Comme tu peux le constater, ami, j’étais, autrefois, un doux rêveur. J’avais l’art de duper la réalité afin d’exciter chacun de mes fantasmes. Dans ce domaine, Jiznée était le brasier qui enflammait toutes mes rêveries. Elle était le fruit défendu d’une imagination luxuriante.

Mais pour l’heure, laissons place à la musique. J’abandonnais ma défunte mère afin d'écouter « Belle nuit, ô nuit d’amour ».

Dès les premières notes, je me savais empli d’une émotion submersible. Celle qui vous donne le frisson. Je me laissais aller au charme si merveilleux des instruments de musiques, tel que le violon ou la flûte traversière qui de part leurs sonorités me rendaient ivre de joie à m’en faire tourner la tête.

C’est alors que…

C’est alors que dans ce tourbillon d'allégresse, si étourdissant soit-il, advint un miracle.

Alors que je nageais dans un bain d’émotion dans lequel je me serais laissé emporter à mille lieues de « la claire fontaine », quelque chose d’extraordinaire se produisit en moi. Quelque chose qui allait à tout jamais m’inscrire au panthéon des hommes sacrés par la main de DIEU. Dans l’instant de cette étrange affaire, je vis dans mon champ de vision apparaître une multitude de scintillements. Des scintillements semblables à de minuscules étoiles qui, de part leurs éclats, brillaient tels des diamants sur le beau voile bleuté d’un ciel nocturne. C’est alors que je pris conscience que quelque chose de particulier en moi se déjouait sous mes pieds.

Dans un élan spontané et incontrôlé, je fus saisi d’une réaction étonnante. Sans vraiment comprendre pourquoi, sans être au fait de ce qui allait advenir, lentement, tout en me laissant bercer par la douce mélodie qui au fur et à mesure me ravissait, je me suis mis à rire.

Et je riais, ami. De bon cœur et avec le sourire aux lèvres de surcroît. Et si je riais ainsi, à gorge déployée jusqu’à m’en étouffer, rien de ce qui allait prendre vie sous mes yeux, pouvait me faire augurer que j'allais entrer dans une toute autre dimension. C’est alors que, tout en m’esclaffant d’aucune raison logique, advint l’intervention divine.

Comme par enchantement, comme par l’effet miraculeux d’un coup de baguette magique, j’avais en moi, dans ma tête, au sein de mon cœur étourdi, la superbe et jouissante sensation d‘avoir un nombre infini de soleils rayonnants de mille éclats étincelants.

Ami, promets-moi de ne jamais rien dire à la mémoire de qui que ce soit, je passerai pour un fou, mais en cet instant, sans que j’en fusse averti, je venais d’être touché par la grâce. Dans tout mon être, comme dans toute ma chambre, tout, absolument tout m’apparaissait merveilleux. Aussi, à cet exhaustif chambardement sensoriel, à cette féerie qui s’agitait à l’intérieur de moi, j‘allais m‘évanouir par tant de jouissance.

Seulement, les yeux bien grand ouverts, la main appuyée contre le mur qui me soutenait de tout mon être, je restai debout, toujours radiant et riant, ébloui de part cette offrande divine qui me chatoyer agréablement le cœur. L’ardeur d’une envie de vivre qui faisait défaut dorénavant à feu ma mère se trouva, soudain, démultipliée, décuplée en ma personne.

Oh mon DIEU ! Quelle joie, quel bonheur envahissait tout mon être à cet instant ? Quels heureux cadeaux allais-tu m’offrir ? Pourquoi ce fabuleux présage à contrario avec la perte de celle que j‘aimais le plus au monde ?

J’ai ri et j’ai ri le temps d’une minute et demi jusqu’à l’instant où dans un éclat de rire une larme coula sur l’une de mes joues. Et c’est ainsi, de la naissance de cette larme, qui n‘avait de sens que celui de n‘avoir jamais soulagé la miséricorde de quelques milliards d‘êtres humains, que Jiznée m’apparut à quelques mètres devant moi dans toute sa magnificence.