Chapitre 40

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Ce matin-là, c’est un souffle chaud dans mes cheveux et un bras autour de moi qui me réveillèrent. En ouvrant les yeux, j’aperçus Lianna recroquevillée contre moi. Elle grognait dans son sommeil et gigotait. Derrière moi, Véra dormait encore. Sans réveiller mes deux amours, je sortis du lit, récupérais ma robe de chambre ainsi que mes chaussons et descendis dans le salon, où ma mère déjeunait déjà.


— Lianna est arrivée quand ? questionnais-je ma mère après l’avoir embrassé.

— Jordan là emmener au milieu de la nuit. Comme tu étais profondément endormi, c’est Véra qui s’est occupée d’elle.

— Que s’est-il passé ?

— Un cauchemar, je crois. Personne n’arrivait à la calmer à l’orphelinat, donc Jordan a jugé bon de l’emmener.

— Il a eu raison.


Une vingtaine de minutes plus tard, Véra nous rejoignit, les cheveux ébouriffés et Lianna dans ses bras, encore endormis et les yeux rougis.


— Cette petite s’est réveillée en pleure.

— Je m’en occupe.


Après avoir embrassé Véra, je récupérais Lianna dans mes bras. Je remontais dans la chambre et lui fit couler un bain chaud. Je nettoyais rapidement son visage avant de la mettre dans l’eau.


— Tu veux me parler, p’tit chat ? De quoi as-tu eu peur cette nuit ?

— Mama manque moi. Mama et papa.

— Ma chérie, soupirais-je. Ils n’ont pas choisi de partir et ils t’aimaient. N’en doute pas.

— Partie ? Feu ?

— Oui. C’est le feu qui les a fait partir. Mais toi tu vas bien et c’est tout ce qui compte. Véra et moi on va t’aimer autant qu’eux.

— T’aimes Lia.


Ses yeux se remplir de larmes. Je les séchais du bout des doigts en lui souriant avant de la savonner. Après l’avoir sortie du bain, je lui mis le survêtement qui était dans mon placard et la portais dans mes bras. Elle posa ses petites mains dans mon dos et sa tête sur ma poitrine.


— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? me questionna ma mère.

— Ses parents lui manquent. Elle s’est rappelé l’incendie de sa maison.

— Pauvre chérie. Tu devrais la garder près de toi aujourd’hui.

— C’est ce que je comptais faire.

— Véra et moi devons passer la journée ensemble de toute façon. Je lui achèterais une peluche.

— Merci maman.


Après avoir embrassé Véra, je récupérais mon sac et partie en direction de l’orphelinat. Je retrouvais Jordan dans son bureau et il m’indiqua le nom des parents biologiques de Lianna pour que je puisse me rendre sur leur tombe. Je récupérais des fleurs dans le jardin pour en faire un bouquet. Lianna, toujours dans les bras, je marchais silencieusement jusqu’au cimetière. Dès que je réussis à trouver leur tombe, l’une à côté de l’autre, je posais Lianna.


— P’tit chat, ton papa et ta maman sont ici. Est-ce que tu veux poser les fleurs toi-même ?

— Peu ?

— Bien sûr.


Elle récupéra les bouquets de fleurs, séparer en deux et les posa délicatement sur les tombes avant de se blottir dans mes bras. Je m’accroupis pour être à sa hauteur et dit quelques mots. S’ils pouvaient m’entendre, ils étaient en droit d’être rassurés sur l’avenir de leur fille. Ce petit ange qui était devenu la mienne et que je protégerais jusqu’à la fin de ma vie. Elle avait eu la chance d’arriver dans le bon orphelinat et j’avais eu la chance de faire sa connaissance. Mais surtout la chance qu’elle accepte de me faire confiance dès notre première rencontre.


Je rentrais ensuite à l’orphelinat où m’attendaient les jeunes du cours de danse. Le jour où la fête du village et de leur représentation approchait et me transmettait leur nervosité. Afin d’apaiser tout le monde, je les invitais à s’allonger et à faire quelques exercices de respiration. J’incluais même Lianna dans cette méditation groupée. Dès que je jugeais tout le monde apte à danser et travailler correctement, on put commencer. Les jeunes étaient impliqués et Lianna essayait de les imiter, nous faisant tous rire. Une cuillère à soupe de danse saupoudrée de musique était la recette de mon propre bonheur, mais aussi celui de Lianna pour lui faire retrouver le sourire.


Entraînant les jeunes toute la journée, je ne vis pas le temps passer. Quand je laissais les jeunes pour la fin de journée, c’est Véra qui prit leurs places. Lianna l’aperçut et elle courut dans ses bras.


— Cette petite chipie va mieux on dirait.

— On est allé sur la tombe de ses parents et elle a dansé avec nous toute la journée.

— Oh ! Et ça allait au cimetière ? Avec ton père.

— Je n’y suis pas allé.

— Est-ce que tu aimerais que je t’accompagne ?

— Ce n’est pas la peine. Je n’ai aucun souvenir de lui. Je ne suis pas légitime à y aller. Tu veux danser avec moi avant qu’on ne rentre à la maison ?

— Avec plaisir, mon ange.


Sur la chaîne hi-fi, je lançais une musique de bal, douce. Le type de musique dont elle avait l’habitude. Je revins ensuite vers elle, posais mes mains dans son dos et ma tête contre sa poitrine. Durant toute la musique, on dansait ensemble, en silence.


— Tu as changé de sujet, mon ange. Qu’est-ce qui ne va pas ?

— Comme d’habitude, mon père.

— C’est une sujet plus sensible qu’il n’y parait, on dirait.

— Comme ta famille avec ta grand-mère ou… hésitais-je.

— Ou quoi chérie ?

— Pourquoi tu ne m’as jamais dit que tu avais un frère ?

