51. Step by step jusqu’au ciel
Eliaz
Ce repas ne se déroule pas du tout comme je m’y attendais. Enfin, vu les circonstances, je ne peux pas dire que ça allait être un repas classique, mais là, je suis toujours en plein questionnement sur ce que pense Adèle de ma façon de faire et de ce que j’ai mis en place pour pouvoir passer cette soirée avec elle. Alors, certes, elle ne m’a pas congédié et ne l’a pas si mal pris que ça, mais elle a soigneusement évité toutes mes tentatives d’approches et mes remarques plus ou moins directes sur le fait que j’adorerais vivre quelque chose avec elle. Vivre quoi ? Je ne sais pas. Je pense que je suis prêt à tout accepter, là, pour le seul plaisir de passer du temps avec elle. Je crois que je serais même prêt à la partager si elle me le demandait. Je suis vraiment mordu.
Elle revient des toilettes et j’admire la grâce dont elle fait preuve et la façon dont elle illumine toute la pièce. Je comprends qu’elle hésite à se lancer avec moi. Superbe comme elle est, elle doit avoir l’embarras du choix parmi ses prétendants et j’ai compris qu’elle était plutôt du genre à papillonner entre eux sans jamais se poser. Je devrais sûrement la remercier pour sa gentillesse et sa politesse mais la laisser tranquille, je me suis vraiment grillé avec mon stratagème.
— Tu veux prendre un café ? lui demandé-je alors qu’elle se rassoit en face de moi et que je peux humer l’odeur de son doux parfum fruité.
— Non merci, ça va aller pour ce soir, je crois que j’ai eu ma dose de caféine aujourd’hui. Je pense que je vais rentrer subir l’interrogatoire de James, rit-elle.
Eh bien, au moins, les choses sont claires, elle ne veut pas prolonger ce moment avec moi. Elle pense qu’elle a fait assez pour préserver mon estime de moi et nos relations de collègues sans paraître grossière. Mais la récréation est finie et maintenant, c’est retour à la maison. Un peu désespéré, je me dis que je vais essayer de profiter encore un peu.
— Ça te dérange si je te raccompagne ? Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose. Même si je suis sûr que tu sais te défendre, ça me ferait plaisir de continuer encore un peu cette soirée avec toi. Enfin, je ne veux pas m’imposer non plus. Si tu en as assez de moi ce soir, j’entends aussi.
J’ai repris mes mauvaises habitudes et je me remets à bégayer et à rougir en lui parlant. Retour à la case départ, je crois que j’ai utilisé tout mon courage en ce début de soirée et maintenant, je n’ai plus les moyens de continuer à jouer au gars sûr de lui et de son pouvoir de séduction. Vu le résultat, ce n’est pas étonnant.
— Avec plaisir. Par contre, je te préviens, j’ai décidé au début du repas que je mettais mon côté féministe au placard en te laissant payer la note. Enfin.. de toute façon, ce sera une note de frais, mais c’était au moment où j’étais contrariée que tu te sois joué de moi et ça me semblait mérité. Bon, c’est plus ridicule qu’autre chose, dit à voix haute…
— Oh non, ce n’est pas ridicule. Et je ne me vois pas faire passer ça en note de frais ! Tu imagines la tête de Véronique si elle apprend que notre date, c’était ensemble ? Enfin, date, on a mangé au restau, quoi, m’embourbé-je avant de me lever rapidement pour aller payer au bar.
Lorsque je reviens, Adèle a enfilé son manteau et prend mon bras. J’avoue que ça me fait plaisir de voir les regards envieux des mecs du bar quand je sors avec elle à mes côtés. C’est éphémère, mais qu’est-ce que ça fait du bien à mon égo qui en a grandement besoin.
— Tu sais que j’ai passé une des meilleures soirées possibles, ce soir, grâce à toi ? lui demandé-je alors qu’on fait le choix de rentrer à pied, mon bras passé autour de ses épaules. Je crois qu’on pourra faire une partie de notre dossier sur le fait que les rencontres par affinités, ça a du bon. J’espère que ça n’a pas été trop long pour toi.
