Chapitre 25
Je retournais dans la salle de bal une dizaine de minutes plus tard, après avoir repris mes esprits. Je croisais le regard de Véra en entrant, mais détournais les yeux. Je lui en voulais de ne m’avoir rien dit alors que je n’étais pas passé loin de la mort à cause de cette loi complètement injuste. Je voulus reprendre mon travail, mais elle m’en empêcha en posant sa main sur mon épaule.
— Qu’est-ce qu’il se passe mon ange ? On dirait que tu m’évites ?
— C’est le cas, répondis-je agressivement.
N’ayant rien à ranger sur la table devant moi, je m’éloignais en lui tournant le dos. Elle me rattrapa deux pas plus loin et me plaqua contre le mur, ses deux mains à plat sur mes épaules.
— Dis-moi ce qu’il y a, Élia.
— Arrête d’insister et laisse-moi tranquille, ajoutais-je en évitant de la regarder dans les yeux.
— Pourquoi tu t’énerves, Élia ? intervint Marcus.
— Vous allez me laisser tranquille, oui ? Je n’ai pas envie de vous parler !
Sous le coup de la colère, je repoussais Véra et entendis tous les soldats sortirent leurs armes avant que Véra ne les en empêche. Autour de nous, un silence se forma et les regards se déplacèrent sur nous, y compris ceux de la famille de Véra et Marcus.
— Arrête Élia et dis-nous ce qui passe.
— Fous-moi la paix !
— Mon ange, s’il te plaît…
— Je t’interdis de m’appeler comme ça.
— Calme-toi enfin, intervint à nouveau Marcus.
— Toi, je ne t’ai pas sonné ! Occupe-toi de ce qu’il te regarde.
— Ça suffit maintenant ! Arrête ça et calme-toi.
Marcus voulut me serrer contre lui pour me calmer, mais je le repoussais violemment. Derrière lui, je voyais Véra totalement impuissante et ça me révoltait. L’un comme l’autre m’avait caché la vérité alors que j’en avais bavé.
— Putain Élia arrête ça ! Qu’est-ce qui te prend enfin ? Parle-moi.
Je me rapprochais d’elle jusqu’à la défier du regard. Peu importe si je me ridiculisais devant la Cour au grand complet, j’avais trop de douleur sur la conscience pour me taire sagement, comme la pauvre petite idiote que j’avais toujours été.
— Oublie-moi, se sera mieux pour tous le monde. Je n’ai rien à faire ici.
— Tu fais chier Élia ! Après tout ce que j’ai fait pour toi ? Dis-moi quel est le véritable problème ?
— Le véritable problème ? As-tu seulement la moindre idée de ce que ça fait d’avoir un corde autour du cou ? D’être affamée et noyée juste parce que… pourquoi tu ne m’as pas dit que ta grand-mère avait épouser une femme ?
— Excuse-moi Élia, repris-t-elle calmement. Je voulais seulement te protéger.
— Et toi ? Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
— Je pensais que tu savais. On l’apprend au lycée.
— Je ne suis jamais allé au lycée, Marcus ! Je suis la débile du village qui a arrêté l’école à treize ans !
Les yeux brillant par les larmes qui ne voulaient pas couler, Véra s’approcha de moi, mais je reculais. J’étais encore trop en colère pour l’accepter proche de moi.
— Tu n’es pas débile, Élia. Tu es intelligente à ta manière. C’est pour ça que je…
— Si je le suis et tu le sais très bien !
— Si je ne t’ai rien dit, c’était pour ne pas te blesser, Élia. Pour que tu passes à autre chose. Ce qui s’est passé…
— Tu aurais dû me dire la vérité, la coupais-je. C’est en ne me disant rien que tu m’as blessé. Pourquoi une telle loi a été mise en place alors que…
— Comment tu l’as appris ?
— Ce n’est pas important.
— Je suis désolée Élia. Je voulais seulement te protéger.
— Bah c’est raté. Si tu avais vraiment voulu me protéger, tu ne l’aurais jamais laissé faire.
J’en avais assez de toujours passer après la loi. Elle voulait bien faire, respecter les protocoles et je le comprenais, mais c’était de Véra Stinley que j’avais besoin, pas de l’Impératrice. Ne voulant pas me ridiculiser plus devant sa famille, je voulus m’éloigner à nouveau. Sauf que cette fois-ci, se fut Isa qui me coupa la route, m’empêchant de m’enfuir.
