Une heure plus tard, Shawn et Jamie sont assis dans la salle d’attente de l’hôpital Northwestern. Il s’agit d’un établissement public, situé dans le centre-ville, à vocation universitaire. Un grand bâtiment, comprenant 3 pavillons, tous liés entre eux par des passages souterrains et aériens.

Shawn a été très étonné en y pénétrant, il n’avait jamais mis les pieds dans un hôpital si moderne et si propre. Du tapis recouvre le plancher et le hall est vaste, lui donnant l’impression d’être dans un musée. Mais il n’y fait attention que quelques secondes, trop bouleversé par ce qui vient d’arriver à son amie.

Les deux jeunes ont dû faire une déposition à des officiers de police, ce qui a semblé durer une éternité. Mais les deux camarades ne sont pas dupes, ils savent très bien qu’il sera difficile de retrouver les auteurs de l’agression. Dans la panique, aucun des deux n’a relevé la plaque d’immatriculation du véhicule. Les policiers leur ont tout de même demandé de se présenter au commissariat du district. Ils pourront avoir accès aux registres au cas où ils reconnaissent un des agresseurs. Shawn n’a rien dit mais il a en reconnu un. Il s’agissait d’un des voyous du bar avait qui il s’était battu. Mais il préfère garder cette information pour lui, bien décidé à régler cette affaire de son côté.

Les deux amis attendent patiemment, cloitrés dans le silence et leurs pensées. De toute façon, aucun des deux n’a envie de parler. Ils sont trop tristes et choqués pour vouloir discuter. Ils ne s’attendaient pas à une telle situation. Après un tel événement, ils se rendent bien compte que la vie ne tient qu’à un fil. Aujourd’hui, on peut être là mais demain, rien n’est aussi sûr.

Shawn inspire et expire de grandes bouffés d’air. Il fait ces exercices pour calmer son rythme cardiaque qui s’emballe dans sa poitrine et pour arrêter les tremblements de ses genoux. Il se sent mal à l’aise car il ressent la même sensation que lorsqu’il était au centre médical. Mais il réussit à se contenir car il veut être proche de la jeune fille.

Il ne sait vraiment pas comment il réagirait s’il apprenait qu’elle est dans le coma ou pire encore. Il n’a pas réussi à lui faire reprendre connaissance, avant que l’ambulance arrive sur les lieux du drame.

Il essaye de supprimer ces idées macabres lorsqu’il voit un docteur se diriger vers eux. Shawn fait un signe à Jamie pour le prévenir et les deux étudiants se relèvent en même temps. Ils semblent inquiets, les traits du visage tirés, se préparant au pire. Le docteur les rassure en leur disant :

- Elle n’a rien de grave, c’est juste une commotion et elle s’est foulé la cheville lors de sa chute. On lui a posé une attelle et on la garde en observation cette nuit. Heureusement que vous êtes intervenu, Dieu seul sait ce qui aurait pu lui arriver.

- Merci beaucoup docteur répond Shawn, en poussant un soupir, rassuré.

Le médecin leur fait un signe de la tête avant de retourner vers l’accueil pour y déposer le dossier de la jeune étudiante. Les deux amis se sentent un peu mieux. Jamie se dirige vers la bonbonne d’eau et se sert un verre. Il aurait préféré une boisson plus forte comme de la vodka ou du gin pour se calmer mais il fera avec les moyens du bord.

Il se tourne vers Shawn, ce dernier se rassoit avant de baisser la tête et de poser ses mains sur son crâne. Ces dernières tremblent énormément, dû à la tension. Jamie s’assoit à ses côtés :

- Je m’en veux tellement si tu savais ! J’aurai dû aller la chercher surtout après ce qui lui était arrivé. Ce quartier n’est vraiment pas sûr dit Jamie, dépité.

- Tu n’es pas responsable. Je peux en dire autant.

- Si je choppe l’un de ces enfoirés… J’aurai dû les arrêter. J’étais à deux doigts de les coincer vocifère Jamie d’une voix dure, avec des envies de meurtres.

- J’ai en reconnu un, c’était un des agresseurs de la dernière fois.

- T’es sûr de toi ? demande Jamie, les yeux écarquillés, les muscles tendus.