— Sans doute… et apparemment, tu aimes te faire flageller vu que je ne me suis pas gênée pour le faire au début du repas. Pourquoi tu t’acharnes comme ça, Eliaz ? Je veux dire… Tu vois bien que je suis indécise, et pour être honnête avec toi, attirance ou pas, sentiments ou pas, je ne suis pas sûre de parvenir à faire les choses comme il faut et je n’ai aucune envie de te blesser en foirant…
— Je ne suis pas sûr de bien te comprendre. Cela veut dire quoi “faire les choses comme il faut” ? Et si je m’acharne, c’est parce que je pense que toi et moi, c’est différent, qu’on peut vivre quelque chose de beau. Mais pour ça, il faut être deux et clairement, je suis le seul à y croire et donc, ça ne marchera jamais. Tu n’as pas cette impression que nous deux, c’est naturel ? Qu’on est faits pour plus qu’un coup d’un soir ? Je ne sais pas ce que l’on peut espérer d’une relation entre nous, mais moi, j’ai envie de tenter un truc. Enfin, je devrais arrêter de t’embêter avec ça sinon tu vas croire que je ne te laisserai jamais tranquille. Pour te rassurer, c’est juste que je me suis dit que soit j’arrivais à te convaincre ce soir, soit j’abandonnais la partie.
— Tu n’as pas l’air d’y croire tant que ça, tu passes ton temps à dire tout et son contraire, rit Adèle. Au cas où tu ne l’aurais pas encore compris, je suis en train de t’exposer mes doutes, l’idée dans ce genre d’échanges, c’est que tu me rassures, j’imagine. Je… je te l’ai déjà dit, je crois, je n’ai jamais été en couple, je ne suis pas vraiment une romantique… Ma relation la plus longue, si on peut appeler ça une relation, c’est un footballeur du LOSC que je vois une fois de temps en temps pour une nuit, tu vois ? Ca, c’est moi, et… si clairement, le sexe avec toi a été génial, que passer du temps avec toi me plaît et que, oui, c’est naturel, il n’en reste pas moins que je ne suis pas sûre de savoir comment m’y prendre pour faire vivre et perdurer un couple. C’est ça qui me fait flipper, outre les problèmes que ça pourrait engendrer au boulot.
Son discours me redonne de l’espoir car je me dis que finalement, j’ai peut-être mal lu les signes qu’elle m’a envoyés et que tout n’est pas encore perdu. Et s’il y a une once d’espoir, il faut que je la saisisse. Je m’arrête au milieu du trottoir devant la vitrine d’une boutique de prêt-à-porter, à quelques dizaines de mètres de son appartement, et me tourne vers elle.
— Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas qu’on ne doit pas essayer. Moi non plus, je ne sais pas ce que c’est d’être en couple, mais l’envisager avec toi ne me fait pas peur. La dernière fois pour moi, c’était au lycée, tu vois, ça remonte. Mais ça ne m’empêche pas de vouloir tenter les choses avec toi. Et tu sais pourquoi ? Parce que je pense que je suis tombé amoureux de toi. Je sais que je risque de te faire peur, peut-être que je vais te faire fuire mais je ne veux plus me mentir. Je t’aime, Adèle. Plus que tout. Je t’aime comme jamais je n’ai aimé une femme. Je t’aime parce que tu es toi. Nous sommes différents, c’est certain, mais on se complète. Chaque fois que tu apparais, je vis en direct l’arrivée du son dans le cinéma muet, de la couleur dans le noir et blanc. C’est comme si un avion supersonique traversait le ciel calme et plat de ma vie. Tu me parles des problèmes que cela pourrait engendrer au boulot, mais ce ne sont que des détails à côté de cette belle histoire qu’on pourrait vivre si on faisait tomber nos barrières. Il faut juste qu’on se fasse confiance et, comme quand on écrit ensemble, le résultat sera formidable, je te le promets.
Je ne lui laisse pas le temps de se remettre de cette longue tirade et me penche pour l’embrasser en l’enlaçant. Surprise, elle reste immobile une ou deux secondes avant de passer ses bras autour de mon cou et de répondre à mon baiser. Immédiatement, les sensations à l’intérieur de moi explosent et je me retrouve transporté dans un monde d’arcs-en-ciel et de magie. Je ne sais pas si son esprit est convaincu par ce que j’ai dit, mais il est clair que son corps l’est. Cependant, après un trop court moment de parfaite communion, elle me repousse gentiment et me regarde, perplexe.
