Les vicissitudes du métier (Partie 2)
Mardi 31 août
Dans l'épisode précédent, l'Université m'embauchait pour faire visiter les locaux à de futurs étudiants, moi dont le sens de l'orientation est tout bonnement déboussolé, et ce sans prendre la peine de me préciser où, quand ni pour qui je devais travailler.
J'ai attendu l'e-mail de la responsable de la communication. Et la communication, manifestement, lui a fait défaut, car je ne l'ai jamais reçu. Le destin, semble-t-il, a cru bon de me prodiguer un petit lot de consolation. Car oui, mes amis, j'ai reçu un e-mail. Mais pas du tout celui auquel je m'attendais.
Le message en question nous annonce en quelques lignes que l'une des personnes présentes à la réunion hier a été testée positive au virus du covid-19. Un voyageur du temps, celui-là, à supposer que ce soit l'exact même coco qu'il y a deux ans ! Par la force des choses, tous les autres participants, moi comprise, sont considérés comme cas contact. Et je dois avouer que moi qui ne sors que rarement, qui fréquente peu de gens et qui ai pris la peine de me faire vacciner – davantage sous la pression sociale que par élan solidaire, je l'avoue – ça me fait royalement chier de devoir me taper une séance de pénétration nasale en laboratoire, juste pour exercer un job que j'ai franchement envie de fuir !
Mes les rebondissements ne s'arrêtent point là.
Ayant pris le contact de ma collègue d'infortune, afin que nous nous organisions en amont, je juge bon de la prévenir, juste au cas où, et je lui relaye l'e-mail que je viens de recevoir. À vrai dire, peut-être voulais-je seulement m'assurer qu'elle aussi ferait bien le test, car je n'avais aucune – mais alors aucune – envie de me retrouver seule dans cette galère. Elle ne me répond pas. Pas avant une heure bien avancée de la nuit, durant laquelle – merci Insomnie ! – je ne dors pas. Je tombe des nues en apprenant qu'elle n'a évidemment pas reçu l'e-mail, puisque c'est elle qui est positive.
Je vous vois venir. Vous me trouvez intransigeante, méprisante, égoïste (et sans doute tout cela est-il vrai). Après tout, le vaccin n'empêche en rien de transmettre Covidou à autrui, et puisqu'aucun pass n'est en vigueur dans les établissements scolaires, ceux nous escorterons pourraient être gravement affectés par le virus. Moi-même, peut-être, je suis porteuse, et je ne le sais pas, puisque l'illustre Pass Sanitaire nous dispense, nous vaccinés, de nous soumettre à des contrôles réguliers.
J'avoue, ça me fait quand même impérialement chier, l'idée de me retrouver seule à faire le job de deux. Je l'admets. Égoïste mais honnête.
Mais ce qui me reste vraiment en travers de la gorge, voyez-vous, c'est que la collègue en question a eu son résultat au test avant de se rendre à la réunion. C'est qu'elle est venue en son âme et conscience s'entasser avec nous dans une salle pendant deux heures et demi, persuadée que le port du masque et cinquante centimètres de distanciation sociale empêcheraient qui que ce soit d'être contaminé – et quand bien même ce serait le cas, jamais elle n'a songé au temps que l'on passerait à prendre rendez-vous au labo, faire la queue au labo, se faire triturer les nasaux par une inconnue armée d'un sabre-coton-tige de Jedi !
Pourquoi Diable, si elle se savait positive en venant, n'a-t-elle prévenu l'établissement qu'en rentrant chez elle ? Ça me paraît limpide... Elle est venue discrètement prendre la température. Elle s'est rendue compte du chaos désorganisé dans lequel nous nous retrouvions plongées. Et elle a choisi le moyen le plus commode de s'y soustraire.
Plus le temps passe, vraiment, et plus j'ai les autres en horreur.
Annotations