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L’histoire commence à l’heure des premières découvertes sur soi-même ainsi que sur l’émerveillement de nos semblables. Tous les trois fréquentions la même école maternelle. L’établissement se trouvait à Richevalet et portait le nom d’un illustre aviateur, auteur d’un roman intemporel. Nous étions en 1977, au début du mois de février, j’en finissais avec mes quatre ans. « Mes » deux petits morveux se trouvaient, eux, être un jeune garçon de six ans ainsi qu’une jeune fille du même âge. Il s’appelait Nicolas. Elle se nommait Gwendoline. Tous deux formaient un véritable couple de tortionnaires vis-à-vis des autres petits enfants de notre école. Leur domaine de prédilection afin de satisfaire leurs intentions malsaines se trouvait être la cour de récréation, lieu où d’autres petits morveux se pressaient de ne pas les froisser de peur d’être leur prochaine victime. Comme beaucoup d’autres de mes soi-disant camarades, j’avais peur de ce binôme bête et méchant. Alors, consciencieusement, j’évitais, prudemment, de m’approcher de ces deux garnements. Je les regardais de loin et cela suffisait amplement à ma curiosité. Nicolas, nouvel arrivant dans notre si sympathique établissement fut très vite le grain de sable qui enrailla la belle mécanique de notre Maternelle. Celui-ci n’avait pas pour lui un physique facile. Très grand, le visage blafard, il avait les yeux noirs avec pour coiffe des cheveux roux taillés en brosse. Très maigre, il courbait le dos et puait aussi. Toujours mal fagoté, avec son éternel pull à col roulé vert foncé et son pantalon en toile rouge, celui-ci me donnait l‘image d‘un pouilleux. Sa seule arme afin de nous intimider se trouvaient être sa voix, stridente, dont on ne pouvait guère taire injures et autres provocations, véritable verve de sale manipulateur prétentieux, . Gwendoline par contre était très belle. Elle avait pour elle tous les atouts d’une demoiselle coquine, soignée et avenante. D’ailleurs, son charme de fillette incendiaire ne me laissait pas indifférent, et j’en devenais presque jaloux de la voir toujours en si mauvaise compagnie avec cette crapule de Nicolas. Au vrai, et je t’en fais la confidence, j’en pinçais pour elle d’un amour non autorisé aux yeux de son complice. Très souvent, je m’imaginais être son chéri, son chevalier servant qui viendrait la sauver des griffes de l’infâme garçon au look grotesque. Je vouais à sa beauté espiègle et mutine un véritable culte contemplatif. Fut un temps, avant que Nicolas soit placé de son « asile » dans notre très chère garderie, Gwendoline au courant de mon attirance pour elle, sut habilement profiter de moi comme un bon toutou apprivoisé. Séductrice, Gwendoline, la mignonette au large sourire enjôleur, m’ordonnait telles ou telles affaires afin de l’aider et cela sans que je rechigne à ses quatre volontés. Je lui accordais gracieusement mes services que j’effectuais avec l’espoir d'avoir un jour un seul de ses baisers. Amoureux et peu clairvoyant, j’étais abruti par mes sentiments afin de lui plaire, car sans le savoir cela allait jouer en ma défaveur. Car, vois-tu, ami, j’étais l’aveugle providentiel à sa soif d’injonction. Et quoi qu’aient pu me dire mes homologues en culottes courtes sur ma duperie un brin délicieuse, je m’inclinais devant son charme, car oui, je la trouvais sublimement belle. Comme une seconde nature, elle savait se soigner et se faire élégante. Ses longs cheveux noirs toujours attachés par des chouchous de couleur rouge grenat lui dessinaient de chaque côté de la tête deux charmantes et magnifiques couettes. Chaque fois parée de jolies robes attrayantes, elle sublimait de son apparence superbe, les lieux un tantinet tristounets de notre Maternelle néanmoins