Chapitre 3 (1/?) : Vers de nouveaux horizons
Lorsqu’il rouvrit les yeux, Thane se redressa et découvrit l’environnement qui l’entourait : une grande plaine légèrement vallonnée, couverte d’herbe verte et parsemé de quelques bosquets. Près de lui se trouvait un grand arbre sur lequel était adossé son ami Aoro.
- Nous sommes arrivés ?
- Oui Thane, il semblerait qu’on soit arrivé chez toi.
Il stabilisa ses appuis et pencha légèrement la tête.
- Comment en es tu si sûr ?
- Je sais pas, une intuition. Et puis je parie que toi aussi tu penses la même chose.
Thane ne pouvait le nier car il sentait qu’il y avait quelque chose dans l’air … quelque chose de différent, comme une impression de chaleur. Mais pas une chaleur physique, pas une chaleur qui réchauffe le corps. Pas le Corps, mais ce qui était caché au plus profond de celui-ci.
Thane voulu dire quelque chose jusqu’au moment où il vit Aoro, les bras croisés, et l’air pensif. Ce dernier releva la tête.
- Pour le coup je pense que je vais être déçu.
- Hein ?
Aoro regarda vers le ciel et continua.
- Avant d’arriver ici je me suis dit : “mon cher Aoro, ton pote a un super pouvoir complètement classe et tu vas rejoindre son monde natal.” De cette réflexion je ne pouvais en tirer que deux options !
Thane attendit que son ami termine, malgré le pressentiment qu’il avait. Aoro finit par conclure d’un ton théâtral.
- Est-ce un monde fantasy ou de science-fiction !?
Thane cligna des yeux quelques instants complètement ébahi.
- On est paumé en plein milieu d’une plaine avec rien à l’horizon, dans un monde qui nous est totalement inconnu, probablement hostile, et toi, tout ce qui ce qui te préoccupe, c’est de savoir si on va tomber sur des mecs avec sabre et pistolet laser ou sur des mecs en armure et épée démoniaque ?!
- Ouais, gloussa-t-il.
- Remarque ça ne m’étonne pas de toi, soupira Thane. Et donc ? En quoi es-tu déçu ?
- J’aurai bien voulu trouver un sabre laser. Ça aurait été fun.
Thane soupira encore une fois.
- Borné comme tu es, tu serais bien capable d’en fabriquer un. Bref, avant de continuer, regardons ce qu’on a avec nous.
Les deux amis retirèrent leurs sacs de leurs dos. Tous deux avaient eu le pressentiment, avant de descendre dans la cave de la forge, qu’ils allaient s’engager dans quelque chose qui les dépasserait, quelque chose auquel leurs vies ne les avaient jamais préparées, quelque chose qu’aucun autre terrien n’aurait pu expérimenter. Ils s'étaient donc préparés en conséquence.
- Yes ! Ma tablette est intacte, se réjouit Aoro en la sortant de son sac.
- Ça me paraît impossible qu’on ait du réseau ici, donc les vidéos sur internet, c’est mort.
Sans baisser le bras il parut dépité quelques instants avant de se reprendre :
- Mais … mais ce n’est pas à ça que je pensais, dit-il d’un air faussement offusqué. Je pensais entre autre à toutes les encyclopédies que j’ai téléchargées hier.
Thane ne l’écoutait déjà plus, trop occupé à faire l’inventaire de son sac. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes qu’il releva la tête.
- Attend, tu as téléchargé quoi ?!
- Ben, toutes sortes d’encyclopédie, je viens de le dire, lui répondit malicieusement son ami.
- Mmh … ça nous sera surement utile en effet. Comme quoi, même pour toi ce n’est pas impossible d’avoir de bonnes idées.
- Merci du compliment ! Bon alors, tu trimbale quoi toi ?
Avec la bouteille d’eau que Thane venait tout juste de sortir, il avait devant lui les deux lampes torche qu’ils avaient utilisé dans la cave, une boussole, un couteau suisse, une bobine de ficelle, quelques vêtements, des barres énergétiques et …
- T’a encore ton set de dés de notre dernière partie de jeu de rôles ? lui demanda Aoro.
- Il faut croire. Et toi, qu’est-ce que tu as ?
- Y a la tablette et tout ça.
Il montra d’un geste ce qu’il avait sorti de son sac : un calepin, plusieurs crayons et stylos ainsi qu’un chargeur solaire pour la tablette et pour leurs deux téléphones qu’ils avaient tous les deux dans leurs poches de jeans. Il avait aussi pris, sur recommandation de son ami, vêtements, eau, et boîte de cookies.
