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ALORS, QUOI D’AUTRE ? Quel fabuleux tour de passe-passe allais-je bien pouvoir trouver pour me sortir d’une situation qui horrifiait ma raison ? Une situation où je voulais attenter à mes jours. Un air de musique peut-être ? Un vieux disque vinyle d’opéra traînait là sur la commode où se trouvait un gramophone qu’autrefois ma mère et moi aimions faire jouer pour écouter Offenbach afin de valser sur « Belle nuit, ô nuit d’amour ». Justement, il s’agissait d’Offenbach et de sa barcarolle. J’aimais ce morceau, et surtout cet enregistrement, car ma mère y chantait.

Parfois, et c’est avec toute bienveillance que je te le confesse, pendant les quatre minutes et quelques secondes de cet air d’opéra, je trahissais ma mère honteusement avec une autre. Oui, une autre. « Belle nuit, ô nuit d’amour » me laissait aller au plaisir de la jouissance suprême que seul procure les réels fantasmes, car là où corps à corps je dansais avec la plus désirable des femmes, mon esprit, lui, en revanche vagabondait et s’imaginait vivre une tendre relation amoureuse avec une fille, douce et câline, feux éternel d‘un amour d‘arcane.

Cette fille était toujours la même, et tant pis pour la comparaison un peu mièvre, elle était pour moi aussi flamboyante qu’un crépuscule d’un soir d’été. Elle répondait au doux nom de Jiznée. Ah, Jiznée ! Encore aujourd’hui ton nom résonne en moi comme une douce mélodie. Quel âge pouvais-tu bien avoir ? Quel âge peuvent bien avoir les anges ? Quatorze, quinze, seize ans ? Et qu’ai-je donc vécu comme aventure en ta compagnie? DIEU seul serait en témoigner. Moi, en tout cas je le savais.

Fleur bleue, je nous voyais ensemble, côte à côte, main dans la main, assis près d‘un lac, tous deux enlacés, où tu me murmurais comme à chaque fois après ton dernier baiser un « je t’aime », auquel cas je répondais très subrepticement après un tel aveu, par un « je t’aime, moi aussi ». Et à l’unisson de nos deux cœurs qui n’avaient de cesse de battre la chamade, nous nous abandonnions pendant un court moment afin de s’évanouir de joie et de plénitude en savourant la beauté de l’instant présent. « Jouissance mon ami, tu sublimais mes rêveries ».

Jadis, avant même de te réaliser à travers mes songes, exquise Jiznée, je m‘imaginais seul cette fois-ci, en homme d’âge mûr dont l’âme désemparée me guidait au bord de ce même lac où là, allongé sur l’herbe fourni, perdu dans mes rêveries, je venais me reposer, tel un souffreteux épuisé par un long périple. Somnolant au clair de lune, j’espérais de tout mon être qu’une jolie demoiselle vienne caresser de ses doigts délicats mes lèvres purpurines afin que je m’éveille avec pour première image l’éclat de son visage.

De visage, sylphide Jiznée, tu n’en avais point. Tu aurais été la progéniture d’un démon que je t’aurais désiré. Oh, oui ! Désiré.

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