Chapitre 2
Mary ne savait pas quoi faire. L’homme qui venait de s’asseoir devant elle était un gros bonhomme rougeaud, d’âge mûr, dont le costume menaçait d’exploser à tout instant. Une petite verrue siégeait sur son nez de manière tout à fait laide. Les quelques cheveux qui lui restaient étaient gras comme le beurre du petit déjeuner. Il se nommait M. Whitaker.
Son épouse, Mrs Whitaker semblait aussi âgée que son époux mais sa grâce lui rendait ses jeunes années. Elle portait une longue robe vert émeraude, et adressa un sourire chaleureux à Mary. Ce fut M.Whitaker qui prit la parole en premier.
- Je suis ravi de pouvoir vous présenter mon fils, Miss Foster.
Mary leva les yeux vers le fils de M.Whitaker. Il semblait plus encore mal à l’aise qu’elle et cela la fit sourire.
Ils échangèrent une poignée de main, et le jeune homme se présenta.
- Je suis Edward Whitaker. Ravi de vous rencontrer… Miss… Mary ?
- Oui, c’est cela, acquiesça Mary.
Edward était un beau jeune homme, grand, brun et à l’air à la fois timide et solennel, ce qui créait un contraste étrange, qui intriguait Mary.
Edward, sentant que Mary ne savait pas quoi dire, et sachant que leurs parents ne seraient d’aucune aide, proposa à Mary de se promener dans le jardin des Foster pour faire connaissance. Mary accepta avec joie, heureuse de pouvoir en savoir plus sur son promis, loin des regards sévères de sa mère et du père d’Edward.
Edward lui tendit son bras. Et une gêne immense envahit soudain Mary. Elle n’était pas habituée à se promener au bras d’un homme.
Il se dirigèrent vers un banc, près des plants de tulipes, muets par l’hiver.
- Je ne sais pas quoi penser de tout cela, dit Mary.
- Pourquoi ? Répliqua Edward, inquiet.
- J’ignorais votre venue, jusqu’à…aujourd’hui, vingt minutes avant de vous rencontrer !
Edward sembla tout d’un coup vouloir dire quelque chose, mais s’abstînt. Il souffla et s’assit sur le banc, invitant Mary à faire de même. Une gêne palpable envahit alors le jardin, et Edward décida de diriger la conversation vers des sujets plus simples.
- Quelle est votre passion, Mary ?
- Euh… je… j’adore chanter ! Et… et je… j’aime beaucoup lire des romans ou jouer du piano. Et vous ?
- J’aime lire des livre, étudier mes cartes ou pratiquer la chasse.
- Oh ! Vous aimez la chasse ? (Mary trouvait la chasse particulièrement détestable). Très bien… mais, Edward quel âge avez vous ?
- J’en ai 20, mademoiselle. Vous… vous en avez 17, c’est cela ?
- Oui.
- Vous m’avez dit que vous saviez…chanter.
- C’est exact acquiesça Mary, perplexe.
- Pourriez vous… chanter ? Demanda Edward, intimidé.
Mary fut étonnée de la requête et accepta :
- Je chanterai…pour vous.
« Ma mélodie
Est pleine de vie
Le jardin s’éveille
Au son de cette merveille
Je laisse ma voix s’échapper
Au milieu des notes décalées
Je m’interroge
Mais ! Voilà l’horloge
Il est midi
Il me faut quitter ce paradis
Aller manger
A mes obligations, retourner…
Dans mon jardin, j’ai chanté
Et je me suis libérée
Au revoir
Petits oiseaux
Et à ce soir
Quand j’ouvrirai les rideaux »
Edward applaudit et complimenta Mary.
-Mais… en parlant de midi … n’est il pas l’heure de rejoindre nos parents et de manger ?
- Si… Mary ressentait une pointe de tristesse. Elle en savait pas exactement pourquoi, mais qu’importe !
Johannes semblait s’être surpassé aujourd’hui :
Un délicieux potage au légumes et aux croûtons dorés précédait un poulet rôti et recouvert d’une délicieuse sauce aux petits oignons, accompagné de pommes de terre, divinement grillées et de petit légumes cuits à point. Suivait une assiette de fromages de tout genres, du plus doux au plus forts, en passant par les plus épicés et les plus…odorants. Un pain fait maison et moelleux comme il le faut accompagnait tout cela. Suivaient ensuite les assiettes de mini-desserts, recouvertes de petites pâtisseries, de viennoiseries ou de fruits confits.
