Chapitre 8.2 : La porte des mondes

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 – C’est parce que ces saletés de puces sont reliées à notre troisième œil que le Grand Rabats-la-Joie contrôle son monde. Impossible de rêver plus haut que ce qu’il nous dicte !

 Maddax avait déjà raconté sa théorie une bonne demi-douzaine de fois ces deux dernières semaines. Le roi des fous parlait souvent en paraboles, ses métaphores se faisaient toujours plus obscures et interminables. Il commençait à être gonflant.

 – Sinon, comment va Novak ?

 – Oh bien, bien. Plutôt bien. Un petit manque de sensibilité à la jambe gauche, rien de méchant !

 Heres soupira. Peut-être était-ce du soulagement, il n’aurait su l’affirmer.

 – Et les autres ?

 – Ton ami le balèze va bien. Il s’entend avec tout le monde, il a la cote. C’est pas le cas du petit rouky. Les gens le trouve étrange, très taciturne.

 Un mot qui n’aurait jamais pu être employé pour décrire Clovis. Pas avant ce qui s’était passé, au village. Heres aurait aimé en parler avec lui plus tôt, mais pour dire quoi ? Il était plus utile ici, à chercher ses réponses.

 – Ta petite équipe commence à s’impatienter, informa le roi tout en sortant de sa besace quelques provisions. Et c’est pas très bon de rester seul aussi profond pendant trop longtemps.

 Il envoya à Heres un bout de viande séchée que le garçon ne réussi pas à rattraper. Il tomba sur le sol humide.

 – T’en fais pas, j’ai l’habitude. Petit je me cachais souvent dans les galeries pendant des journées entières, raconta Heres.

 Il ramassa la viande qu’il essuya sur sa veste avant de mordre à pleines dents. Les secondes défilèrent, le clapotis des gouttes d’eau s’écrasant au sol seulement perturbé par leur mastication.

 – Et qu’est ce que tu y faisais, dans tes fameuses galeries. La cueillette aux champis ?

 – Je fuyais.

 – Quoi donc ?

 – Harbard.

 Le nom tomba comme un pavé dans une mare. Heres ne l’avais jamais dit à personne, sauf à sa sœur.

 – J’ai toujours su. Il nous empêchait de nous souvenir, mais je savais. On n’est pas pareil, moi et Thalie.

 Pour une fois, Mad ne trouvait rien à redire. Deux semaines depuis sa rencontre avec l’oracle. Le roi des discordiens passait de temps en temps le ravitailler en nourriture et huile pour les lampes. Plus de questions que de réponses, c’est tout ce qu’il avait gagné en restant terré ici. Lorsqu’il ne s’entrainait pas ses pensées allaient vers sa sœur toujours captive, et les inquiétudes se tapissaient dans l’ombre, en embuscade. Et pourtant Heres était en paix, du moins pour le moment.

 – J’ai une question à propos des autres mondes.

 – Je t’écoute mon garçon !

 – Comment on y accède ?

 Maddax prit une grande inspiration, Heres se prépara à son interminable tirade. Après tout, c’est lui qui l’avait cherché.

 – Par le troisième œil justement. On appelle aussi ça la glande pinéale. La puce qu’on a fait enlever au comique de service à plusieurs utilités, dont celle de nous faire accéder aux autres réalités de l’Alterworld. C’est un réseau de réalités virtuelles, connecté à une source d’énergie gargantuesque pouvant générer une quantité infinie de sous-espaces créés par ses utilisateurs. C’est une version largement améliorée du Réseau de l’Ancien-Monde.

 – Et cet « Alterworld », il est géré par l’Empire.

 – Pire encore, par l’Empereur en personne !

 Heres mastiqua en silence. Ce type était à la fois guerrier légendaire, messie, administrateur omniscient d’une technologie aux frontières impossibles. Peut-être était-il réellement un dieu après tout.

 – Et pour ce fameux vide entre les mondes, dont se réclament les Arpenteurs ?

 – Qui t’en a parlé ?

 – Peu importe, trancha le jeune homme. Qu’est-ce que c’est ?

 – Du vide pas vraiment vide. C’est difficile à définir.

 – Et c’est quoi le rapport avec les Arpenteurs ?

 – C’est là que se cachent un bon paquet d’opposants à l’Empire. Mais c’est très dangereux, l’humain n’est pas fait pour y séjourner. En fait beaucoup de gens, même loyalistes, y voyagent. Un haut fonctionnaire comme un simple citoyen peut très bien s’y balader sans forcément être contre le pouvoir en place.

 Heres restait perplexe.

 – Ton explication n’a pas de sens.

 – Que veux-tu que je te dise de mieux ? En soit on est tous des Arpenteurs. Il n’y a qu’une partie des gens qui le font qui s’en réclament si franchement.

 – Je ne comprends pas à quoi ça sert de faire ça. Pourquoi ?

 Maddax haussa ses épaules de fil de fer avec une moue compatissante.

 – L’air frais te manque pas trop ? demanda-t-il.

 – Si. Mais j’ai encore des choses à faire ici.

 Ils échangèrent encore quelques banalités, avant que Maddax ne comprenne qu’il devenait gênant et ne s’éclipse par le sombre escalier menant aux étages supérieurs. Malgré son excentricité, il était le meilleur candidat pour lui rendre visite. Doren l’aurait trop facilement distrait, Clovis aurait insisté pour rester auprès de lui en voulant l’aider.

 Mais ce chemin, il se devait de l’arpenter seul. Oracle ou non, Heres était déjà sur la voie du retour au réel, ses souvenirs d’une autre vie se bousculaient dans son sommeil. Sa rencontre avec le vieillard n’avait fait qu’accélérer le processus. Chaque nuit apportait un fragment de plus au miroir brisé de ses souvenirs, chaque jour le transformait davantage. Il sortirait très prochainement de sa caverne pour demander des comptes.

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