Chapitre 31
Aujourd’hui, le psychologue du palais allait enfin arriver. Ma mère l’attendait avec impatience. Elle voulait lui parler avant moi et ça se comprenait. Si Véra me l’avait envoyé, c’est qu’elle le pensait suffisamment compétent et j’avais confiance en elle. Mais ma mère, non. Même si elle savait qu’il était envoyé par l’Impératrice, elle ne faisait jamais confiance aux inconnus, encore moins quand ça me concernait.
— Est-ce que tu le connais au moins ce type ? m’interrogea ma mère pendant le petit-déjeuner.
– Non, maman. Mais j’ai confiance en l’Impératrice. Si c’est le psychologue du palais, il doit aussi être le sien, tu ne crois pas.
— Je comprends ton raisonnement, mais tu es, très souvent, bien trop naïve pour ce monde, ma chérie. Et c’est mon rôle de mère de m’assurer que ceux qui t’entourent sont vraiment dignes de confiance.
— Tu ne fais pas confiance à l’Impératrice ? Alors qu’elle…
— Pour tout ce qui est politique, économie ou tout ce qui concerne l’Empire, je lui fais confiance oui. Mais en ce qui te concerne toi, non. Elle ne te connaît pas aussi bien que moi, Élia. Est-ce qu’elle sait pourquoi tu as commencé à danser ?
— Pas dans les détails non.
— Et c’est normal. Elle n’est ni ta mère, ni ta sœur, ni ta femme. Est-ce que tu sauras être raisonnable cette fois-ci.
— Je peux faire un effort.
— Merci ma grande.
Je terminais de prendre mon petit-déjeuner avant de me dépêcher de me préparer pour retrouver Lianna à l’orphelinat. Le psy du palais ne devait pas arriver avant le début d’après-midi et j’avais beaucoup de travail à faire à l’orphelinat. Que ce soit de l’administratif ou m’occuper des enfants. Avec l’accord de Jordan, j’avais décidé de remettre en place un cours de danse. Celui que j’avais assuré pendant de nombreuses années. Le premier cours commençait à neuf heures et je devais arriver à huit heures et demie. J’avais prévu de préparer la salle qui nous avait été mise à disposition avant l’arrivée des jeunes. Je voulais aussi prendre connaissance de la salle.
— Et voilà les clés, Élia. Quand j’ai fait rénover cette bâtisse, j’avais prévu une salle de danse. Le sol est dans un parquet spécial, il y a une chaîne hi-fi et un miroir sur tout un mur. Entre, je t’en prie.
— C’est parfait, Jordan. Tu as pensé à tout.
— En même temps, c’était facile. J’ai vécu avec deux grandes danseuses. Et puis Iléna avait en tête sa salle de danse idéale. J’en ai tellement entendu parler que je l’ai refait ici.
— Tu es génial.
— Dorénavant, c’est ta salle. Ici, tu y fais ce que tu veux. Tes premiers élèves vont bientôt arriver. Voici une première liste d’inscrite.
— Merci, Jordan.
La liste des inscrits dans une main, la clé dans l’autre, j’entrais dans la pièce qui allait être mon refuge pour les prochaines semaines. Une salle de danse, qu’elle soit ici ou au palais, devait toujours mon lieu préféré. Celui où j’allais passer le plus de temps possible. En attendant les jeunes, je m’installais et pris possession de la salle.
— On peut entrer ? m’interrogea une petite fille en me sortant de mes pensées.
— Bien sûr, entrez. Ne faites pas vos timides. Vous pouvez poser vos sacs dans le coin juste ici et venez ensuite vous asseoir, dos au miroir.
J’attends que les dix jeunes s’installent devant moi pour commencer à faire l’appel. Les jeunes de l’orphelinat devaient tous faire une activité obligatoire parmi celles proposées. Je me devais donc de vérifier leur présence au cours de danse. Après avoir vérifié que tout le monde était bien présent, je commençais le cours par quelques exercices d’échauffements.
— Est-ce que quelqu’un parmi vous sait danser où a déjà pris des cours de danse ? Non, personne ? Au moins comme ça tout le monde part sur la même base.
Après m’être assurée que tout le monde s’était correctement échauffé, je leur proposais un deuxième exercice. Chacun leur tour, il devait me donner le premier mouvement qu’il leur venait en tête. En les enchaînant tous, nous allions ainsi avoir notre première chorégraphie. Après plus d’une heure de rigolade plus que de travail, j’entendis Jordan discuter près de la porte. En me tournant vers lui, je l’aperçus avec mon téléphone à la main.
— C’est terminé pour aujourd’hui, les jeunes. N’hésitez pas à retravailler la chorégraphie que nous venons d’inventer pour le cours de demain, à la même heure.
Laissant les jeunes ranger leurs affaires, je m’approchais alors de Jordan et compris qu’il me filmait, en plus de discuter avec quelqu’un.
— Je peux savoir ce qui t’amuse, Patate ?
— Patate ? Ça sort d’où ça ? Madame l’Impératrice te trouve très séduisante en prof, chuchota-t-il.
— Quoi ? Mais je ne t’ai même pas dit que… donne-moi mon téléphone tous de suite !
Quand je parviens enfin à le récupérer, je vis qu’effectivement, Jordan était bien au téléphone avec Véra. Il avait activé la caméra, elle aussi. Nous pouvions mutuellement nous voir.
