Le journal intime
Je prends un stylo, j'ouvre un vieux carnet jamais utilisé et je m'installe confortablement dans mon fauteuil devant une série Netflix. J'inspire et j'expire plusieurs fois bruyamment. Les yeux rivés sur la première page blanche, je tapote le stylo contre les bords du journal vierge tout en pesant les pours et les contres, de ce que je m'apprête à écrire, soudain, je me lance :
"Comment vous dire que je ne sais même plus comment, ni pourquoi cela a commencé ?
Tout ce que je sais, c'est que, mon mari John est insupportable, tout me dégoute, m'irrite, m'énerve. Parfois, juste sa présence dans la pièce me hérisse le poil. C'est même arrivé, que son souffle la nuit sur mon visage me mette hors de moi. Oui, on en est arrivé là...
Nous sommes mariés depuis à peine deux ans. Tout commençait si bien pourtant, je le rencontrais à 16 ans, après un spectacle de fin d'année de danse, c'était le frère d'une petite que je supervisais. Puis, ensuite vous connaissez la logique, des rendez-vous : au cinéma, au restaurant et des balades.
Nous couchions ensemble presque à chaque fois que l'on se voyait, c'était incroyable, à l'époque.
5 ans plus tard, il me demande en mariage, si j'avais su...
Puis le projet "bébé". D'ailleurs je reprends la pilule en cachette... Je n'ai jamais osé lui dire que je ne voulais pas de bébé maintenant.
Et nous voilà maintenant, moi Katrin, 24 ans, j'écris un journal intime, qui l'eut cru. Comme nous sommes parti habiter dans le sud de la France, je ne connais personne ici, donc je n'ai personne avec qui partager mon mariage foireux, j'ai vraiment besoin de vider mon sac.
Pourtant John est beau, grand, musclé, jeune entrepreneur dans une start-up qui fonctionne bien, il parlait bébé il y a encore huit jours.
Mais tout est parti en vrille. Peut-être ma jalousie mal placée, ou bien le fait que je prends moins soin de moi, le fait que je ne couche plus avec lui ou bien peut-être le travail qui me pompe l'air, même à la maison... Peut-être je ne sais pas vraiment, je ne veux peut-être pas voir le problème... Je mets trop le terme "peut-être" ? C'est possible.
Bon je vais me lancer un défis, je vais écrire ce qu'il s'est passé pour moi, ma version, puis j'écrirais un maximum ce qu'il se passe. J'y verrais possiblement plus clair."
Je referme le carnet, pas forcément plus heureux, mais un peu soulagée. Je regarde l'heure, il est presque l'heure pour "l'autre" de rentrer.
Je m'attache machinalement les cheveux, me retire du petit cocon que je m'étais fabriquée, à base de plaide et coussins.
Les clefs dans la serrure font aboyer Siam notre berger allemand.
- Siam ! Chut ! Lui dis-je en allant à la salle de bain.
Siam vient à moi pour une caresse que je lui donne volontiers. La porte s'ouvre, John dépose son sac et pose son manteau sur la commande, puis il claque la porte du pied tout en lisant les noms sur les lettres.
- Tiens Katrin, du courrier, au fait, faut qu'on parle ce soir tu n'as pas oublié ?
John me tend le courrier tout en retirant ces chaussures. Je suis déjà épuisée, alors que nous n'avons même pas commencé à vraiment converser.
- Nan, je n'ai pas oublié, je vais prendre une douche.
- Tu es sérieuse ? Tu ne fais rien de ta journée, et tu veux la prendre à 20h quand je rentre ? Peste-t-il.
Je lève les yeux au ciel. Et lui fais signe d'y aller à ma place.
- Nan c'est bon Katrin, tu y es déjà maintenant. Mais si tu peux la prendre avant que j'arrive la prochaine fois.
Il me passe devant, et va se déshabiller dans la chambre suivis de Siam.
Après ma douche et pendant celle de John, l'envie d'écrire revint, je veux écrire ce qu'il se passe. Ce sera mon petit rituel, mon petit moment honnête.
"Et bien on se retrouve vite petit journal !
Je ne sais pas si c'est moi qui ai un problème, ou si c'est mon couple qui fonctionne mal, ou peut-être les deux, qui sait ? Mais c'est normal de se disputer pour l'ordre d'une douche à nos âges ?
Le pire, c'est que j'étais contente de l'emmerder... Parfois je me fais vraiment peur. Suis-je normale ?
Bon quitte à me confier, autant le faire pour de vrai, j'ai trompé John. Voilà, c'est dit.
Plusieurs fois, avec plusieurs personnes, ici à la maison et ailleurs.
Je sais que c'est mal, et je ne l'ai jamais dit à personne. Mais c'était si bon et si excitant... et encore je ne t'ai pas dit avec qui petit journal...
Je te le dirais sûrement, mais pas là, pas aujourd'hui. Ecrire mes pensées, c'est tout nouveau pour moi. Il faut y aller doucement."
Je me sens soulagée cette fois. Je tourne dans le bureau et le salon pour trouver une cachette digne de ce nom, à mon journal. Ce serait bête de faire casser mon mariage avec des aveux écrit noir sur blanc.
- Katrin ! Viens je suis dans la chambre.
Ah oui, j'avais oublié notre "discussion".
Je me rends à la chambre en traînant des pieds. Je n’ai vraiment pas envie de discuter ce soir, et je ne sais même pas de quoi on va parler et je ne sais pas si cela m'intéresse.
John est là torse nu, le bas caché par une serviette. Il est assis sur le lit, les cheveux mouillés et ébouriffés.
- Katrin, il faut parler, ça va faire un moment que je te sens t'éloigner. Tu reprends la pilule, je l'ai remarqué depuis quelques semaines. Dis-moi ce qu'il se passe !
Je ne m'y attendais pas, il a remarqué que je reprends ma pilule, je pensais être discrète pourtant. Je me sentais obligée de la reprendre depuis que j'allais voir ailleurs, je trouvais de l'excitation à le tromper, l'interdit m'excitait, mais à contrario, un bébé d'un autre homme ne me stimulait aucunement.
- Ecoutes John, je vais bien, c'est juste qu'un bébé là maintenant... je ne sais pas, c'est sûrement pas une bonne idée. On ne se parle plus et on ne couche plus ensemble.
- Justement, me répond-t-il, je veux parler pour nous retrouver. Tu sais heureusement que je te connais, à un moment j'ai cru que tu me trompais. Il se met à rire en regardant nerveusement ces doigts jouer avec l'étiquette de la serviette.
Je manque de m'étouffer en avalant ma salive, sa réponse est comme une balle perdue, pas destinée à me faire mal ou culpabiliser, et pourtant c'est bien ce qu'il m'arrive. Je m'assoie sur le fauteuil fasse à John. J'hésite vraiment à tout lui dire. Maintenant que j'y pense, c'est moi qui déconne complet et qui condamne mon mariage. John veut nous sauver et moi... et bien... finalement je ne sais pas ce que je veux. Ce qui est sûr, c'est que c'est un mec bien.
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