- Oui. Je n’ai rien dit à la police car je veux régler ça moi-même.

Jamie acquiesce de la tête, appréciant l’idée de son camarade. Il ébauche le premier sourire depuis qu’ils ont retrouvé leur amie. Mais il ne s’agit pas d’un sourire de joie, il est carnassier et empli de colère noire.

- T’as eu raison de ne rien dire, en plus je sais où ils crèchent. Tu restes avec Sarah, je vais régler ça une bonne fois pour toute répond Jamie qui s’empresse de rejoindre l’ascenseur.

- Non, je viens avec toi dit Shawn, qui veut se rattraper.

- Je m’en charge, veuilles sur elle ! Il faut que tu sois là quand elle se réveillera lui répond Jamie sur un ton décidé.

Shawn hoche la tête sans rien ajouter, il sait que Jamie est déterminé, cela peut se voir dans son regard. Le jeune homme ne va pas changer d’avis. Shawn le regarde prendre l’ascenseur et lui faire un dernier signe de la tête.

Shawn s’est rarement senti aussi frustré et impuissant et il déteste cela. Il a les nerfs à vif et il n’a rien sur quoi passer sa colère. Il aurait tant voulu accompagner Jamie. Il a peur pour lui, seul contre tout un gang, il ne veut pas qu’il lui arrive malheur à lui non plus. Shawn a l’impression que ses amis souffrent autour de lui et qu’il est incapable de faire la moindre chose pour les aider. Il sait que la colère peut rendre imprudent et même s’il n’a jamais vu Jamie se battre, il se demande s’il sera à la hauteur, seul contre tous ses individus.

Peut-être que cette bande n’est pas uniquement composée de quatre personnes. Si c’est le cas, même avec la meilleure des volontés, Jamie risque de ne pas s’en sortir en un seul morceau. Si cela devait arriver, Shawn se sentirait responsable de son sort et il ne veut pas avoir un tel fardeau sur les épaules. Mais en même temps, il partage l’avis de son ami, ils ne peuvent pas laisser Sarah toute seule. Le jeune français ne tient pas en place, tout son être a envie de détruire quelque chose.

Le jeune homme quitte la salle d’attente et se dirige vers la chambre de Sarah, ne supportant plus de rester sur place. Malgré l’heure tardive, les infirmières présentes dans les couloirs ne lui interdisent pas l’accès. Il n’ose pas rentrer à l’intérieur, de peur d’éclater en sanglots, en la voyant dans un tel état, il se contente de regarder par la petite vitre qui se trouve sur la porte de la chambre.

La jeune étudiante est profondément endormie, elle a des compresses sur le visage, un pansement au niveau de sa joue. Sa jambe est surélevée par des attaches. Le jeune français grimace et se mord la lèvre inférieure, pour ne pas laisser ses émotions débordées. Son cœur est lourd dans sa poitrine. Il souffre beaucoup de la voir dans cet état et n’arrive pas à la regarder très longtemps. Alors que quelques heures plus tôt, elle allait très bien, souriante et joyeuse comme son accoutumé.

La vie est fragile et rien ne doit être pris pour acquis, tout peut basculer en un instant. Sarah semble si fragile, si faible, on a envie de l’entourer d’amour. L’étudiant ne comprend pas qu’on puisse s’attaquer à une fille sans défense. Il sent au fond de lui une colère s’insinuer en lui, parcourir chaque partie de son corps. Il a l’impression qu’un énorme feu s’est déclaré en lui, lui donnant énormément d’énergie. Une fureur intense l’envahit, ne demandant qu’à s’exprimer. Shawn tremble de tout son corps, il ne peut plus rester là à attendre.

Les sentiments de vengeance et de colère prennent le dessus. Il a besoin de se défouler et sait déjà qui sera sa cible. L’étudiant jette un dernier regard en direction de Sarah. Il grave cette image au fond de son crâne, afin de ne jamais oublier cette scène. Puis il se dirige rapidement d’une démarche déterminée vers l’escalier. Jamie n’est pas parti depuis longtemps, Shawn est décidé à le rattraper afin de savoir où se trouve les agresseurs de Sarah.