— Tu es plus fou que tu ne le laisses voir, Kerouaec. Je… Step by step, OK ? On prend notre temps et surtout, on ne se prend pas la tête. Et si je fais quelque chose de travers, parle m’en. Tu vois, le romantisme et moi, ça fait deux…
— Step by step, ça veut dire qu’on peut quand même franchir la première marche ? demandé-je en étant une nouvelle fois un peu décontenancé par sa réponse alors que je devrais être rassuré car elle est revenue m’enlacer.
— Ca veut dire que je te propose même de monter les marches de la coloc, puis les deux étages qui mènent à ma chambre qui, oh mon Dieu, est dans un bordel monstre, grimace-t-elle avant d’éclater de rire. OK, possible que tu sortes avec une ado, désolée…
— Je trouve ces premières marches très intéressantes ! Et surtout, ne grandis pas, Adèle. C’est ça qui fait ton charme ! J’espère par contre que c’est un escalier sans fin et que l’on va continuer à le gravir pendant longtemps. Step by step, d’accord, mais au moins jusqu’au septième ciel, non ?
— Pour ça, il va falloir bosser main dans la main mon Lapin, et je te propose qu’on y aille dès maintenant, chuchote-t-elle à mon oreille avant de m’embrasser tendrement.
Je réponds à ce baiser avec une joie immense dans le cœur. Je ne sais pas encore jusqu’où je vais monter avec elle, mais au moins au deuxième étage et jusqu’à sa chambre, ce qui est déjà un pas de géant. J’ai galéré pour avoir cette deuxième chance mais enfin, elle me l’offre. Quel cadeau !
Lorsqu’elle ouvre la porte de chez elle, elle me fait signe d’être discret en mettant son index sur ses lèvres et je la suis dans les escaliers aussi silencieusement que possible. On est vraiment des ados qui essayons de ne pas nous faire griller par les autres habitants de la maison et moi qui n’ai jamais fait ça, je trouve la situation très excitante. Elle referme la porte derrière moi alors que j’admire sa chambre. Certes, elle est en désordre mais ce qui me frappe surtout, ce sont toutes les couleurs partout, les photos, la gaieté qui ressort de cet espace que je découvre avec joie.
Adèle a l’air aussi excitée que moi et elle ne perd pas de temps pour me pousser sur le lit où elle vient me chevaucher. Elle prend les choses en main et s’attaque à ma chemise qu’elle dégrafe avec impatience. Je sens ses doigts se poser sur mon torse alors qu’elle m’embrasse avec une volupté et une sensualité qui toujours me surprennent. Je réponds et c’est une véritable frénésie qui s’empare de nous. C’est fou comme on peut être efficace quand on se laisse emporter par le désir. Nos vêtements volent à travers la pièce et rapidement, c’est moi qui me retrouve, nu, à la surplomber, ses mains enserrées autour de ma virilité tendue.
— Adèle, tu sais que tu es la femme la plus merveilleuse sur Terre ? ris-je en dessinant des arabesques sur sa magnifique poitrine nue. Tu fais de moi le plus heureux des hommes.
— Moins de blablas et plus d’actes, beau Breton, on aura tout le temps de discuter plus tard, non ? A moins que tu veuilles qu’on s’arrête pour se dire des gentillesses ?
Je pouffe et enfile un préservatif avant de reprendre ma place entre ses jambes. Ses bras m’enserrent et m’attirent contre elle. Nos bouches se retrouvent et, sans plus attendre, je m’enfonce en elle pour commencer une danse endiablée où chacun de nous se donne totalement. Faire l’amour avec elle est une véritable farandole de sentiments et une explosion d’émotions. Quel plaisir de la sentir répondre au moindre de mes gestes, de la voir prendre le contrôle de la situation en venant me chevaucher. Notre étreinte est à la fois sauvage et passionnée. Nous faisons l’amour avec une folle intensité et lorsque nous jouissons chacun notre tour, c’est incroyable de pouvoir vivre ça. Elle a raison, le sexe a deux est génial. Et un step by step qui commence avec une telle jouissance est parti dans une bonne direction. Je ne sais pas encore jusqu’où il va mener, mais le chemin promet d’être particulièrement agréable.
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