adorée. Seulement, et le revers de la médaille peut être cruel, la pauvre jeune fille avait beaucoup de peine à s’exprimer. Vulgaire, elle se trouvait dotée d’un vocabulaire au rabais, et cela la marginalisait des autres petites filles de son âge. N’empêche, Nicolas et Gwendoline, malgré leur différence, se sont trouvés, et sans jamais le faire paraître, à mon grand désarroi, je les devinais s’aimer en secret. Certes, ils formaient un couple étrange et étonnant, voire déroutant pour l’entendement, mais de nous tous, ils étaient les plus pernicieux. Toujours à l’affût d’une remarque désobligeante envers celles et ceux qui voulaient, par inconscience, leur tendre la main pour jouer à leurs jeux d’enfants niais et stupides, ils se faisaient rembarrer tout aussi sec et devenaient pour un temps leurs souffres douleurs. Bizarrement, ces authentiques perturbateurs dégueulasses, n’étaient pas les mêmes qui me taquinaient. Étant moi-même source de moquerie à cause d’un physique malheureusement plus proche d’une fillette éplorée que d’un roc masculin, j’étais souvent titillé par d’autres petits morveux, qui par leur méchanceté tentaient d’exister à la vue de quelques joyeux bambins qui se foutaient royalement de me voir ainsi ridiculisé. Mais vint un jour nouveau où je devins l‘élu. En plein après-midi, à l’heure de la récréation où il était impossible d’aller dehors tellement il pleuvait comme vache qui pisse, toutes les classes s’étaient réunies dans la grande halle de notre Maternelle afin d’y faire un jeu. Et c’est là que, sous le regard de toute une assemblée de petits morveux, je fus choisi pour être celui à qui l’on bande les yeux afin de jouer à colin Maillard. Insensiblement, pendant notre divertissement, j'eus une envie pressante. N’osant pas interrompre le jeu et ne pouvant plus me retenir, je pissais alors dans mon beau pantalon de velours marron. « Pipi, j’ai fait pipi », geignis-je, en me mettant à pleurer tel un nouveau-né. C’est alors que des petits rires moqueurs fusèrent de tous cotés pour après m’entendre être insulté de bébé. Tous reprenaient en cœur : « Bébé ! Bébé ! ». Honteux, immobile les deux pieds dans ma pisse, je restais là, penaud, trop lâche d’être ainsi vu par les autres enfants qui, amusés, se gaussaient de mon infortune. Aussi, je gardais le bandeau sur mes yeux, comme abandonné, seul au monde. Malgré l’incident malheureux, depuis cet épisode de déshonneur avilissant où je fus la risée de tous, Gwendoline fut prise par une étrange complaisance à mon égard et cela suivi de très près par la bienveillance de Nicolas. Epris de tendresse à la vue de ma détresse sans réponse, ceux-là, aussi surprenant que cela puisse paraître, ont fait de moi leur meilleur camarade de jeux. Dès lors, je fus leur nouvel ami. Leur amitié envers moi était si forte qu’elle fut comme une sorte d’abonnement à ma personne, et cela aux yeux de tous, insistant même à ce que l’on reste toujours ensemble. Chaque jour passé avec eux, était pour moi une grande joie, car je me savais protégé des autres petits morveux, qui, curieusement, n‘osaient même plus m‘adresser la parole ou même me défier du regard tant ils craignaient mes deux nouveaux camarades. Dès l’heure venue de la récréation, ils me prenaient à l’écart des autres, tout en sachant être comique et adorable envers moi. Nicolas, en véritable humoriste, savait me faire rire à gorge déployée. Toujours très complice, il me faisait des grimaces aussi difformes que celles d’un singe clownesque. Très souvent, il parodiait d’autres petits morveux de la cour de récré qui, impuissants, en prenaient pour leur grade. Quant à Gwendoline, en réponse à mon souhait le plus fervent, celle-ci n’arrêtait pas de m’embrasser. Une fois sur les joues, une autre fois dans le cou, et cela