25. Le breton et ses fans

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Eliaz

— Eh bien, Maéva, c’était un réel plaisir de te rencontrer et de discuter avec toi. Je ne croyais pas aux sites de rencontre, mais là, je suis en train de changer d’avis. On se revoit rapidement ?

— Ce sera avec grand plaisir. De toute façon, on reste en contact et on se cale une date ?

— Oui, tu as mon numéro, tu me contactes quand tu veux. J’ai vraiment passé une bonne soirée, merci.

— Moi aussi, j’ai passé un très bon moment, sourit-elle en venant déposer ses lèvres sur ma joue. A bientôt, Eliaz…

Je regarde s’éloigner cette jolie blonde qui m’a tant surpris ce soir. Déjà, parce que nos échanges se sont faits naturellement, dans la continuité de ce que nous faisions par messages. Et puis, nous avons énormément d’intérêts en commun, ne serait-ce que l’amour de la mer et du chocolat. Moi qui avais une vision très négative des sites de rencontre, je me dis qu’ils ont du bon. Et ça me donne une idée de chronique sur le fait qu’on n’y trouve pas forcément l’âme sœur mais qu’on y fait forcément de belles rencontres.

Avant de me diriger vers le bar où je dois faire un débriefing avec Adèle, j’envoie un petit SMS à Maéva où je n’écris que : “Bonne nuit. Doux rêves” et entre en souriant dans l’établissement où m’attend ma collègue qui a l’air moins gaie que moi.

— J’ai vu que tu étais partie tôt. Tu es venue directement ici ? C’était si nul que ça, ton rendez-vous ?

Je m’assois en face d’elle et me dis que si Maeva était super mignonne, là, on est dans une autre catégorie. Adèle a quelque chose en plus, un style tout à fait à elle qui la met particulièrement en valeur et qui ne me laisse pas indifférent.

— Monsieur le policier est en fait agent de sécurité. Il a passé sa soirée à me dire que je lui plaisais, n’a jamais entamé un sujet de conversation, comme s’il ne s’intéressait qu’à ce qu’on pourrait faire dans un lit… Bref, pour un mec qui dit chercher à se poser, il n’a clairement pas réfléchi à ce qu’il fallait faire pour que ça ne dure pas qu’une nuit.

— Et tu n’as même pas eu envie d’en profiter pour la nuit ? Il te plaisait, il me semble… En même temps, il faut dire que tu ne lui as pas rendu la chose facile, tu as vu comme tu t’es faite toute belle ? Cela a dû le rendre fou. En tout cas, on pourra faire une partie sur les morts de faim, je crois que tout le monde s’y attend.

— Non, j’aime qu’un homme m’observe avec envie, OK, mais pas qu’il bave et ait ce regard à moitié pervers, comme s’il savait qu’il avait d’avance gagné le droit de me déshabiller. Bref, next pour ma part. Et toi, alors ?

Moi, en l’entendant parler, je me suis senti obligé de détourner le regard parce que baver devant elle, c’est presque obligatoire et j’espère qu’elle ne m’a pas capté en train d’être à moitié pervers, comme elle dit.

— Eh bien, je pense que tu as pu voir que c’était agréable. Elle était un peu timide, mais pas plus que moi, et elle a l’air d’avoir du caractère sous son petit air mignon. Elle n’a pas hésité à venir me chercher plusieurs fois alors que je me renfermais sur moi. Je dirais que c’était une belle rencontre avec une belle personne. Comme quoi, il y a de tout sur les SDR.

— Hum… OK. Tu bois quelque chose ? me demande-t-elle en hélant le serveur. J’ai besoin d’un verre, moi.

— Je ne sais pas. J’ai déjà bu un verre en mangeant, et vu dans quel état j’ai fini la dernière soirée où tu étais là…

Je ne finis pas ma phrase car je repense à ce baiser qu’elle m’a peut-être donné et qui m’a fait tant d’effet.

— Je vais prendre un diabolo fraise, ça ne me fera pas de mal, et comme ça, je t’accompagne. Tu es si déçue que ça de ta rencontre ?

Je me demande si ça peut faire un angle d’attaque de l’article, avec ces sites qui essaient de dire qu’ils vont rompre la solitude alors que parfois, ils peuvent juste la mettre encore plus en lumière. Moi, au moins, avec Maéva, j’ai envie de la revoir.

— Une margarita et un diabolo fraise, s’il te plaît, Beau Gosse, lance-t-elle au serveur lorsqu’il se plante devant notre table avant de se tourner à nouveau vers moi. Non, je m’en fiche un peu, en fait. Par contre, ce genre de date doit être atroce pour une femme qui cherche réellement l’amour.

