Chapitre 1
Londres, novembre 1885.
Mary ouvrit les yeux. Une main plaquée sur la bouche, elle se dirigea vers la coiffeuse. Elle s’examina un instant et souffla puis s’assit face au miroir. Elle se remémora le rêve qu’elle avait fait.
« Je…je courais dans la forêt, pieds nus, comme une sauvageonne… le vent était doux et caressait mon visage. Dans le rêve… j’étais heureuse. »
Elle secoua la tête. Ses jambes tremblaient. Pourquoi avait-elle peur ? Ce n’était qu’un rêve, rien de plus. Elle déglutit et regarda ses pieds nus, qui glissaient sur le parquet froid, si différent de l’herbe de son rêve. Elle se ressaisit, mais resta perplexe quelques instants. Elle tira sur la petite cordelette rouge, et Eliza arriva presque dans l’instant. Sa flamboyante chevelure rousse était élégamment peignée. Sa robe crème et son tablier blanc faisaient ressortir ses yeux verts pétillants de vie.
Son visage prit une expression inquiète lorsqu’elle vit Mary.
- Tout va bien ? Vous êtes toute pâlotte… z’avez vu un fantôme ?
Mary regarda Eliza et sourit. Son visage reprit peu à peu des couleurs et elle se redressa. Eliza comprit que sa maîtresse ne voulait pas parler de ses tracas et se dirigea vers la garde-robe. Elle ne laissait rien paraître mais elle savait que quelque chose embêtait Mary, qui tapotait nerveusement sa coiffeuse du bout des ongles.
Mary avait 17 ans, et la simplicité de son physique la rendait incroyablement belle. Elle avait un doux visage, encadré par de beaux cheveux bruns et ondulés, bien souvent reliés en un discret chignon. Ses yeux auburns étaient son atout majeur, et attiraient tous les regards.
Eliza lui tendit une belle et longue robe rose pastel, décorée de dentelle, la plus belle de la garde-robe.
Mary s’étonna :
-N’est ce pas ma robe des jours spéciaux ? Pourquoi me vêtir ainsi aujourd’hui ?
Eliza regarda Mary avec compassion et lui répondit
- Nous avons des invités. Ils arrivent par le train de 11 heures, à la gare de Victoria.
Mary s’étonna, oubliant son rêve de la nuit. Personne ne l’avait prévenue, et elle savait d’habitude ce genre de choses à l’avance.
Elle enfila sa robe, se laissa coiffer et maquiller et elle descendit l’escalier pour se rendre dans le petit salon privé. La pièce embaumait le thé vert.
Mrs. Foster était assise au côté de M. Foster, et tous deux dégustaient un porridge préparé avec soin par Johannes, le cuisinier de la famille. Les parents de Mary avaient un air grave, et elle vit que Peter avait réussi à s’éclipser. Quelle chance !
- Qui sont ces gens qui arrivent par le train de 11 h?
- Ton promis et sa famille, Mary.
Mary était abasourdie. Pourquoi n’avait-elle pas été prévenue plus tôt ? Ses jambes se mirent à trembler et son cœur battait la chamade. Son souffle se fit plus rauque et son visage trahissait une certaine détresse. Elle voyait trouble. A l’intérieur d’elle même, elle savait que c’était normal, mais son cœur criait à l’aide. Elle ferma les yeux, pour tenter de réprimer son choc mais elle tomba, évanouie, sur le plancher. Elle entendit tout juste sa mère crier :
- Courez quérir le médecin ! Mary est évanouie !
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, on la mit debout, on lui demanda si tout allait bien.
Mrs. Foster lui donna une tartine au beurre que Mary dégusta. L’horloge indiquait 10 h 15.
Mrs Foster demanda :
- Es tu remise ?
- Oui, Mère.
- Dans ce cas, allons à la gare.
La famille Foster vivait dans le quartier Mayfair, à 30 minutes en fiacre de la gare de Victoria.
Mary enfila un manteau de fourrure, car le mois de novembre débutait, et il semblait que cet hiver serait encore plus froid que les autres hivers.
Une fine couche de neige recouvrait d’ailleurs déjà la cour des Foster et les bottes de Marie faisaient d’élégante traces dans la glace.
Le fiacre arriva avec du retard, ce qui eut le don d’exaspérer Mme. Foster qui prit le soin de sermonner le cocher, ce qui fit perdre encore du temps à la famille.
Mary et sa famille arrivèrent sur le quai 3 avec du retard, mais le train en avait bien plus qu’eux, cela ne posa donc pas de vrais problèmes.
Avec un quart d’heure de retard, le train de 11 heures arriva, enveloppé d’un épais nuage noir. Il se stoppa lentement, et le cœur de Mary battit si fort qu’elle crut qu’il allait imploser. Les portes s’ouvrirent enfin, et un flot de voyageurs pénétra dans la gare. Mary observait avec attention tout les hommes qui sortaient du train, pour essayer de trouver ce promis dont elle ne savait même pas le nom.
Mr.Foster leva soudainement son bras et l’agita. Mary vit trois personnes se diriger vers leur groupe. Celui qu’elle remarqua en premier était le jeune homme qui étudiait sa famille.
Les deux pères de famille échangèrent quelques mots, puis se serrèrent la main. On fit venir deux fiacre pour retourner à Mayfair.
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