre.

 La course fut éreintante. Les trois jeunes hommes firent enfin une pause indispensable. C’est à ce moment que Doren écrasa lourdement son poing sur la pommette de Clovis qu’on crut voir décoller sous la force du choc. Heres le retint alors, persuadé que ce premier coup de poing n’était qu’un prélude à la colère du géant.

 – T’as failli te faire butter. Et nous avec !

 – C’est la guerre, répliqua le gringalet. Faut savoir prendre des risques.

 Doren pesta, avant de s’éloigna. Heres joua comme à son habitude le rôle d’arbitre entre ses deux amis aux allures de rivaux. Il releva finalement le jeune homme toujours au sol. Clovis, frottant son visage endolori, s’adressa à son ami.

 – T’as sacrément assuré, Heres ! Comment t’as réussi ça ?

 – C’était plus facile que je l’aurais cru. En fait le bâtiment était truffé de munitions et d’explosifs. Ils allaient sans doute s’en servir comme base d’où lancer plus d’attaques.

 – Alors j’ai bien fait.

 Les deux se remirent en chemin, suivant Doren qui marchait devant avec une belle longueur d’avance.

 – Tu sais, au fond tu lui as faits vraiment peur, reprit Heres.

– J’ai agi au mieux. Si j’avais pas suivi ces types, on aurait pas trouvé cet avant-poste. Et le prochain village détruit aurait pu être le nôtre.

 – Je comprends. C’est juste que lui comme moi, on aurait préféré que tu ne nous force pas la main.

 – Ce qui est fait est fait, tempéra Clovis. Et crois-moi, on a assuré. Je sais que pas loin de cette base, ils ont un village. Avec le bordel que t’as mis, ça va bientôt grouiller de frelons impériaux. J’imagine déjà la gueule de ces bâtards avec une nuée de vespiptère au-dessus d’eux !

 – Alors tu as monté ton coup en espérant que ce soient les escadrons qui se chargent d’eux…

 Clovis avait toujours eu un côté rusé, voir même retord. Mais aller jusqu’à manipuler ses propres amis et leur pire ennemi pour en écraser un autre. Heres ne savait dire si c’était du génie où du sadisme à l’état brut, sachant le sort que réserveraient les impériaux aux villageois, femmes et enfants compris. Mais après tout, les assemblées tribales n’avaient pas beaucoup plus de pitié envers les vaincus. C’était l’un de ces traits caractéristiques à son espèce qu’il trouvait le plus méprisable : la cruauté ; enfantée par l’ingéniosité, mise au service de la méchanceté. Et Clovis ne manquait ni de l’une, ni de l’autre, chose que Heres trouvait la plus misérable chez son ami.

 – Comme je l’ai dit, nous sommes en guerre, termina Clovis avec un léger sourire satisfait.

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