« Maman, que ce doit être cruel que d’être une horloge et de t’aimer. T’attendre, voir passer le temps, seconde après seconde, et de prier pour que la seconde à venir soit plus courte que la précédente ».

La veille, ma mère s’était éloignée de moi. Auparavant, jamais elle ne m’avait laissé seul au DEUS EX MACHINA. Sa destination d’alors se trouvait être Wissembourg. C’est là-haut, dans cette bourgade des Vosges, que son père, le pasteur Jean-Baptiste Dedzer, l’attendait. Leur rencontre, décidée dans l’urgence, allait être d’une importance capitale pour l’avenir d’une personne qui m’était encore inconnue. Seulement les répercussions de leur entretien allaient à jamais dessiner ma vie.

« Que Dieu m’en soit témoin, je te fais la promesse de revenir le plus vite possible, mon ange » m’avait-elle rassuré tout en agitant ses mains tel un chef d’orchestre (son mutisme ne m’avait jamais fait défaut, je la comprenais même au-delà de son handicap ; j’avais l’oreille de ses gestes). À ces mots, l’enfant qui sommeillait en moi s’était alors recroquevillé sur lui-même. La peur m'envahit. J’allais devoir me retrouver seul dans ce chalet aux allures d’un temple de la Grèce antique. « Je reviens te chercher et nous quittons cette maudite demeure. » Sans feindre mon excitation, je lui répondais que oui, que nous allions déserter ce chalet devenu damné et qu’enfin la délivrance prenait le chemin de notre destinée. Bientôt le DEUS EX MACHINA serait  orphelin de ses deux plus illustres habitants, ne laissant aucune issue possible à quiconque voudrait y vivre. Pour arriver à ses fins, ma mère voulait y mettre le feu. Créer un incendie des plus mémorables pour ainsi emporter dans ses flammes la plus insoupçonnable des entités fantômes.