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Ami, j’ai du courir cinq à six minutes, peut-être plus. J’étais assoiffé, complètement exténué par l’effort que je venais de fournir. Couchée par terre, Jiznée était posée là, ses longs cheveux dorés recouvrant à moitié sa figure devenue pâle. Terrifié, désarmé devant ce spectacle funeste dont j’étais l’acteur malheureux, je pris la fuite. Oui, ami, je renonçais, résigné à abandonner ma Jiznée sur ce chemin inconnu où le soleil brillait de mille feux à présent.

Après une dizaine de minute de marche, je sortis de cette forêt, atterrissant sur une route de campagne. Là, en plein milieu de la route déserte, les deux mains posées sur mes genoux, j’étais épuisé. J’essayais tant bien que mal de reprendre mon souffle. J’en avais assez de toute cette histoire rocambolesque dont j’étais l’inopportune proie. J’étais, depuis hier, la cible d’une force étrangère. Une force d’autant plus inexplicable que je ne me faisais guère à l’idée qu’elle était à l’origine de tous ces événements survenus depuis la mort de ma mère.

C’est alors que, complètement échiné, je m’avachis sur le sol, le dos sur l’asphalte, les bras dépliés. Soudain, ce même sol se mit à vibrer. Oubliant la fatigue, je redressais la tête. C’est alors que je vis rouler au loin avec empressement une voiture blanche aux allures faussement sportive. Harassé de douleurs, je priais que cette voiture me roule dessus et qu’elle mette un terme à ce cauchemar qu’est devenu ma vie.

Mais il en fut autrement. La voiture s’arrêta non loin de moi faisant crisper ses pneus. Le chauffeur fit vrombir le moteur de son automobile deux à trois fois puis me klaxonna dessus en me houspillant, m’ordonnant de dégager de là. Mais j’étais trop las, trop enclin à l’épuisement afin de réagir et de déguerpir.

Voyant que je ne bougeais pas, j’entendis alors l’automobiliste ouvrir sa portière. Une autre portière s’ouvrit à son tour, le moteur tournait toujours. J’entendis des pas ainsi que des claquements de bottes à talons aiguisés qui claquaient sur le bitume.

« Ils sont deux. » me répétais-je tout bas. « Vont-ils m’aider ? Me sortir de cette mauvaise farce ? ».

Que nenni ! J’allais devoir encore prier. Mon espoir s’envola aussi vite qu’elle était venu quand je reconnu Nicolas à sa voix lorsqu’il voulut s’adresser à moi en des termes qui le caractérisaient très distinctement :

« Putain ! Putain de nom de DIEU, mais qui voit-on là Bunny, c’est notre Super-héros, c’est notre enfoiré de première classe ! ». « Merde ! Pensais-je abattu, encore eux. Encore sur mon chemin ces deux petits morveux. » Je n’en pouvais plus, j’en avais trop vu, la coupe était pleine. Alors, par désinvolture je leur lançais ces paroles grossières :

« Laissez-moi tranquille, tas de merde répugnante, ou sinon…

— Ou sinon quoi, espèce d’enfoiré, tu vas appeler ta Maman chérie pour qu’elle vienne nous gronder ?

— Ou sinon, je vous tue, tas de fumier ! Vous entendez, je vous tue !

— Ouh, là, là ! Je tremble tellement tu me fous la pétoche, mon salaud ! Tu me menaces, hein ? C’est ça, sale ordure ? Tu vas le regretter amèrement.

— Salopards, rétorquais-je.

— Oui le pire des salopards mon salaud. Mais, par simple curiosité, pourquoi t’es à poil avec du sang sur toi ? Non mais c’est vrai, hein Bunny, d’où tu viens comme ça, t’as tué un chamois avant venir ? » Ils se mirent à éclater de rire.

« Laissez-moi tranquille, allez-vous en. Je vous en supplie, fichez moi le camp.

— Ferme ta gueule, espèce d’enfoiré ! T’as voulu m’entuber tout à l’heure à l‘Alpha, hein ! Tu vas voir si on entube Nico, enfoiré de mes couilles ! N’est-ce pas, Bunny ? Dis-lui toi qu’on n’entube pas Nico !

