Karezial

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Par l’intermédiaire des jeunes Yu de la tribu de No, Haölillyo a passé les jours suivants à étudier les Mædn, ce peuple plus fragile encore que les Yu, sauvé par sa seule incomestibilité. Puisque nous avions mis notre patience à l’épreuve dans le désert pour les créatures globuleuses, Cokra et moi écoutions sous l’œil vigilant de mâles adultes ; pas qu’ils soient de taille à affronter deux Dai belliqueux. Par chance pour eux, je suis pacifique pour mon espèce et Cokra devient placide lorsqu’elle a l’estomac plein.

Vad Med zedan got ur usav od zej hana ? a demandé Haölillyo à son jeune traducteur.

Hanausa ? Ihanne zej hana, lui a-t-il répondu. Ihan melag.

L’enfant a échangé quelques pas de danse avec les Mædn, puis traduit leur réponse à Haölillyo.

— Il dit ne pas parler la langue des Mëdh. Cette sorte de danse est un code intermédiaire pour communiquer avec les Yuman. Elles semblent trouver notre jeune traducteur méritant, bien qu’il lui manque des bras et de la souplesse pour s’exprimer de façon satisfaisante, et qu’il ne perçoive ni assez de sons ni de couleurs pour les comprendre parfaitement. Quand les Mëdh se parlent entre elles, il leur suffirait de se toucher pour communiquer.

— Fascinant, a raillé Cokra.

Haölillyo l’a ignorée et a posé toutes sortes de questions sur la physiologie des créatures, que le jeune Yu a eu le plus grand mal à traduire. Il a réfléchi longuement à la façon d’en interpréter certaines, et abandonné rapidement pour d’autres, faute de savoir les exprimer.

Les Mædn ne ressentent pas la douleur, nous a-t-il appris, ni ne leur reste-t-il de véritable prédateur.

L’enfant Yu refusait de traduire les questions liées aux nombres ou à la temporalité. Pas par conviction, mais parce que, pour autant qu’il le sache, ces concepts sont étrangers aux Mædn. Cet apparent aveuglement a particulièrement intrigué Haölillyo, qui a pressé l’enfant à ce sujet. Il s’est renfrogné et a enjoint des enfants plus âgés à répondre à sa place.

Butsh u nasht u prosht zea uu masiil, zekre.
— Les Mëdh croient que le passé, le présent et le futur sont une seule et même chose, a interprété Haölillyo.

L’enfant a poursuivi son discours que l’Ælv ponctuait de « oh » et de « ah ». Cokra, quant à elle, se curait les ongles des pieds.

— S’il faut croire les dires des Mëdh, elles se souviendraient en détail d’événements précédant leur naissance. Elles étaient très surprises d’apprendre que les Yuman en sont incapables.

— Tu devrais en profiter pour leur poser des questions intéressantes, plutôt que tout ce blabla, l’a incité Cokra.

— Bien sûr. Vad zedan got merritiu ? Pardon, euh… merritiuf. Que pensent-elles de la mort ?

L’enfant a roulé des yeux comme si la bêtise de Haölillyo le fatiguait. Cokra aussi, mais plus par ennui. L’enfant s’est lancé dans une tirade condescendante que le chercheur a suivi avec la plus grande attention.

— Elles ne conceptualisent pas la mort… Peut-être parce que leurs souvenirs des défunts restent vivaces… Hm-hm. Elles semblent penser que si quelqu’un a été vivant un jour, alors il l’est pour toujours. Le deuil leur est étranger, comme aux Dhaemon. Je traduis seulement ce qu’il me dit, s’est précipité d’ajouter l’Ælv.

Cokra a bâillé bruyamment.

— Tu peux leur demander si elles ont vu passer Caei ? ai-je alors demandé. Aux Yu aussi ?

Haölillyo s’est exécuté. « Cheveux comme les miens », ai-je seulement compris.

— Aah, désolé. Ils voulaient savoir pour qui je posais la question, mais ils ne te répondront pas.

— On n’est pas des personnes, tu te souviens ? m’a rappelé Cokra avec un rictus.

La Tick s’est allongée sur le côté, ignorant le reste de l’échange. Nous la croyions endormie, quand elle a tapé du pied avec impatience.

— Elles savent jouer au tape-gueule, les Mædn ?

— Euh… a fait Haölillyo.

— Je vais recruter des Yu, alors.

— Cokra, tu vas les tuer, ai-je dit en m’interposant.

Elle m’a repoussé pour se diriger hors du camp.

— Où va-t-elle ? m’a demandé Haölillyo.

J’ai haussé les épaules.

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