CHAPITRE PREMIER N°1
DEUXIÈME PARTIE
LES ROSES DE LA VIE
« Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie ».
Pierre de Ronsard
CHAPITRE PREMIER
1
Ami, je dois être sot ! Ou être le plus abruti des écrivains.
Aussi surréaliste que cela puisse être possible, j’ai détruit tout ce que je venais d’écrire. Dans un élan de colère, j’ai carrément mis le feu au début de mon chapitre premier de cette seconde partie sans que je m’en autorise la faute.
Pourquoi ai-je fait cet acte imbécile ? Je ne saurais t’en expliquer la raison.
À nul autre pareil, il me semble que je suis conscient de mes faits, bien installé dans mon fauteuil de bureau, mes deux pieds dans mes pantoufles, la robe de chambre sur moi et la tête bien vissée sur mes épaules. En aucune façon, je ne vois guère dans quel intérêt que ce soit, je pusse, comme cela, m’amputer volontairement d’un texte dont j’avais la réelle impression que celui-ci se trouvait être bon, voire même excellent, à l’image d’un texte écrit sous la plume d’un génie.
Qu’avais-je bien à lui reprocher à ce texte pour que, sous l’égide de mon regard critique, je ne sache en rien l’apprécier ? Cette rédaction, fut-elle à ce point si froissante envers ma personne pour que je ne le supporte pas à mon souvenir ressassant ?
Diantre ! Qu’avais-je bien pu rédiger, ami ? Je souffre, à regret, de ne plus m’en rappeler. Pourtant, il me vint au plus profond de ma mémoire une bribe de phrase dont la sémantique me donna la nausée. Seule, je la vois s’écrire en lettre d’or dans l’imagerie de ma tête vide. Aussi, je te la livre comme je l’entends, prononcer distinctement d’une voix venue d’outre-tombe : « …ami, je suis en mesure de t’informer d’une terrible affliction qui m’a été donné… dans des eaux calmes mais prêtes à me noyer… ».
Étrange que j’aie pu écrire cela. Je ne me pensais pas être à ce point aussi morbide. Désormais, je ne sais par quelle astuce je vais rebondir pour donner suite à mon récit.
À l’instant même où j’écris ces phrases, tu me vois fébrile et désarçonné. Et pourtant, il va bien falloir te le narrer ce chapitre premier. Il en va de ma responsabilité. De mon devoir. De mon engagement envers toi. Voyons un instant, que pouvait bien être cette terrible affliction ? Réfléchis, bon Dieu. Réfléchis, vieille bourrique ! Est-ce en rapport avec le châtiment que l’on me condamne ? De cette amnésie partielle qui fait de moi l’impensable victime d’une circonstance ordonnée par DIEU lui-même ? Quoi ? En rien je ne t’avais mis au courant ? Mais, ami, sais-tu que je suis tombé dans l’oubli. Personne d’autre que toi sait qui je suis et d’ailleurs moi-même, je me la suis posée l’inévitable question : « qui suis-je, au juste ? » Rien. Non, rien ne m’est venu en mémoire, pas le moindre nom, pas le moindre prénom. Seul mon reflet dans un miroir me rappelle à mon visage familier.
Ami, une explication s’impose, non ? À ce stade de ce récit, elle serait la bienvenue afin que tu puisses me lire et me comprendre sur ce qui va suivre. Car avant même d’être l’idée d’un être muni de pensée, une punition m’a été infligée. Comme la prévention est mon alliée et qu’elle écrit ma vie, je suis en mesure de t’informer des quelques faits à propos de cette terrible affliction qui m’a été donnée.
À l’heure de mon second souffle, en rien tu ne sais où je suis ? Pourtant, je vais renaître sous la volonté du divin dans un LIEU HAUTEMENT CABALISTIQUE. Car, oui, j’existe, certes - et cela tient du miracle -, mais dans ma tête au plus lointain de mes souvenirs enfantins, je ne me rappelle rien. Je suis, et je ne sais pas pourquoi, devenu amnésique.
En rien, je ne me souviens de ma mère, cette femme à la peau douce et brunâtre, qui me faisait autrefois chavirer d’un orgasme étourdissant. Ni même, de cette folle soirée où j’ai pourchassé le cœur de Jiznée. Pareil pour ce sacrifice au nom de l’amour, que Jiznée a voulu me sommer afin que j’œuvre à faire d’elle l’ange déchu qui sera pour toujours mon éternel regret. Non, rien, aucune réminiscence ne venait frapper à ma porte pour que je me souvienne enfin, de mon beau chalet de Haute-Savoie, le célèbre et majestueux DEUS EX MACHINA.
Toutefois, un sentiment de survie sommeille en moi, un sentiment qui allait me permettre de me souvenir de trois choses. Mais avant que je t’en fasse part, il va falloir que tu m’aides.
Alors que d’autres ont sali leur honneur en bafouant les lois de l’être humain, je me vois dans une situation critique au même titre que ces impies, ces salauds de mauvaise graine.
Bizarrement, on m’accuse de crimes et délits, vois-tu ? Ils me sont portés à mon innocente personne et cela sans que je ne puisse en rien m’en souvenir.
Dès lors, je t’informe que les événements qui vont suivre tout au long de cette deuxième partie, je vais te les narrer comme l’amnésique que je suis.
Crois-le ou non, je suis au cœur d’un procès. En effet, je suis le malheureux protagoniste d’un procès ignoble et grotesque dont je souhaiterais que tu sois mon avocat afin de me défendre d’une infâme trahison où je suis la réelle victime.
Sois, envers ton client, le génie de ton siècle, car voilà se pointer à ma porte l’infâme trahison d’un salaud qui veut me saigner à blanc sur la place publique.
Sur ce, quand tu seras au terme de cette juridiction, témoigne-moi de l’affection, de l’empathie ainsi que de la compassion car jamais de ma vie d’homme je n’ai été déshonoré de la sorte au vu des plaintes que l’on me porte et des agissements que l’on m’attribue.
« Juges, jurés, fantômes d’une planète déshumanisée, j’ai recours à la plaidoirie, et je plaide non coupable d’être l’homme jaloux de l’humain ex-tra-or-di-nai-re, qui du haut de sa rayonnante sublimation d’être universel, m’a asséné de paroles divinatoires, de paroles tout droit sorties d’un esprit qui, à tout point de vue, est inégal aux autres de notre espèce. »
Mais pour l’heure, ami, je me tais. Debout, dans le box des accusés, je vois poindre du nez, le juge implacable et froid au regard inquisiteur. Alors que je pleure d’être dans l’oubli de ma personne, celui-ci s’adresse à moi comme il ferait face à un criminel : « Joseph Dedzer, que votre nom puisse être sanctifié, que votre règne puisse aboutir. Que votre justice soit faite. Si ce n’est cela, priez, faites entendre votre voix, peut-être que vous serez entendu par une sorte de mal, de démons et autres créatures sataniques. »
Ami, mon piège s’est refermé sur moi. Des rouleaux de flammes ont détruit ce qui fut autrefois ma demeure. Protège-moi, car voilà que je déclare l’affaire « Les roses de la vie » ouverte.
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