— Bonjour, mon ange, commença-t-elle.
— Bonjour, Ma dame.
— Tu es très douée en tant que prof de danse, tu sais ?
— Vous le croyiez vraiment ?
— Mais oui. Au fait, j’ai reçu un message du psychologue du palais. Il est bien arrivé chez toi.
— Merci de m’avoir prévenue.
— Je ne peux pas rester plus longtemps avec toi, j’ai beaucoup de travail, mais…
— Attendez, vous avez trouvé une remplaçante ou pas ?
— Oui, mais uniquement pour ce qu’il y a de plus basique. Ne t’inquiète pas, elle a interdiction d’aller dans la salle de bain. Rassurée ?
— Oui, merci.
— Alors je te laisse à tes occupations. Je t’aime, mon ange.
— Je t’aime aussi, Véra.
Elle raccrocha la première. Je posais ensuite mon téléphone sur le haut de la chaîne hi-fi et remarquais que seule Lianna était restée. Elle était assise dans un coin de la salle de danse et me regardait.
— P’tit chat, tu veux danser avec moi ? la questionnais-je.
— Non. Moi, regarder Lia.
— Comme tu veux.
Je lançais une musique au hasard de ma playlist et me mis à danser, à improviser. Je savais qu’après cette danse, j’allais devoir rentrer chez moi et parler avec le psychologue. Je n’en avais pas envie, mais je n’avais pas le choix. Ça faisait partie de ma thérapie et il avait tout le chemin du Palais jusqu’ici, juste pour moi. Rien que pour ça, je lui devais l’effort d’y aller, de lui parler. Quand la musique se termina, Lianna applaudit avec ses petites mains et souriait. Elle se leva et se réfugia dans mes bras.
— Je vais devoir rentrer chez moi, Lianna. Mais je reviendrais dès demain matin. Tu seras gentille avec Jordan en attendant mon retour ?
— Peux pas rester avec Lia ?
— Non, p’tit chat. J’ai plein de choses d’adulte à faire à la maison. C’est mieux que tu restes ici et que tu joues avec les autres enfants.
— Non ! Rester avec Lia, moi.
— Lianna, s’il te plaît. Je reviendrais demain et s’il fait beau, on jouerait dans le jardin. Ça te va comme ça ?
— Accord.
Après avoir ramassé mes affaires, je la pris dans mes bras. Je la portais jusque dans la chambre de celle qui s’occupait de Lianna quand je n’étais pas là. Après m’être assurée que Lianna était bien entouré, je l’embrassais et Jordan me raccompagna en voiture, jusqu’à chez moi. Comme me l’avait signalé Véra, un homme discutait avec ma mère dans le salon. Sûrement le psychologue du palais.
— Bonjour, commençais-je entrant.
— Entre ma chérie, intervint ma mère. Viens t’asseoir avec nous.
— Ça vous dérange si je vais d’abord prendre une douche ? Je sors d’un cours de danse à l’orphelinat.
— Pas de soucis ma grande. Je dois encore parler un peu avec Monsieur avant.
— Merci.
Pour ne pas faire attendre celui qui venait de loin rien que pour moi, je me dépêchais de prendre ma douche, de me laver les cheveux, de me coiffer avant de redescendre dans le salon. Je me servis rapidement un verre d’eau avant de m’asseoir à table avec eux.
— Tu dois être Élia Aubelin, la protégée de Sa Majesté ?
— C’est moi oui. Vous devez être le psychologue du palais ?
— C’est exact. Il faut beau dehors, que dirais-tu qu’on aille discuter dans le jardin ?
— Pourquoi pas.
Tandis qu’il se levait, ma mère me sourit et m’invita à le suivre. S’il était là depuis plus d’une heure, ma mère avait du bien discuté avec lui. Si elle me souriait, c’est qu’il l’avait mis en confiance. En même temps, il n’était pas le psychologue du palais pour rien.
— Sa Majesté m’a beaucoup parlé de vous avant de me faire venir ici. Elle m’a expliqué la situation et m’a fait comprendre que je devais aller en douceur avec vous. Il semblerait que vous comptez beaucoup pour elle, commença-t-il pour me mettre à l’aise.
— En effet. Elle m’a en quelques sorts recueillis, quand on m’a emmené de force au palais. Elle a su m’accepter, avec mes traumatismes et m’as permis de comprendre qui j’étais vraiment.
— Nous allons nous voir tous les jours désormais. Je tiens à vous informer que vous me pouvez me parler d’absolument tout ce dont vous voulez, je ne dirais rien à personne.
— Pas même à Sa Majesté ?
— L’Impératrice ne fait pas expression au secret médicale. Sauf si vous voulez que je lui parle de sujet en particulier. Comme votre relation.
— Elle vous en a parlé ?
— Oui. Elle m’en a parlé pour que vous puissiez être totalement honnête envers moi et surtout en ce qui concerne vos sentiments envers elle.
Finalement, c’était plus facile de lui parler que je ne l’aurais imaginé. Il savait y aller en douceur et voulait apprendre à me connaître avant d’approfondir mes traumatismes. Pour cette première séance, nous avions parlé pendant plus de deux heures sans plus évoquer Véra, ma sœur ou Margot. Aujourd’hui, c’était avant tout moi, mes passions.
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