Thane examina une dernière fois toutes leurs affaires et haussa les épaules :
- On s’en contentera, mais dans l’idéal il faudrait rallier une zone habitée rapidement, on avisera à ce moment-là.
- Je me permet de prendre ton couteau suisse, le petit j’entends, lui répondit-il en joignant le geste à la parole.
L’épéiste en herbe sourit et laissa faire son ami tandis qu’il fit distraitement glisser ses doigts sur la lame de son épée attaché à son flanc gauche. Ils rangèrent tous deux leurs affaires et se levèrent. Thane remarqua alors derrière lui le livre qui les avait amenés ici. Il le ramassa et le mit dans son sac en se disant qu’ils l’étudieront plus tard.
Le soleil semblait doucement entamer sa descente dans le ciel. Ils estimèrent donc qu’ils devaient être en pleine après-midi. À partir de cette déduction, ils déterminèrent approximativement où était le nord. Thane regarda tout autour de lui avant de lâcher :
- Et maintenant ? On va où ?
Hormis l'astre céleste dans le ciel, ils n’avaient aucun autre point de repère. Et ce n’était pas les quelques bosquets à l’horizons qui allaient les aider.
Aoro réfléchit à la question puis il se tourna, pointa un point au loin de son doigt, prit un air solennel et proclama d’une voix pleine d’assurance :
- Vers le nord !
- Parfait, on va vers le sud alors.
Thane se mit en marche vers le sens opposé qu’indiquait son ami. Ce dernier ne bougea pas et garda son bras toujours tendu vers l’horizon.
- Allez, ramène-toi ! cria Thane de loin.
Aoro le rejoignit en soufflant et ils se remirent à marcher à travers la plaine herbeuse.
Ils marchèrent ainsi pendant un long moment sans un mot, observant le paysage et s’attendant sûrement à apercevoir quelque chose de nouveau, mais en vain.
Au bout d’une trentaine de minutes, Thane brisa enfin le silence qui s’était imposé.
- Maintenant qu’on y est, qu’est-ce que tu penses de tout ça ?
- Tu parles de l’herbe ? Et des arbres ? Et du ciel ? Et de …
- Tu sais très bien de quoi je parle, répliqua-t-il en roulant des yeux. Tentes de me donner une réponse sérieuse pour une fois.
Aoro pouffa avant de regarder le ciel.
- Pour l’instant on n’a rien vu de bien extraordinaire, il est même possible qu’on soit encore sur Terre, qui sait ? Je crois même que je n’ai toujours pas totalement intégré le fait que la magie existe … hormis pour toi.
- Et pour le Traceur qui nous a attaqué.
- Moi j’étais dans les vapes à ce moment-là, fit-il en haussant les épaules. Donc ça compte pas vraiment, si ?
Thane avait à peu près le même ressentiment : rien qu’en regardant ce qui les entourait, ils auraient pu se croire sur Terre. Pour être sûr de là où ils étaient, il avait besoin d’avancer et d’en voir plus. Mais dans ce cas, ils devaient rester ici encore un moment et dans ce cas …
- Et à propose des études et de ta famille ?
- Et toi ? répliqua Aoro du tac-au-tac.
- Les études, vu notre dernier cours de math, je m’en passerais bien. Quant à ma famille … Mais bref ! c’est à toi que je pose la question.
- Les études ? Au pire je les rattraperais. De toute façon, je te rappelle que je suis meilleur que toi. Et puis ...
Aoro lui tira la langue avant de détourner le regard pour observer un bosquet au loin. Les yeux dans le vague, il semblait réfléchir à la deuxième partie de la question. Un long moment s’écoula et Thane se demanda même s’il aurait mieux fait de se taire, mais son ami finit par reporter son regard sur lui, un sourire en coin sur le visage.
- Et puis t’emballe pas, on vient à peine d’arriver. Attendons de voir ce qu’on va trouver ici.
Thane acquiesça lentement. Au fond de lui, il se sentait coupable d’avoir emmené son ami ici. Certes, c’était lui qui avait choisi de le suivre, cependant il n’arrivait pas à s'ôter de la tête qu’il était responsable d’Aoro.
Ils continuèrent de marcher jusqu’à atteindre l’orée d’une forêt qu’ils entreprirent de contourner. Le soleil ayant beaucoup avancé dans sa course céleste, il se vit caché par les arbres aux yeux des deux amis, réduisant ainsi la luminosité qui les éclairait. En remarquant cela, Aoro se dit que l’obscurité ne serait pas un problème pour eux grâce au pouvoir de Thane. Une question germa alors dans son esprit.