— Ah oui, j’imagine trop les espoirs déçus. Toi, c’était pour le boulot, c’est pas grave, mais si ça avait été pour de vrai… tu en serais déjà à la troisième ou quatrième margarita !

— Possible. Peut-être qu’on devrait essayer de trouver un lien entre l’alcoolisme et les sites de rencontre, grimace-t-elle. Tu vas la revoir ?

— Qui ? Maéva ? Je ne sais pas… Je crois, oui. Enfin, ce n’est pas trop professionnel, mais c’est toi qui m’as conseillé de me sortir un peu de mes habitudes.

— Oui, c’est moi, certes… Enfin, vas-y mollo quand même, hein ? Je n’ai pas envie d’être la cause de ton petit cœur brisé.

— Tu vas vite en affaires, là ! On ne parle pas d’amour. Certes, il y a une vraie attraction, mais de là à parler de plus, je ne crois pas qu’on y soit déjà. Après, elle a vraiment du charme. Elle m’a raconté comment son ex l’avait abandonnéee après lui avoir promis monts et merveilles. Cela m’a fait beaucoup de peine et m’a presque donné envie de la prendre dans mes bras.

— Tu avais l’air très à l’aise avec elle… Je ne te savais pas si drôle, elle n’a pas arrêté de glousser comme… enfin, de rire, quoi.

— Comment ça, je ne suis pas drôle ? m’insurgé-je. Je crois que je lui ai fait du bien, c’est tout. Et c’est ça qui me donne envie de la revoir. Elle n’a pas l’air farouche, en plus, c’est assez excitant d’imaginer la suite de cette histoire commencée sur un SDR.

— Ouais, enfin si ton idée c’est de te sentir utile pour qu’elle aille bien, tu pars sur de mauvaises bases, à mon avis. Enfin bon, tu fais bien comme tu veux, mais je ne suis pas sûre que la qualité “pas farouche” soit si positive que ça. Si t’as besoin de tirer un coup, cherche un plan d’un soir plutôt.

Je profite du retour du serveur pour l’observer et essayer de comprendre où elle veut en venir. Je pensais qu’on était là pour un débriefing et réfléchir à des angles d’attaque pour notre sujet, mais là, elle me fait la morale ou essaie de me donner des conseils. Depuis quand elle s’intéresse à ma vie personnelle ?

— On peut joindre l’utile à l’agréable, non ? Je me dis que c’est peut-être le début d’une belle histoire avec une fille sympa et si ça me permet de prendre un peu de plaisir sur le chemin, c’est pas plus mal, je trouve. Pourquoi tu crois que je ne serais intéressé que par un coup d’un soir ?

— J’en sais rien, ça fait longtemps que ça ne t’est pas arrivé, non ? Il ne faudrait pas que le manque te fasse agir sans réfléchir, c’est tout, soupire Adèle avant de boire quelques gorgées de son cocktail.

— Sans réfléchir ? Mais c’est bien des fois, non, de se laisser aller ? De ne plus avoir de règles ? Peut-être que les sites de rencontre peuvent aider à ça, justement ?

— Mouais, j’en sais rien. Faut pas aller à l’encontre de ce que tu es non plus. Prends ton temps avec la blonde. Si les mecs peuvent être manipulateurs pour obtenir ce qu’ils veulent, les femmes aussi.

— Et tu crois qu’elle pourrait vouloir quoi ? Vu nos échanges, je pense qu’elle recherche de la stabilité. Et ça me ressemble plutôt, je trouve. T’imagines ? Si ça matche avec elle et que je me retrouve à lui faire l’amour de manière régulière, quel changement dans ma vie ! Et tout ça, ça serait grâce à un site sur Internet. Wow, quoi.

— Elle te plaît vraiment, alors ? me demande Adèle après m’avoir observé longuement en sirotant sa boisson.

Je la regarde poser ses lèvres sur le bord du verre avec une sensualité dont elle ne doit même pas se rendre compte. J’ai du mal à me concentrer sur Maéva alors que je suis en train de prendre un verre avec une autre femme. Est-ce que la blonde avec qui j’ai passé la soirée me plait ? Un peu assurément. J’ai été surpris de voir qu’une connexion était possible, mais comment faire la différence entre un coup de cœur passager et un vrai coup de foudre ? Je ne sais pas, je ne suis pas habitué à ce genre de situations, moi.

— Disons que je suis surpris de voir avec quelle facilité je lui ai parlé. Et tu vas sûrement te moquer de moi, mais la perspective qu’elle puisse être intéressée par moi, sexuellement parlant, je trouve ça excitant. Je crois que c’est surtout ça qui me plait.

