« Belle nuit, ô nuit d’amour » venait de jouer sa dernière note et avec elle notre baiser définitivement terminé. Dans la chambre, Jiznée et moi pouvions entendre le saphir du tourne-disque qui faisait crépiter les derniers sillons du disque vinyle d’Offenbach.

Pendant que la peau de nos lèvres se détachait l’une de l’autre, j’ouvris grand mes yeux. Mon regard balaya de gauche à droite le visage de Jiznée. Je réalisais la chance que j‘avais d‘être en sa compagnie. Jiznée était d’une beauté rare qui dépassait les limites de mon imagination.

Alors que ses yeux restaient clos, je sentais en elle l’envie de profiter de ces derniers instants de proximité afin de s’imprégner de l’atmosphère planante qu’avait suscité notre baiser.

Enfin, elle ouvrit les yeux, et, ô surprise, son regard s’était métamorphosé. L’ingéniosité de son regard avait fait place à une profonde tristesse. Sa mélancolie me bouleversa.

Quel trouble venait la hanter à cet instant ? Pourquoi ce regard désemparé après avoir échangé notre premier baiser ? Deux questions auxquelles je voulais à tout prix élucider les mystères.

Puis, avec toute simplicité, elle se détacha de moi. Elle recula d’un petit pas, puis de deux. Et, de son index posé sur sa bouche aux lèvres gourmandes, d’un baiser elle déposa son doigt sur mes lèvres encore toutes bouillantes de notre baiser que jamais, oh non jamais de ma vie, je n’allais oublier.

Et c’est là, après ce geste gracieux, qui n’avait d’autre signification que de m’émouvoir au plus profond de mon être, qu’elle prit pour la première fois la parole. C’est alors qu’elle fit entendre sa voix désenchantée au son velouté :

« Rejoins-moi, Joseph. Je t’en prie, aide-moi. »

Après ces quelques mots, elle quitta « la claire fontaine », s‘en allant par où elle était apparue, laissant derrière elle planer son parfum, ce doux parfum aux pétales de roses.