— Je suis navrée que tu penses ça de moi, Élia, mais je ne pouvais pas faire plus, reprit Véra dans mon dos. J’ai épluché tous les documents que j’avais en ma possession pour te sortir de là. Marcus est témoin, j’ai passé toute la semaine sans dormir pour que tu me reviennes vivante.
— Et virer Margot plus tôt ? Ça ne t’ait pas venu à l’idée ?
— Je ne pouvais pas Élia. J’avais un accord avec ma mère et… tu sais aussi bien que moi que la famille passe toujours d’abord.
Cette phrase, je la reçus tel un poignard en plein cœur. Implicitement, elle venait de dire que je n’en faisais pas partie et que c’était pour ça qu’elle avait mis autant de temps à accepter que Margot ne m’aimait pas, qu’elle me détruisait à petit feu. Une larme brûlante roula sur ma joue.
— Tu as viré Margot ? intervint alors la mère de Véra. Pourquoi ?
— Maman, soupira-t-elle, c’est une longue histoire, mais je le devais. Élia ?
— J’ai compris, je ne suis rien. Je fais mes affaires et je rentre chez moi.
— Élia ! Ce n’est pas…
— Si, c’est exactement ce que tu as dit ! Depuis le début tu joues avec moi, avoue-le ! J’ai failli mourir pour toi et toi tu…
— Prend ma place si tu te crois plus intelligente ! s’énerva-t-elle. Vas-y, dis-moi, tu aurais fait quoi à ma place ? Je suis aussi humaine que toi. Il m’arrive de faire des erreurs surtout quand… Tu sais ce que ça m’a fait de te voir si mal en point ? De te voir si proche de la mort ? As-tu seulement conscience de tout ce que je fais pour assurer ta sécurité ? Mais vas-y, je t’en pris, deviens Impératrice à ma place que je puisse avoir ne serais qu’un quart de la vie que tu as. Tout ce que je demande ce que tu reconnais un minimum tout le travail que je fais pour toi.
Les larmes aux yeux, Véra retira sa couronne et s’approcha à nouveau. Cette fois-ci je ne la défilais pas, mais ne parviens pas à la regarder dans les yeux. J’avais trop honte et j’étais toujours en colère. Son titre d’Impératrice, c’était une barrière infranchissable entre nous. Trop de règles à respecter, trop de bienséances. Trop de choses à apprendre, quoi faire, ce qu’il ne faut pas dit. Alors que tout ce que je voulais, c’était être dans ses bras. Vivre à ses côtés pour toujours.
— Mon ange, dis quelque chose s’il te plaît, chuchota-t-elle à quelques centimètres de moi.
— Je ne veux pas être à ta place, Véra. Je n’en serais jamais capable.
— Je suis prête à tout abandonner pour toi, même ma couronne. Tu n’as qu’un mot à dire et…
— Non ! N’abandonne pas ce pour quoi tu es si doué. Tu es a ta place ici, moi pas.
— Bien sûr que si, mon ange. Il te faut juste un peu de temps.
— Mais combien de temps ? Je n’y arrive plus.
Elle m’entoura les épaules de ses bras et me plaqua contre sa poitrine. Nos larmes coulaient sur nos jours respectifs. Le silence de la salle était brisé par intermittence par nos reniflements.
— Si je te demande de m’épouser, est-ce que tu accepterais ? ajouta-t-elle le plus bas possible.
— Non. Je ne suis pas prête.
— Alors j’attendrais. J’attendrais aussi longtemps qu’il le faudra. Je t’attendrais toujours.
— Excuse-moi de te dire non, mais…
— Je comprends, ne t’inquiète pas. Je dois aussi m’excuser pour tout ce que je t’ai dit. Je me suis laissé emporter alors que…
Ne voulant pas la laisser finir et voulant lui prouver que même si j’avais refusé sa demande en mariage, je l’aimais quand même et que j’étais prête à l’assumer, je l’embrassais.
— Je t’aime Véra. Il faut juste que tu me laisses le temps de guérir.
— C’est promis. Je t’aime aussi. Excuse-moi de ne pas avoir compris, mon ange, mais tu exprimes si peu tes émotions que…
— Je suis comme ça, Véra.
— Je sais et j’apprendrais à faire avec.
— Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ? Ta famille…
— Je m’en occupe, fais-moi confiance. Tu devrais aller te coucher.
— Très bien.
Elle m’embrassa une dernière fois avant d’interpeller Sandra pour qu’elle m’accompagne. En passant à côté de Marcus, il me sourit rapidement. Ne m’attardant pas, je remontais dans la chambre, pris une rapide douche et me couchais aussitôt.
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