Pendant ce temps, Jamie marche rapidement à travers la ville, il est plongé dans ses pensées, ne pensant qu’à une seule chose : venger Sarah. Rien d’autre ne lui importe, la plus belle fille du monde pourrait passer devant lui, qu’il ne la remarquerait même pas. Il sait que les agresseurs seront nombreux et qu’il ne s’est jamais vraiment battu jusqu'à présent. Les combats de rue n’ont jamais été un de ses passe-temps favori mais il s’en fiche, tellement il est énervé.

Tout ce qu’il veut c’est se venger et faire ressortir à coups de poing, toute la colère qu’il ressent. Jamie n’a aucune stratégie, ni plan d’action. Il compte foncer dans le tas et être le seul debout à la fin. Peu importe les coups qu’il recevra, il est sûr de ne rien ressentir, sa colère l’anesthésiera

L’étudiant sent une vague d’énergie l’envahir, il pourrait gravir une montagne à mains nues.

Il n’a pas pu aller voir Sarah sur son lit d’hôpital, il aurait aimé la voir avant de partir en croisade. Mais il sait que cela aurait été trop dur pour lui, il en serait sorti complètement démoraliser. Le garçon n’a plus les idées très claires mais il sait que justice doit être faite et que les agresseurs doivent payer une bonne fois pour toute.

On ne s’attaque pas à ses amis impunément et surtout pas à un ange tel que Sarah. Elle mérite mieux, beaucoup mieux. Il marche tout droit en ne pensant qu’à sa vengeance, ne se retourne à aucun moment. Mais s’il l’avait fait, Jamie aurait pu voir que Shawn le suit discrètement. A une distance assez raisonnable pour ne pas se faire repérer.

Le colocataire de Sarah arrive rapidement à destination. C’est un coin résidentiel, calme avec de nombreux pavillons et jardins. Personne ne penserait que dans le vieux gymnase abandonné se terre une bande de dealers.

Jamie l’avait appris par le biais d’un de ses camarades de faculté. Le jeune vengeur s’arrête sur le trottoir en face du gymnase. Il voit des silhouettes bouger à l’intérieur, cela signifie que les agresseurs sont bien revenus dans leur squat. Jamie réfléchit afin de savoir comment il va procéder. Il sait qu’il doit attaquer rapidement, sans se faire voir, afin de profiter de l’effet de surprise.

Le jeune étudiant ramasse un bâton qui traîne sur le sol et le serre fermement entre ses mains, prêt à s’en servir comme d’une matraque. Son cœur bat la chamade dans sa poitrine, il sent la peur montait en lui, mais il la repousse au fond de son être, ne voulant pas qu’elle le paralyse. Il se concentre sur son arme et fait quelques moulinés avec.

- Ça fera l’affaire, je vais me les faire, ces ordures !

Soudainement, il remarque une ombre sous ses pieds et sent comme un courant d’air à l’arrière de son cou. Il n’a pas le temps de se retourner qu’une mystérieuse personne appuie avec deux doigts sur sa nuque à un endroit très précis. L’effet est immédiat, Jamie ne sent plus ses jambes et s’écroule en avant, perdant connaissance. Le responsable de cette attaque surprise le rattrape avant qu’il ne puisse se faire mal dans sa chute. Il le tire délicatement en arrière, vers un endroit à l’écart. Jamie ne saura jamais que le responsable n’est autre que Shawn.

Ce dernier est le premier surpris de ce qu’il vient de faire, c’est comme si ses mains avaient réagi avant son cerveau, il a agi par pur instinct. Il avait déjà vu cette prise dans des films mais il n’aurait jamais pensé être capable de la reproduire. Surtout pas aussi facilement. Il n’a pas réfléchi, ce sont ses doigts qui ont agi d’un seul mouvement. Il est plus paniqué, qu’impressionné par son acte qui le dépasse complètement. Mais il se reprend rapidement, sachant que ce n’est ni le lieu, ni le moment de réfléchir à tout ce qui lui arrive d’étrange. Il n’a qu’à le rajouter à la liste.

- C’est du délire, faut vraiment que je voie quelqu’un !

Il tapote l’épaule de son camarade et le redresse un peu, pour le mettre dans une position plus confortable.

- Désolé, mais je ne pouvais pas te laisser faire ça, je m’en charge ! s’exclame Shawn à un Jamie inconscient.

