Chapitre 3.6 : Désolations 2/2
Avec un effroi non dissimulé, Heres attrapa la tête de son père adoptif qui le fixait avec insistance. Le jeune homme se cru en plein cauchemar, car ce qu’il avait sous les yeux ne pouvait être qu’issu d’une mauvaise farce jouée par un esprit léthargique. Et pourtant, les restes du cyborg s’adressèrent à lui, tenus par ses mains tremblantes.
– Écoute attentivement mon garçon. Il me reste très peu de temps devant moi.
– Harbard !? C’est impossible… Où est Thalie, elle va bien ?
– Ferme-la et écoutes !
Heres se tut aussitôt, écoutant attentivement la tête parlante qu’il tenait face à lui sous les yeux médusés de ses deux compagnons.
– Tu dois te cacher. Sous mon lit, tu trouveras une grande malle. Dedans, il y a une carte de la montagne, et les coordonnées d’un véhicule. Je l’ai modifié pour qu’il soit aussi simple à manier que possible.
– Et pour Thalie ?
– Vous allez utiliser cet engin pour vous rendre aussi loin que possible. Vous devez atteindre Varheim, et y trouver un passeur du nom de Karl. Tu lui diras que tu viens de ma part et qu’il doit te conduire aussi loin qu’il le peut vers l’est. C’est compris ?
– Où est Thalie ? insista encore Heres sans même le réaliser.
– Tu ne peux plus rien pour elle ! Alors fuis ! Je t’en supplie.
– Dis-moi simplement ce qu’elle est devenue. Je t’en prie…
L’œil encore valide de Harbard s’emplit d’une tristesse humide. Les robots pouvaient-ils vraiment pleurer ? Il se décida à répondre.
– Ils l’ont emmené. C’est fini pour elle… Maintenant tu dois penser à toi. À te mettre en lieu sûr.
– S’ils l’ont emmené ce doit être à Vaduz…, conclut le jeune homme d’un air lugubrement songeur.
– Heres ! Promets-moi que tu vas faire ce que je te demande. S’il t’arrivait malheur, j’aurai complétement échoué…
Harbard n’eut jamais le temps de finir cette discussion, ni de répondre à aucune des trop nombreuses questions qui se bousculaient dans la tête des trois jeunes gens. La dernière lueur de vie tapis dans son œil s’évapora, c’était fini. Heres serra la tête inanimée contre sa poitrine battante de douleur. Le jeune homme meurtri serra les dents, mais ne put s’empêcher de laisser échapper un sanglot et perler sur ses joues quelques larmes en reniflant, alors que ses doigts plongeaient avec force dans la chevelure de Hardard. Il tenta de rester digne, et par égard pour lui, ses deux amis se murèrent dans le silence, malgré l’avalanche d’émotions que pouvait susciter cette dernière révélation bouleversante.
Après quelques longues secondes il se releva, et alla poser avec respect la tête sur le vieux fauteuil usé de son propriétaire. C’est là que le médecin aimait se détendre tout en triturant son vieil holotab. C’était l’image que le jeune homme voudrait garder de lui : celle de cet homme peu commun et bienveillant, avachit dans son fauteuil, holotab en mains.
– On fait quoi maintenant ? questionna finalement Doren.
Heres sécha les larmes qui dégoulinaient sur ses joues et renifla un bon coup. Se forçant à rester droit et fier, il se tourna vers son compagnon, son poing serrant l’écharpe verte de Thalie.
– Je ne laisserai pas ma sœur à ces fils de putes… Je prends la carte, le véhicule, et direction Vaduz.
– Ok. J’te suis.
– Tu n’es pas obligé Doren…
– Mais je veux le faire ! Regarde autours de toi, maintenant c’est nous trois contre le reste du monde. Pas question de se séparer.
Heres se força à sourire, puis se tourna vers son deuxième ami.
– Je peux enterrer mes parents ? demanda Clovis d’une voix désincarnée.
– Le temps presse, et ça risquerait de nous ralentir, osa lui répondre Doren en se voulant compatissant malgré tout.
– Tu n’es pas obligé de venir. Ne te sens pas forcé, reprit Heres.
– Bon. Je viens.
Le trio rassembla en vitesse quelques affaires pour le voyage, dénichées au milieu de ces monts de cendre sanglants. Ils disaient adieu à ce foyer qu’il avait tant aimé ; enterraient à jamais une vie. Ils reprirent alors la route de la surface par leur passage secret.
De là il fut facile pour eux de trouver le véhicule caché par Harbard grâce à sa carte. Un étrange engin à hélice, ressemblant très vaguement aux vespiptères de l’Empire. Sans doute une version archaïque de cette technologie. Comme indiqué par le scientifique, la machine fut rapide en prendre en main, et simple d’utilisation grâce à une série de programmes automatiques. Après un décollage un peu chaotique mais réussi, ils s’envolèrent en direction de l’ouest.
***
L’obscurité régnait à présent sur les restes calcinés de ce qui fut autrefois un village plein de vie. Subsistaient çà et là quelques lueurs rougeoyantes, des braises ardentes luminescentes comme autant de lucioles destructrices. Plus rien ne bougeait dans les ombres enveloppant ce cimetière, à l’exception de cette curieuse silhouette squelettique qui déambulait à travers les rues décharnées.
Un squelette de métal, errant dans la pénombre, qui s’avançait jusque dans ce qui fut autrefois le foyer de celui qui le ramena à la vie, des années auparavant. Le droïde inspecta l’entrée, puis la cuisine, avant de se rendre dans le coin salon. Il y tomba nez à nez avec la tête reposant dans le gros fauteuil constitué de bric-à-brac. La chose de métal restât plantée là, l’air abrutie, attendant docilement un ordre qui ne viendrait pas.
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