— Au revoir madame Gravet, je vous confie à nouveau à votre infirmier pour votre retour en chambre.

Je rentre à mon tour dans la salle de consultation.

— Bonjour monsieur Tranchant, je suis, depuis aujourd’hui, votre psychologue, monsieur Benhali. J'ai pu consulter votre dossier, et maintenant que vous allez mieux, et qu'une sortie est bientôt envisagée, votre médecin a souhaité mettre en place, une psychothérapie que je poursuivrai en externe, avec des consultations régulières. Mais auparavant, parlez-moi un peu plus de vous. Il me manque des détails dans ce dossier.

— C'est-à-dire ?

— Parlez-moi de vos amis, de votre famille, de vos collègues...

— D'accord, mais qui êtes vous au juste ?

— Votre psychologue.

— Ah ! Merci ! J'ai comme un énorme trou de mémoire! Les médecins me disent que c'est normal ! Mais je ne peux répéter que ce qu'ils m’ont dit, c'est-à-dire pas grand chose.

— Je vais vous aider ! Il y a deux ans, vous avez effectué une mission d'expertise dans le massif de chartreuse, avec plusieurs collègues techniciens du CEMAGREF.

— Ah oui, je me souviens avoir découvert un cimetière très ancien, caché autrefois par un éboulis, et y être retournée plusieurs fois. Et puis plus rien, grand trou noir ! On m'a dit que j'ai été malade, que j’ai pété les plombs, que plein de monde avait été contaminé par un virus, ou quelque-chose comme cela. Au fait, c’est quoi le CEMAGREF, monsieur le commissaire.

— Non, pas commissaire, psychologue... Bon, vous rappeler ce qu’est le CEMAGREF, ce sera pour le prochain entretien ! Mais pour vous répondre sur la contamination, oui vous avez raison, et ne pouvant ni vous guérir ni éviter la contagion, nous vous avons isolé dans le village pendant plusieurs mois par l'armée. Aucun traitement ne marchait, et la contagiosité était telle qu'aucune équipe médicale n'a pu vous approcher. Vous avez dû vous contenter des soins de l'infirmerie militaire détachée! Beaucoup sont morts, femmes, enfants, amis, voisins ...

— Ah oui, ça me revient ! On m'a dit aussi que l'armée aussi a été contaminée ! Qu'un colonel a même essayé de violer une jeune fille, avant de sombrer dans la folie et de succomber lui aussi, que beaucoup de villageois sont morts, et que les survivants ont dû être évacués, malgré les risques de nouvelle contamination, en urgence, à l’hôpital, en raison d'un nouvel éboulement possible sur le village.

— Eh bien, votre mémoire revient, vous voyez ! Oui, et vous avez tous été transférés dans une unité d'isolement du service de maladie infectieuse du CHU, puis dans le centre de convalescence où vous êtes actuellement, et ce depuis dix huit mois maintenant !

— Dix huit mois ! Déjà ?

— Oui, et vous avez eu de la chance. Vos séquelles cérébrales sont minimes, mais la plupart des survivants ont gardé des séquelles cérébrales majeures de leur infection. En particulier plusieurs jeunes du village que vous connaissez peut-être !

Il me montre plusieurs photographies

— Ça ne me dit rien du tout !… Monsieur le commissaire ?

— Non, je suis votre psychologue ! Mais reprenons !

Un infirmier rentre dans la pièce.

— Votre prochain patient vous attend dans le couloir, mais je reste avec lui par sécurité ! Ils se perd tout le temps ! Je peux le faire entrer ?

— Sans problème ! Nous avons fini !

L'homme rentre dans la pièce.

— Tiens Gustave, comment allez-vous ? Vous venez pour votre douzième entretien, il me semble. Monsieur Tranchant, c’est un ancien copain à vous je crois !

— Ah ! Si vous me le dites , monsieur le commissaire !

— Allez appellez-moi Ahmed, et pour tout vous dire je vivais également dans votre village !