- Hey Thane, je me disais, comment tu as su pour ton pouvoir. Genre, faire des flammes par sois même, c’est pas trop un truc qu’on fait d’habitude, si ?
L’intéressé s'arrêta et regarda sa main droite. Un petit rire s’échappa de ses lèvres lorsqu’il répondit :
- Non tu as raison. Je saurais pas expliquer comment j’ai su que je pouvais faire ça. Je le savais, c’est tout. Je savais que j’avais ce pouvoir au fond de moi et qu’il attendait que je le libère.
Pour illustrer son propos, il ferma les yeux et se concentra pour tenter de reproduire ce qu’il avait fait quelques jours auparavant. Sans aucune difficulté, il réussit à visualiser l'intérieur de son Corps dans lequel se trouvait sa Conscience. Mais au moment où il voulut écarter cette dernière pour atteindre ses Souvenirs puis son Âme, quelque chose d’étrange le perturba.
- Qu’est-ce que … ?
Aoro inclina sa tête d’un air interrogateur, lorsqu’un long sifflement parvint à ses oreilles. À peine eut il le temps de tourner le regard vers la forêt, qu’un objet en sortit à toute vitesse. Du coin de l’œil il vit trois poids d’une dizaine de centimètres de diamètre chacun reliés entre eux par trois cordes d’un mètre de longueur. Cette étrange projectile vint frapper Thane de plein fouet et avec la vitesse les trois poids vinrent s’enrouler autour de lui en un rien de temps avant de l’immobiliser.
- Des bolas ?! jura Aoro en voyant son ami tomber au sol.
Il voulut l’aider à se dégager, mais trois individus sortirent d’entre les arbres en hurlant. Il resta tétanisé en les voyant arriver vers eux d’autant plus qu’ils étaient tous les trois armés de haches et d’épées, certes rudimentaires mais non moins dangereuses. Cependant ce qui, attira son regard, malgré la peur qui commençait à l’envahir, fut leurs vêtements : chemises et pantalons en toile, vestes et chaussures en cuir et petites protections en métal. Le tout était grossier, aucun éléments complexes et des couleurs assez ternes.
“Bon sang, c’est des tenus médiévales ça ! Bon ben pour la SF c’est raté.”
Cette pensée claire et rationnelle qui traversa l’esprit d’Aoro contrastait avec sa panique grandissante qui l’empêchait de réfléchir correctement pour trouver la meilleure chose à faire.
- Reste pas là ! lui hurla son ami toujours cloué au sol. Enfuis-toi ! Tout de suite !
Aoro était en proie au doute. Il ne se voyait pas de l’abandonner ici, néanmoins, les trois individus, qui semblaient être des bandits, étaient bientôt sur eux. Il fallait qu’il se décide, et vite.
- Ne t’en fais pas pour moi, on trouvera une solution chacun de notre côté !
Pour seule réponse, Aoro acquiesça de manière hésitante. Il avait perçu l’inquiétude dans la voix fébrile de Thane mais il savait qu’il avait raison et que c’était la meilleure chose à faire. Cette pensée en tête, il s’élança le long de la forêt en partant le plus loin possible des bandits et jeta un regard vers Thane
- Le temps que je revienne, ne fait pas l’idiot ! lui cria-t-il.
L'intéressé lui sourit en retour avant de reporter son attention vers ses agresseurs qui l’entourèrent en regardant le fuyard.
- Kertunn ! Set’uq ec no’uq itaf ud miexedeu ? cria l’un d’entre eux à l’intention des arbres d’où ils étaient sortis.
Aoro n’ayant rien compris à ce qu’il venait d’entendre, il regarda derrière lui et vit un quatrième bandit sortir de la forêt. Celui-ci jeta un regard antipathique vers le jeune homme avant de reporter son attention vers ses compagnons. Il leurs dit quelques chose qu’Aoro ne parvint pas à entendre car il était déjà loin. Il eut juste le temps de les voir emmener son ami et de retourner de là où ils étaient venus avant que lui-même ne pénètre dans la forêt qui lui faisait face.
Il n'aurait su dire combien de temps il courut ainsi parmi les arbres et les buissons. Dans un premier temps pour se mettre hors de danger dans bandits et dans un second temps pour trouver de l'aide.
C'est justement au moment où il s'apprêtait à appeler à l'aide, qu'il écarta une branche de son chemin révélant une flèche pointue et son arc tendu, tous deux braqués sur lui.
***
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