— Tu ne regardes jamais autour de toi, Eliaz ? Sérieusement ! La nana au bar avec la robe rouge te mate depuis que tu es entré. La fille avec le jean déchiré, à trois tables à droite, veut assurément me décapiter pour prendre ma place. Et je ne te parle même pas de la barmaid qui te reluque comme un gosse devant une glace trois boules, version moins de dix-huit ans. Si ce n’est qu’une question d’attirance sexuelle, je peux t’assurer qu’il y en a, des filles, qui voudraient bien prendre leur pied avec toi.

Au fur et à mesure qu’elle évoque ces femmes, je les observe et effectivement, la fille du bar m’adresse un beau sourire avant de détourner le regard, celle avec le jean déchiré a vraiment l’air d’en vouloir à Adèle, ce qui m’amuse, et la barmaid est accoudée sur son comptoir, la tête posée sur ses mains et elle me mate.

— C’est juste qu’il n’y a pas beaucoup de compétition ce soir. Je dois être le seul barbu du bar, c’est tout. Et peut-être que c’est toi qu’elles regardent toutes, difficile à dire à cette distance.

— Non, je ne pense pas. Et il y a d’autres barbus dans la salle, crois-moi, j’ai un radar pour le style viking, motard ou tout mec qui gagne en virilité en laissant pousser sa barbe. Donc, tu plais aux femmes. Je ne comprends pas comment tu peux en douter, en fait, ça me laisse carrément dubitative. Je suis prête à parier cent balles que si je file aux toilettes, tu es accosté par la fille en robe rouge dans les deux minutes. Donc, t’as clairement la possibilité du coup d’un soir. Moi-même, si nous n’étions pas collègues, il est fort probable que je t’aurais accosté.

— Là, tu te moques ! Toi, tu m’aurais accosté alors que tu peux te taper n’importe quel mec ? Je ne crois pas que tu m’aurais remarqué…

— Puisque je te le dis ! Qu’est-ce que tu es têtu, bon sang. Il faut encore que je te roule une pelle pour te le prouver ?

Oh merde, c’était bien elle. Et pourquoi j’ai envie de lui dire : “chiche” ? Je suis fou ou quoi ? On est collègues, rien de plus. Si je commence à déconner avec elle, déjà que ce n’est pas toujours facile au boulot, ça risque de devenir encore plus invivable. On ne couche pas avec une collègue, surtout pour un coup de soir. Et même si ça me fait envie, que je me vois bien finir la nuit avec elle, ce n’est pas du tout une bonne idée.

— Non, ça va aller, je te crois, dis-je sans pouvoir dissimuler un certain regret à refuser son offre. C’est fou que même une fille aussi canon que toi puisse me trouver intéressant. Il m’est arrivé quoi ces derniers jours ? Tu crois qu’une sorcière m’a jeté un sort ou quoi ?

— Ces derniers jours ? Tu crois que tout a changé ces derniers jours ? N’as-tu jamais fait attention à la façon dont Hélène te regarde, au bureau ? Ou l’ancienne stagiaire qui bossait avec Véronique quand je suis arrivée, je ne sais plus son prénom… Bref, faut croire que le petit côté timide et beau gosse qui s’ignore, ça fait un tabac.

Je ne sais pas quoi lui répondre parce que non, je n’ai rien vu de tout ça. Et je ne comprends pas pourquoi elle me dit tout ça. On n’était pas censés faire un point sur notre article ? Comment en est-on arrivés à parler de toutes ces femmes qui soi-disant seraient intéressées par moi ? Et je fais quoi quand elle me dit qu’elle en fait partie et que là, c’est moi qui suis intéressé ?

— Il faut croire que je suis aveugle, alors. Je vais te laisser, avant que tu ne me fasses d’autres révélations. Cette rencontre avec Maéva m’aura au moins permis d’ouvrir les yeux sur plein de choses. Merci pour le diabolo.

— Quoi, tu as peur que je te fasse une proposition indécente pour la nuit ? sourit-elle.

— Non, j’ai peur de l’accepter. Bonne soirée.

Je la salue rapidement et m’en vais en essayant d’éviter le regard de toutes les autres femmes dont Adèle m’a parlé. De toute façon, j’ai déjà oublié à quoi elles ressemblent. Ce que je n’ai pas oublié par contre, c’est la façon dont ma collègue m’a regardé en me parlant de proposition indécente et le fait que j’ai vraiment failli lui dire oui. Purée, ces sites de rencontre, ça vous retourne vraiment le cerveau.

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