Retour à l'anormal / Jour 1
Dans ce climat d’incertitude et d’incompréhension, j’assiste à la pré-rentrée la plus utile de toute ma vie. On assiste en avant-première aux débuts de la lutte acharnée de professeurs avec leurs masques : filtres de papier ou de tissus, qui occultent les orifices buccaux, asphyxient et étouffent la voix. On prend plus de temps et d’énergie à dire ce qu’avant on aurait balancé en quelques secondes. Certains suent, d’autres se grattent. L’un d’eux tire sur son épais masque blanc pour prendre la parole. À plus de cinq mètres de nous, en contrebas dans l’amphithéâtre, il pourrait largement se permettre de l’ôter mais, comme nous tous ici présents, il joue la comédie, celle de l’absurdité et de la bienséance.
Au sortir de la réunion, on nous pourchasse pour nous distribuer des masques inmétables, designés par un fou dans un rideau de douche. On les fourre servilement au fond de nos sacs, où on les retrouvera probablement fossilisés dans un ou deux ans. Qui sait, peut-être suis-je mauvaise langue, sans doute s’en servira-t-on, quand on n’aura plus rien de mieux à se mettre en guise de muselière !
Annotations