avec une infinie tendresse. Et telle une grande sœur, elle me câlinait tendrement. J’étais aux anges. Néanmoins, et tu le devines déjà, ma crédulité envers cette soudaine alliance n’avait pas d’égale, car en rien je ne voyais le manège machiavélique de mes compagnons d’un temps qui grâce à une ruse habile se jouaient de moi et de ma naïveté enfantine. Au vrai, bien avant notre soudaine amitié, un Judas avait parlé aux oreilles de Nicolas. Au courant de mon attirance envers sa belle, Nicolas le jaloux a su, au moment le plus propice de ma vulnérabilité, me piéger avec pour appât sa bien-aimée. Mais que pouvais-je réellement soupçonner, lorsque l’un le bras sur mon épaule, l’autre le bras autour de ma taille, ils m’encerclaient d’amour et d’amitié? Non, vraiment en rien je ne pouvais les soupçonner d’être inspirés par des idées malveillantes envers ma frêle personne et ma timidité généreuse, car tu l’auras compris, la « vérité » était tout autre. Sans que je comprenne pourquoi, peu à peu, notre belle amitié s’est vue changer en inimitié. A l’image de deux diablotins, ils se jouèrent de moi et de mon innocence de jeune garçon apeuré. Au fur et à mesure que les journées passèrent j’étais devenu leur distraction préférée dont j’étais l’inopportune vedette. Tel un pantin, je fus leur joujou avec lequel l’on se distrait de farces et de remarques moqueuses. A croire qu’ils n’étaient jamais rassasiés de leur appétissante proie. Seul désormais, à l’écart des autres qui n‘avaient plus aucune sollicitude envers moi, je me voyais piégé par leur feinte adroitement élaborée. Alors, dépité, j’endurais en silence, dans la discrétion la plus abjecte un véritable harcèlement. Puis vint le jour de mon anniversaire, le mercredi 23 Février 1977. Je me souviens que c’était un jour frisquet, grisâtre et pluvieux où mes deux tortionnaires qui pris d’une soif de facétie envers ma personne, avaient échafaudé un stratagème ingénieux au goût douteux. Ce jour-là, à l’heure de la récréation, Nicolas me fit une surprise. Il s’agissait d’un appétissant biscuit rond nappé d’un délicieux chocolat fondant. Afin que je puisse m’en délecter, Nicolas me conseilla d’aller dans les toilettes pour de ne pas aguicher quelques regards envieux. Espérant voir notre amitié repartir au galop et trop heureux de ce cadeau, je saisi le biscuit ragoûtant, et, telle une flèche voulant atteindre sa cible, j’allai me cacher. Alors que j’étais assis sur l’une des cuvettes des W-C, alors que je me délectais paisiblement de mon précieux biscuit, je vis mes deux petits morveux pénétrer dans l’antre scatologique et pissotière de la cour de récréation. Nicolas et Gwendoline vinrent se mettre devant moi, immobiles, sans dire un mot. De mon regard hébété posé sur eux, je lisais sur leurs visages une étrange expression de perversité. C’est alors que Gwendoline se rapprocha de moi, claquant le talon de sa botte sur le ciment froid et stérile. Notre soudaine promiscuité m’effrayait, troublant considérablement ma bulle de confort. Je trouvais Gwendoline inquiétante et même sauvage prête à me dévorer telle une lionne sur sa proie tétanisée par la peur. Je réalisais que je me trouvais dans une situation dès plus inconfortable qui n’augurait rien de bon. Qu’allait-il m’advenir désormais ? Je voulais fuir. Partir. Quitter ses lieux où je sentais une menace s’abattre sur moi. Quand soudain, sans que je m’y attende, Nicolas ordonna à Gwendoline : « vas-y ! ». La féline bondit alors sur moi pour me faire chuter de la cuvette des toilettes où quelques instants auparavant je succombais à ma gourmandise dès plus plaisante. Sans que j’eusse le temps de me rendre compte de ce qui se passait, Gwendoline me plaqua à même le sol, en me maintenant solidement de tout son poids. J’avais