— On va te laminer la tronche mon chéri. On va t’exploser la tête à coup de barre de fer ! dit-elle, complètement camé. »

C’est alors que je fis entendre mon hurlement le plus bestial :

« Foutais-moi la paix ! Foutais-moi la paix ! Bande de petit morveux ! ».

Sans être interloqués, à cela, ils tournèrent les talons pour se diriger vers la voiture comme si ma colère n’avait aucun effet sur eux.

De la banquette arrière, Nicolas fit glisser un sac de sport par terre. Il l’ouvrit en grand, et en sorti deux battes de Base-ball. Il donna une des battes à Gwendoline qui s’était assise pendant un moment sur le capot. Puis tous deux, l’un frappant sa batte au creux de la paume de sa main, et l’une la faisant trainer sur le goudron, ils s’avancèrent vers moi.

« Qu’est-ce que vous allez me faire ? Leur demandais-je, allez-vous donc me laisser en paix ? »

Ils ne dirent aucun mot. Dans leur regard, ils me narguaient d’un air stupide, bête et méchant.

Après avoir craché par terre, ils se mirent au-dessus de moi, brandissant vers le ciel leurs battes de Base-ball. Et là, je me mis à hurler à la mort, une terrible « vérité » :

« Je veux vivre ! Laissez-moi la vie ! ».

À ce même moment très précis, les deux coups de battes auraient du venir s’écraser sur mon crane d’une force à tout bousiller, réduisant ma cervelle en bouillie, cependant advint un miracle.

Alors que j’étais sous la menace d’une situation dramatique sans issue, une personne vint opportunément la dénouer en me sauvant de mes deux petits morveux. Oui, ami, enfin mon deus ex machina advint.

Il advint au son du tonnerre, aussi électrique que la foudre, aussi rapide qu’un éclair. Un homme immense à la peau noire, dont la seul tenue se trouvait être une jupe de gladiateur en peau de lion, surgit de nulle part pour me délivrer de ma sentence heurtant mes deux petits morveux d’une charge de son épaule gauche, comme si celui-ci voulait défoncer une porte blindée.

De cette attaque sans frein, le croiras-tu, Gwendoline et Nicolas en furent atomisés dans un halo de lumière étincelant.

Je ne réalisais pas ce qui venait d’advenir, j’étais sous le choc.

L’homme noir se posa au dessus de moi, impérial et mystérieux. Il respirait calmement, sa tête devant le soleil. À aucun moment, je ne pus discerner son visage. Seul ses yeux étincelaient resplendissant telle deux flammes intermittentes.

Soudainement, une de ses grandes mains vint s’appuyer délicatement sur tout mon visage, obstruant mon champ de vision me laissant dans le noir complet. De cette main chaude et protectrice qui enveloppait toute ma tête, curieusement, je sentis, dans l’instant d’après, un poids énorme qui se dégageait de tout mon être, je me sentais léger comme une plume d’oiseau emportée par le vent.

J’avais une impression de bien être, de plénitude totale. Intérieurement, une immense chaleur me réchauffa et me fit rire de joie. J’étais hilare, allègre et insouciant de ce qui pouvait advenir. Je souris en moi à ce bonheur intense qui me protégeait de tout. Encore une fois j’étais touché par la grâce. J’avais l’impression que Jiznée vivait en moi. C’était l’extase.

Saoulé par tant de joie, une fatigue tenace alourdie mes paupières devenues le couvercle de ma futur transfiguration à venir.

Ami, le soleil aurait pu brillait de mille feux que sans aucune gêne, j’aurai pu l’observer telle une étoile dans la nuit.

Dès lors succombant à la paisible tranquillité de l’instant, je m’endormis.

SILENCE.

Ami, si les faits peuvent te paraître étranges depuis le début de mon récit, attends-toi encore à des bizarreries aussi grandiloquentes que grotesques. Car bientôt un choc d’une fulgurance inimaginable va frapper. Car bientôt viendra se mêler à mon existence un être « superbe », une personne rare et supérieure, d’une éminence chère et inestimable. Et cet humain dont je te vante l’excellence et dont ma vie va être sellé à la sienne à tout jamais, n’est autre que : Itane Bel.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

À suivre...

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