XXIV
Nous étions samedi après-midi et les derniers invités ne repartiraient que le lundi dans la journée. Comme il n’était pas pensable que tout ce temps se passât en agapes, diverses activités avaient été prévues, dont un grand rallye touristique pour la journée du dimanche. Les participants locaux volontaires avaient été chargés d’en assurer le balisage ainsi que l’encadrement des épreuves.
Mais avant cela, il y aurait le grand banquet prévu ce samedi soir.
Un banquet avec des animations que je redoutais un peu. À la différence de Jackie qui adore attirer les regards, j’ai plutôt en horreur de me faire remarquer en public, tout au moins dans mon état normal ! Un reste de timidité, hérité de l’enfance.
La salle de réception comportait une scène et un magicien avait aussi été engagé pour divertir petits et grands, ainsi que plusieurs baby-sitters.
Trois buffets identiques avaient été dressés dans la salle, à l’abri d’un hangar et sous le plus vaste des barnums au centre de la cour par le traiteur chargé du repas, mais par mesure d’économie, tous les plateaux et tréteaux de la commune et de celle d’à côté, une trentaine en tout, avaient été loués par les organisateurs. Recouverts de nappes en papier, ils formeraient bientôt de grandes tablées,
Un contingent de vaisselle jetable était disposé sur chacune, prêt à être réparti. Un essai d’installation à l’avance avait bien été pratiqué, mais une saute de vent soudaine avait vite ramené tout le monde à la raison. Cela se ferait au dernier moment.
Vers dix-huit heures trente, le gros de la troupe était arrivé et la grande cour bruissait de conversations en tous sens. On se saluait, on s’embrassait, on s’interrogeait, on se dévisageait ; quelques enfants en bas âge, plus sages ou plus timides restaient agrippés à leurs parents, pendant que la plupart avaient investi les jeux pour enfants de la pelouse, réquisitionné tous les vélos, karts et autres trottinettes disponibles. Bref, c’était un joyeux capharnaüm !
Le chargé de l’animation annonça le mot de bienvenue à l’issue duquel le cocktail serait servi.
Pour ce temps-là, Jackie m’avait présenté à une foule de gens dont j’avais à grand-peine retenu une quinzaine de noms et de visages. La tante Marthe, le cousin Robert, le petit-cousin Matthieu, le neveu Mickaël, l’oncle Alphonse, la petite-nièce Coralie, etc. Sans avoir rien bu encore, la tête me tournait déjà. Jackie virevoltait d’un groupe à l’autre, bras grands ouverts et je la suivais, sur la réserve encore.
Le couple invitant prit brièvement la parole, à tour de rôle, surveillant du coin de l’œil le personnel du traiteur qui s’employait à remplir les verres du cocktail de crémant de Bourgogne, cidre ou jus d’orange :
— Chers parents, oncles, tantes, neveux, nièces, cousins, cousines, de la première, deuxième, voire troisième génération, bienvenue à vous tous à la ferme des Baliveaux, lieu retenu pour notre rassemblement quinquennal de ce week-end. Une pensée également pour tous ceux qui n’ont pu se joindre à nous, pour cause d’obligations professionnelles, de maladie ou de deuil.
Après Françoise, chargée de cette partie sentiments, Marcel, plus pragmatique, enchaîna :
— Vous avez pu prendre connaissance sur les différents paperboards du programme du week-end. Cela commence par le cocktail qui va vous être maintenant, je vois que le personnel de la Maison Charles, qui nous régale ce soir, est en place et je vous invite donc à vous rapprocher des buffets et à lever tous ensemble votre verre à la complète réussite de nos journées.
Des applaudissements nourris saluèrent ces deux interventions et, sans délai, la foule se dirigea vers les tables chargées de verres pleins.
(à suivre)
©Pierre-Alain GASSE, 28 avril 2020, 43e jour du confinement.
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