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Ces derniers temps, les souvenirs qui lui revenaient étaient plus agréables. Dans celui-ci, il devait avoir une quinzaine d’années. Il était chez lui, dans les plaines de glace, et travaillait dans sa chambre. Le soleil brillait dehors, faisant scintiller le givre sur les toits des maisons. Cela faisait plusieurs jours que pas un flocon ne tombait, cependant le verglas se faisait bien présent.
On toqua à sa porte. Sans attendre de réponse, la visiteuse ouvrit et entra.
« Nikita, tu révises encore ? »
Il posa son porte-plume et se tourna vers elle.
« Oui, Alisa, j’ai des examens à préparer.
- Tu dis ça à chaque vacances. » fit-elle remarquer avec une moue.
Il esquissa un sourire et répondit :
« C’est parce que je suis souvent évalué à l’Académie.
- Oui mais trop de travail, ce n’est pas bon pour la santé.
- Ne t’en fais pas, mes professeurs le gardent à l’esprit. Mais ils doivent également veiller à ne conserver que les meilleurs élèves. »
Sa petite sœur parut réfléchir à ces paroles un instant, puis reprit avec entrain :
« Tu voudrais bien aller patiner avec moi ?
- Eh bien… Je ne suis pas sûr d’avoir le temps aujourd’hui.
- S’il te plaît ! Pour une fois que tu as des vacances en milieu d’années où tu es à la maison, il faut en profiter !
- Justement, la taquina-t-il, c’est l’occasion pour moi de prendre de l’avance sur le programme. »
Elle parut déçue mais ne renonça pas. Elle le rejoignit à son bureau. Après avoir jeté un regard aux feuilles couvertes d’expressions mathématiques compliquées, elle attaqua de nouveau :
« Tu passes plus de temps enfermé ici qu’avec moi, et je trouve ça très dommage. Je voudrais profiter un peu plus de ta présence avant ton départ. »
Son regard déterminé et plein d’espoir le fit hésiter.
« S’il te plaît ! » insista-t-elle.
Indécis, il considéra ses notes, puis rendit les armes.
« D’accord, je viens.
- Super ! »
Il se leva et lui ébouriffa les cheveux en disant :
« Je suis incapable de te refuser quoi que ce soit de toute façon.
- Hé ! protesta-t-elle. Tu vas me décoiffer ! »
Il rit, à la fois amusé et attendri. Tous deux quittèrent la chambre et descendirent les escaliers. Alors qu’ils prenaient leurs affaires dans l’entrée, leur mère les appela :
« Les enfants, vous sortez ?
- On va patiner ! l’informa Alisa.
- Soyez prudents, alors.
- Comme toujours. » répondit Nikita.
Et ils sortirent de la maison. Ils marchèrent d’un bon pas jusqu’au lac et chaussèrent leurs patins sur la berge. L’aîné s’avança sur la glace en premier pour s’assurer de sa solidité. Après quelques pas, il fit signe à sa sœur.
« C’est bon, il n’y a pas de danger. »
Elle le rejoignit et proposa :
« On fait la course ?
- Si tu veux, jusqu’où ?
- Le bout du lac !
- C’est un peu loin, non.
- Tu as peur que je te batte ?
- Peut-être… plaisanta-t-il.
- C’est moi qui donne le départ ! » conclut-elle.
Ils se préparèrent et elle compta :
« Trois, deux, un, … zéro ! »
Et ils s’élancèrent tous les deux. Nikita regardait en souriant Alisa filer sur la glace, grisée par la vitesse. Elle s’en sortait plutôt bien, mais il était plus rapide. Il s’amusa à patiner en arrière, le temps de la laisser le doubler. Elle rit, et accéléra encore. Après quelques minutes de course, ils parvinrent à leur objectif, la cadette précédant de peu son grand frère.
« Gagné ! s’exclama-t-elle.
- Félicitations, Mademoiselle ! Et maintenant, que veux-tu faire ?
- Apprends-moi des figures !
- Tes désirs sont des ordres ! Je peux t’en montrer quelques-unes qui ne sont pas trop dangereuses, et qui se font à deux. »
Il lui tendit la main et ajouta :
« M’accorderiez-vous cette danse ?
- Avec plaisir ! »
Ils commencèrent à tourner sur la glace, comme s’ils valsaient. Il la guidait avec assurance, l’aidant à se rétablir lorsqu’elle perdait l’équilibre. Il lui enseigna diverses acrobaties simples qu’elle s’efforça de reproduire. Elle avait parfois du mal, mais s’en amusait. Au fil des minutes, la scène devint plus floue, et le rire d’Alisa l’accompagna alors qu’il se réveillait.
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