Il sait très bien que son ami ne peut pas l’entendre mais il avait besoin de s’excuser. Il s’en veut d’avoir agi ainsi, mais il n’avait pas le choix car Jamie ne l’aurait jamais écouté. Shawn regarde le gymnase et pousse un long soupir pour se donner du courage. Puis, il se lance et traverse le trottoir, décidé à régler ses comptes et à aller jusqu’au bout.

Le gymnase est abandonné depuis un certain temps et doit normalement être détruit dans quelques mois. Il sera remplacé par un parc pour enfant. La mairie a renoncé à le rénover étant donné qu’un autre gymnase à être construit un an plus tôt et qu’il se trouve à moins de 3 kilomètres de l’ancien.

Ce gymnase est composé d’une grande salle principale qui sert à la fois de terrain de basket et de hand ball. Au fond du terrain se trouve un long couloir avec des vestiaires sur le côté. Le couloir permet d’atteindre une autre salle, composée d’un ensemble de matériaux comme une poutre, des barres asymétriques ou parallèles, mais tout est dans un triste état.

Mais c’est dans la pièce principale qu’ont élue domicile les jeunes dealers. Ils sont au nombre de cinq. Ces derniers écoutent du rap agressif et font circuler une bouteille de whisky qu’ils boivent directement au goulot. Ils rient bruyamment, se moquant les uns des autres. L’alcool commence à faire son effet. Tous les prétextes sont bons pour s’insulter ou se taper dessus.

Shawn rentre dans le gymnase par une petite porte rouillée et traverse le petit couloir sombre avant d’arriver dans la salle de basket. Il fait express d’ouvrir la porte avec violence pour signaler sa présence. Les cinq dealers sursautent, ne s’attendant pas à de la visite. Ils se ressaisissent lorsqu’ils le reconnaissent et se rendent compte qu’il a osé venir seul.

L’un d’eux, celui qui a le visage le plus sévère, le crâne rasé, les épaules voûtées et de gros muscles le regarde avant de cracher de mépris au sol. Il s’agit du chef de la bande.

- T’as des corones pour venir ici, je dois le reconnaitre ! Je ne sais pas comment tu nous as trouvé mais ça va nous éviter de te chercher dans toute la ville. Mon nom est Sidi.

- Je n’en ai rien à cirer. Vous n’auriez pas dû vous en prendre à elle, bande de lâches répond Shawn, d’un ton acerbe et implacable.

Shawn ne sent pas du tout la panique, ni la peur le paralyser. Ce qui l’étonne beaucoup, n’étant pas un bagarreur du tout. Il se sent en colère mais également serein. Il est seul face à cinq individus mais ça ne l’effraie pas outre mesure. Il les regarde d’un air méchant, les dents et les poings serrés. Il ne cherche pas à les intimider en agissant ainsi, bien décidé à en découdre.

- Tu crois peut-être me faire peur ? Tu es ici chez moi et à ma merci. Tu devrais plutôt commencer à faire dans ton froc dit Sidi en serrant son poing pour montrer qu’il peut le réduire en miettes à tout moment.

- Ça te ferait bander, mais désolé, ce n’est pas le genre de la maison, plutôt le tien, je dirai dit Shawn, sèchement.

Les autres le juchent du regard en ricanant, amusé par l’effronterie de Shawn. Ils n’attendent qu’un signe de leur chef pour lui sauter dessus et lui donner une bonne leçon. Pour eux, le jeune intru est totalement inconscient de venir les provoquer seul. Alors en plus insulter leur chef, ce n’était pas la chose la plus censé à faire. Ils savent déjà qu’il ressortira du gymnase sur une civière, les pieds devants.

- Je vous le promets que vous allez tous le regretter ! hurle Shawn, furieux.

- Arrête de parler et passes à l’acte. Enculé ! T’es qu’un petit branleur qui se la raconte.

Shawn fulmine de rage, ne tient plus en place et fonce vers le dealer en hurlant de colère. L’étudiant tombe dans le piège tendu, aveuglé par la rage. Il n’a pas vu qu’une sixième personne était cachée derrière lui. Elle en profite pour lui assener un coup de batte en plein dans les rotules. Le jeune s’écroule à genou en poussant un cri de douleur.