— Je suppose que c’est ma tante qui t’a parlé d’Ilyan.

— Oui. Elle m’a expliqué vaguement, mais j’aimerais que tu m’en parles de toi-même.

— C’est compliqué, Élia.


Lui faisant du temps pour mettre en ordre ses pensées, je diminuais le son de la musique et demandais à Véra de me rejoindre et de s’asseoir sur les chaises.


— Quand ma mère a abdiqué pour s’occuper de ma grand-mère, il a fui. Il m’a lâchement abandonné.


J’appris qu’Elena était malade depuis une trentaine d’années. Une maladie invisible, mais handicapante au quotidien. C’était la raison pour laquelle Élise avait peu régné, préférant s’occuper de sa mère que de l’Empire, au détriment de ses enfants. Ilyan, le grand frère de Véra, aurait dû prendre la couronne à la place de Véra. C’était lui le plus âgé. Selon elle, il avait lâchement fui, mettant sa sœur en porte à faux. Sans y être préparée, elle avait dû prendre la couronne par dépit et avait par conséquent fait plusieurs erreurs importantes qu’elle regrettait aujourd’hui. Je comprenais la colère et la rancœur qu’elle avait envers son frère. Mais de mon point de vue, je comprenais aussi la réaction d’Ilyan. Leur mère avait abdiqué sans leur avoir demandé leur avis auparavant. Ilyan, étant jeune lui aussi, avait eu peur. Être à la tête d’un si vaste Empire pouvait être impressionnant. C’était sûrement pour ça qu’il avait refusé de devenir Empereur. Mais il n’aurais pas dû partir subitement en abandonnant sa sœur au pouvoir, seule face au Conseil et à la Cour. Seule devant tout un Empire et une montagne d’administratif, qu’elle avait dû apprendre à résoudre seule.


— Tu devrais essayer de parler avec lui. Pour avoir sa version de l’histoire.

— Ça ne servirait à rien. Je ne veux pas le voir et de toute façon, je n’ai aucun moyen de le contacter.


Étant impuissante face à la situation, j’arrêtais de poser des questions et commençais à ranger la salle ainsi que mes affaires. Véra récupéra Lianna et on rentra tous les trois directement chez ma mère. Pendant que Véra devait passer un appel, je m’occupais du bain de Lianna avant d’aider ma mère à préparer le repas. Quand Véra posa enfin son téléphone, son doigt dérapa dans le chocolat, finissant dans sa bouche avant qu’elle n’entoure ma taille de ses bras.


— J’espère que c’est bon au moins, rigolais-je.

— Je ne sais pas ce que tu comptes faire, mais oui. Nia, je peux t’emprunter Élia quelques instants ?

— Bien sûr, je vais finir la mousse au chocolat.

— Merci.


Elle glissa sa main dans la mienne et on s’asseyait toutes les deux à table. Après avoir sorti mon téléphone, à sa demande, je regardais les documents qu’elle venait de m’envoyer.


— Il s’agit des premières candidatures pour le poste d’assistante et j’aimerais ton avis.

— Je ne suis pas sûr d’être la mieux placé pour ça.

— Je ne veux pas que tu te bases sur leurs compétences, mais plutôt sur leurs profils, leurs motivations. Ce serait idiot si tu ne t’entendais pas avec elle.

— Il n’y a que des femmes, pourquoi ?

— Je n’aime pas travailler avec des hommes. Et les femmes sont souvent plus ouvertes d’esprit et créatives.

— Je ne suis pas convaincue, mais d’accord, je vais étudier ça.


Pendant que ma mère finissait de cuisiner et que Véra commençait d’analyser les premières candidatures, j’en fais de même, mais qu’avec les lettres de motivation. Sur ses lettres, je n’avais ni les noms ni les photos. Après une dizaine de minutes de lecture et cinq lettres, l’une d’elles retient mon attention. Cette femme n’était non pas motivée par le travail ou par le titre de Véra, mais par l’envie de nourrir sa famille. Famille qu’elle s’était construite à l’orphelinat. Que ce soit son frère et sa sœur adoptive, son mari et leur petite fille de quelques mois. Après avoir informé Véra, elle retrouva la candidature grâce à un numéro.


— Elle n’est pas aussi compétente que ce que j’attends, commenta Véra.

— Parce qu’elle n’a pas les diplômes nécessaires ?

— Oui.

— Je n’ai pas non plus de diplôme pour être Dame de chambre. Je n’ai aucun diplôme d’ailleurs, mais je suis tous de même compétente. Enfin, je pense.

— Tu as raison. Je mets sa candidature de côté et je la rencontrerais.

— Merci.

— Tu es là pour ça en même temps.


On continua pendant les trente prochaines minutes, jusqu’à avoir tout étudié et avoir mis trois candidatures de côté, dont deux exclusivement choisit par Véra pour leurs compétences. Dès qu’on eut terminé, on a eu juste à mettre la table, le repas étant prêt.


— C’est vraiment délicieux, Nia, commenta Véra.

— Tu es bien trop gentille.

— Ce n’est que la vérité.


Durant tout le repas, elles discutèrent de nourriture et de cuisine. Que ce soit la cuisine familiale de ma mère ou celle du palais, beaucoup plus sophistiqué et riche. Même si Véra demandait quand même régulièrement des plats simples. Quand on arriva à la mousse au chocolat, mes papilles se régalèrent. C’était une recette que Sandra m’avait discrètement fournie. À la maison, nous avions rarement pu manger du chocolat, contrairement au palais. Chocolat qui devenait, petit à petit, mon péché mignon.

À la fin du repas, Véra remonta dans la chambre pour appeler le Conseil et définir une date d’entretien avec les trois candidates retenues, dès son retour au palais.

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