Le repas était complet, sans oublier l’eau cristalline, le vin au bouquet envoutant, le thé de la meilleure qualité possible et le café, accompagné de petits biscuits français, ajoutant une touche d’élégance au repas.
Lorsque chacun fut repu, Mrs.Foster s’inquiéta de Peter.
- Où est ce garnement ? Chuchota elle à Mary.
- Sûrement en ville, à flirter avec de jeunes ouvrières… répondit Mary, agacée de se rappeler que son frère n’avait pas été là pour elle aujourd’hui.
- Vas le chercher, vite ! Il doit être un peu plus bas dans Mayfair, vers le café français.
Mary ne rechigna pas, mais au fond, elle bouillonnait de rage ; oh, oui il allait la trouver, ce garnement.
Elle sortit de Mayfair, car elle savait qu’elle le trouverait à Soho. Ce quartier comptait de nombreux théâtres, bars, salles de musique, cafés et maisons closes. Mary s’inquiétait d’avantage de le retrouver dans le caniveau, soûl, plus que dans une maison close.
Elle le retrouva au Intellectual Nights Café en pleine discussion animé avec un jeune homme de classe clairement inférieure, mais qui semblait en savoir bien plus que Peter sur le sujet de leur conversation, les trains. Mary entendait leur conversation de l’entrée du café, mais elle n’osait aller plus loin. Elle sortit et chercha autour d’elle.
Elle finit par trouver un gamin des rues, en pleine dégustation d’une pomme, sûrement volée à l’étalage, sur le marché de Covent Garden.
Elle s’approcha de lui et lui montra une pièce d’un shilling. Il sembla tout de suite intéressé.
- Qu’est ce que j’peux faire pour vous, mamz’elle ?
- Si tu vas chercher mon frère et que tu me le ramènes, je te donnes 3 pièces comme celle là.
Le gamin accepta immédiatement.
- Il est où votre frère ?
- Au Intellectual Nights Café.
- Il ressemble à quoi ?
- Eh bien, il s’appelle Peter Foster…
- Peter Foster ?! L’est connu dans l’milieu, miss. J’savais qu’il étais noble, mais d’la à dire qu’c’est le frère d’une dame comme vous… bon ! J’vais d’ce pas le chercher.
- Comment tu t’appelles ?
- Tommy, alias le chat, 16 ans de talents.
- Le chat ?
- Agile et rusé. Avec des griffes !
Tommy rentra dans le café et en ressortit quelques minutes plus tard, accompagné de Peter, visiblement frustré d’avoir été sortit du café.
Mary donna quatre shilling au gamin, encore plus heureux d’avoir été payé plus que promis.
Peter et Mary reprirent le chemin de Mayfair. Peter engagea alors une conversation :
- Pourquoi mère t’envoie me chercher ?
- Parce qu’il y a des invités, Peter.
- Des… invités ? Qui donc ?
- Les Whitaker.
- Mais qui sont ces gens ? S’impatienta Peter
- Mon… mon… mon promis. Et sa famille.
- Ah c’est que ça !
- Alors, d’une, M.Peter Foster, je te demanderais de parler de manière correcte et non à la manière des pauvres de Londres, et de deux ce n’est pas « que ça », il s’agit de mon avenir, Peter ! Et toi tu t’en moques…
Mary se sentait blessée par les propos de Peter.
- Non, Mary ! Je t’adore, et je ne me fiche pas de ton avenir, mais tu sais bien que moi et l’aristocratie…
- Écoutes moi bien, Peter. Tu es aristocrate, tu es sensé être respecté des gens… comme… nous. Tu n’es pas sensé te mêler aux gueux de Londres ! Reste à la place qu’on te donne et tout iras bien. Ou alors va vivre à Whitechapel, renie nous et ferais toi oublier de ta famille !!!
Le trajet se termina dans un froid persistant. Lorsque Peter passa le porche d’entrée, il s’arma d’un (faux-)sourire de fayot, et se recoiffa. Mary observa son visage doux’ ses yeux auburns, son nez grec, ses cheveux ondulés. Il n’était pas étonnant que toutes les jeunes filles de Londres ne parlaient que de lui.
Lorsqu’il rentra dans le salon, il se dirigea vers Edward, et le salua.
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