beau me débattre, en rien je ne rivalisais avec sa force. J’allais crier au secours mais au moment d’hurler ma détresse celle-ci plaqua sa main sur ma bouche en me sommant de me taire, « ta gueule, le bébé ! » C’est alors que vint poindre le nez de mon futur agresseur lorsque Nicolas entra en action. Son assaut n’allait pas être des meilleurs goûts. Avec un vice que je ne pensais pas être croyable à nos âges, en un tournemain Nicolas me dessapa de la quasi-totalité de mes vêtements. Chaussures, pantalon, slip, tout ou presque y passa. A moitié nu, laissant apparaître aux yeux de ma belle Gwendoline mon sexe d’enfant de 4 ans, j’étais affolé. Je battais de mes jambes maigrelettes le sol faisant danser mon pénis sur mes testicules toutes fripées. Je hurlais d’un cri sourd mais personne pour m’entendre ou même venir à mon secours. J’étais aux prises de mes deux petits morveux. Alors vint le moment de l’humiliation suprême. Nicolas, tout en me regardant de ses yeux haineux dans mes yeux exorbités, (défiant ainsi ma détresse sans aucun embarras), baissa la braguette de son pantalon et en sortit son sexe au prépuce serré. « Alors, bébé fait pipi. Bébé aime ça le pipi. En voilà du pipi. » De son pénis se mit à gicler une urine marron et nauséabonde, m'arrosant d'un liquide chaud et acide, brûlant ma peau en la souillant à jamais par sa vilénie. « Salaud ! » Hurlais-je dans un élan de révolte, délivrant ma bouche de la main de Gwendoline. Entendre ma haine, Nicolas fît mine d’en être amusé, cela encouragea même ce parfait salopard à pisser sur mon propre sexe. L’urine abondante me donnait l’impression douloureuse d’être transpercé par des coups de canifs. « Arrête ! Arrête ! » Le suppliais-je à plusieurs reprises, « Arrête salaud ! ». Mais rien n'y faisait. Pour rien au monde il ne cessa de me pisser dessus. Je l’invectivais d’injures, expulsant une frustration bien compréhensible, « Salaud ! Salaud ! Salaud !» l’injuriais-je en continu. « Mais il va se taire le bébé », dit alors Nicolas. Alors, afin de cesser mes injures il se mit à viser de plus près mon visage, commettant l’horreur de pisser sur mes lèvres laissant l’amertume de sa pisse dégueulasse s’introduire dans ma bouche. Souffle, souffle, recrache cette saloperie, Joseph, me dis-je. Mais je n’en pouvais plus, j’avais beau me débattre, j’avalais par soumission la pisse de Nicolas tout en vomissant mon écœurement. Alors capitulant face à cette agression dès plus traumatisante, je rendis les armes.
Étrangement, alors que j’étais meurtri par terre sans plus aucune réaction, vint naître en moi une émotion intense. Une émotion si forte qu’elle me parcourra tout mon être. Des frissons des plus malsains firent danser mon corps tel un envoûtement maladif. Aussi, je crus que sur le moment j’allais exploser, crever sur l’instant, hurlant ma mort à venir. J’aurais voulu pousser un cri funeste expulsant toute mon infortune jusqu’à montrer à mes deux morveux, dans l’instant d’un battement de cœur, une force surhumaine faisant éteindre la continuité du temps et pour jamais leurs vies de scélérats.
Ce trouble soudain n’était autre que la colère, primitive et complaisante. Elle fut si forte, si violente que pour la première fois de ma vie une envie de nuire se confondait en moi avec une profonde empathie pour toutes les colères entérinées par mes confrères humains.
Et quant je revins à moi, lorsque je rouvris les yeux, je revis Gwendoline et Nicolas, tels deux zombies. Ils étaient stoïques, avec dans leurs yeux un regard impassible, comme s'ils étaient vainqueurs d’une bataille sans bravoure, d’un exploit sans scrupule. Je crus rêver.
Ami, voilà donc le récit de mon traumatisme douloureux. Voilà donc ce qui s’est passé.
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