Tired
Troisième soir sur l'île, Orion profitait toujours autant de cette rencontre privilégiée avec la nature. Il s'était construit un abris à l'orée de la jungle pour dormir en toute tranquillité. Mais son moment préféré restait tout de même les soirées sur la plage.
Il pouvait veiller tard pour en profiter. De toute manière, il n'avait pas besoin de dormir énormément pour récupérer. Et ses journées étaient minimalistes. Aller chercher de l'eau à la rivière, récupérer quelques fruits sur le chemin, améliorer son campement et enfin un peu de chasse ou de pêche.
Il savourerait chaque instant passé sur l'île puisque ses parents feraient tout pour le retrouver. Sans compter les parents des autres. Et ceux-là seraient encore plus pressés de retrouver leurs enfants inaptes à la survie.
Non se dit-il, il n'y a aucune raison de se prendre la tête.
C'est alors qu'il la vit ! Aussi impensable que cela puisse paraître, celle dont le visage le hantait en permanence arrivait en titubant vers lui.
Partagé entre l'amour dictée par son cœur et la haine imposée par son cerveau, il hésita. Très peu toutefois. En un instant, il l'a soutenait et l'emmena près de son feu de camp. Elle était très faible. Il pût entrevoir ses yeux rouges de larme et sentir ses mains froides.
Keiko se tenait là, près de lui. La vie était vraiment ironique. Etre à cet endroit de rêve avec la personne qu'il aimait tant et détestait tout autant.
Il lui laissa le temps de se rassasier avant d'entamer la conversation. Sans réellement être pressé de lui parler, il l'avait toujours considéré comme une jeune écervelée. Juste prête à faire la fête mais sans discussion intéressante. D'ailleurs comment pouvait-elle être dans un état aussi lamentable en seulement trois jours ?
- Je vais bien lui dit-elle dans un chuchotement.
Il en fût troublé, Keiko pouvait-elle lire ses pensées à travers le mur de son visage ? Comme s'il ne pouvait cacher ses secrets. Quoiqu'il en soit ce n'était qu'un mensonge de sa part. Avec une telle perspicacité, la jeune écervelée serait-elle une formidable manipulatrice ?
- Tu es étonnamment silencieux pour quelqu'un qui est resté seul !
Orion regarda autour de lui, toujours en proie à ces sentiments contraires. Devait-il lui avouer son amour ou son mépris ?
- Tu sais que mes parents nous retrouveront. Cela peut prendre quelques jours mais ils y arriveront. Leur fille unique ne peut disparaître alors pourquoi ne pas profiter de ces instants ?
- Peut-être parce que tu vas te reposer sur mes propres capacités. Regardes toi ! Tu as vraiment l'air misérable. Ta seule capacité a été de me retrouver, sans quoi tu n'aurais probablement pas réussi à tenir jusqu'à leur arrivée. Alors dis moi de quoi tu veux profiter? Je ne compte pas devenir ton intendant. Tu veux profiter ? Mais ne comptes surtout pas te prélasser. Ton arrogance est plutôt mal placée en ce moment et tu ferais bien de redescendre de ton petit nuage qui t'a si bien protégé toute ta vie. Endors toi ici, près de ce feu, tu seras en sécurité et nous discuterons demain.
Orion se leva et partit fâché. Contre cette prétentieuse qui tenait à peine debout et qui espérait déjà se faire servir. Et contre lui-même, comment avait-il pu lui parler ainsi ? Les conséquences seraient à la hauteur de son hostilité.
Keiko fût choquée. Comment pouvait-il lui parler comme cela ? Ce petit con qui ne venait même pas de son monde. D'ailleurs, elle n'avait pas compris pourquoi il était invité sur l'Atlantis.
Elle était toujours aussi fatiguée mais le repas lui avait redonner un second souffle. Et le discours d'Orion, une claque. Sûrement la première de sa vie d'ailleurs.
Maintenant qu'il était parti, elle décida de fouiller dans ses affaires, elle trouva un paquet de tabac. Cela lui avait manqué.
Elle roula une cigarette et l'alluma. Le retour de nicotine dans son être lui procura un nouveau sentiment de soulagement mais embrouilla également son esprit. Un sevrage de trois jours était de trop pour elle.
La tête qui tournait, elle finit par lâcher prise. Le crépitement du feu, les braises qui tournoyaient au dessus, le sermon d'Orion et toujours cette mélodie interminable eurent raison d'elle.
Attendre en marge de la société qu'elle chérissait tant était plus qu'une épreuve. Elle ne pouvait se résoudre à lui dire au revoir.
Elle avait cru à la chance une fois de plus et s'endormit frustrée. Demain serait un autre triste jour !
Orion erra perdu dans les tréfonds de son âme pendant plusieurs heures. Il se senti si impuissant à l'intérieur, ronger par des remords. Cette impression d'avoir tout perdu, la possibilité de peut-être lui avouer son amour dans un premier temps. Et la sanction, bien plus terrible, quand ils retourneraient dans le monde réel. La famille de Keiko avait une influence telle que sa propre famille pourrait payer les conséquences de ses paroles.
Même s'il le souhaitait réellement, il ne pouvait faire ses valises du monde extérieur. Le naufrage se passait à merveille pour lui et en quelques instants elle avait tout gâché. Et maintenant il alllait devoir trouver une parade le lendemain.
A moins que seul le fantôme de Keiko ne survive à tout ceci ? C'était également une possibilité.
Il décida de retourner à son campement pour se reposer un peu. La nuit lui porterait conseil.
Il ne put s'empêcher d'aller tout de même la regarder dans son sommeil. Pas besoin de se cacher, il ne lui devait rien après tout.
Son cœur fût à nouveau attendri par ce visage angélique. Ou démoniaque ? Au final, il désirait juste que son regard se pose sur lui. Mais comment être au centre de l'attention de la personne la plus égocentrique au monde ?
- Oh mon amour, laisse moi juste t'aimer quand ton cœur est fatigué...
Annotations